dimanche 15 décembre 2013

JE ME SOUVIENS... DE NOEL


Je me souviens des senteurs mêlées de houx, de fougères sèches, de petites branches de sapin et surtout de la mousse encore humide que nous ramassions pour décorer la maison à Noël.
Je me souviens de l’éclat dans la lumière des étoiles que nous découpions et des guirlandes que nous fabriquions tout au long d’un après-midi mêlant les papiers argentés et dorés.
Je me souviens de la joie qui s’emparait de nous en accrochant dans le sapin les boules et de petits objets-surprises qui bientôt brilleraient sous les feux de nombreuses ampoules électriques multicolores disséminées çà et là.

Je me souviens de ces bâtonnets magiques que ma mère allumait avec une allumette et qui se consumaient en crépitant et en jetant mille étincelles.
Je me souviens du soir de Noel où nous nous retrouvions, l’un derrière l’autre, encore à moitié endormis mais impatients, sur les marches de l’escalier attendant que la porte s’ouvre aux douze coups de minuit pour aller découvrir nos cadeaux.
Je me souviens de la bonne odeur des craquelins chauffés au four et du chocolat bien chaud que nous dégustions avec des brioches.
Je me souviens de la grande nappe blanche toute décorée sur laquelle étincelaient les verres à pied du « beau service » et le dessous de plat en verre qui renvoyait mille et une raies de lumière multicolore.
Je me souviens du rituel du dessert de Noël : éteindre les lumières sauf celles du sapin au moment où maman posait le plum-pudding sur la table, tandis que papa craquait une allumette pour le faire flamber. Les flammes bleues et jaunes de la cuillère dansaient autour du gâteau que maman arrosait et nos yeux pétillaient.
Je me souviens aussi de ces Noëls où nous étions très nombreux. Maman demandait au plus jeune de se cacher sous la table. D’une main, elle prenait dans la grande corbeille une friandise, un fruit sec ou une petite figurine, tout en disant : « Tirelititi, pour qui ? » et l’enfant lui répondait.

Je me souviens de la chaude ambiance que créaient la musique et les chants que nous reprenions en chœur : Il est né le Divin enfant, bientôt suivi de Mon beau sapin et de Petit papa Noël.
Je me souviens aussi de ces Noëls au Pérou annonçant la fin de l’année scolaire, la chaleur et les plaisirs de l’été.
Je me souviens de la confection de sapin à partir de trois couronnes de feuillages de taille différente enlacées de larges rubans rouges et semées de morceaux de fleurs de coton.
Je me souviens de la grande carte postale du Père Noël sur son traineau dans un paysage enneigé que l’on plaçait sur ce sapin, contrastant si fort avec nos tenues légères et un soleil éblouissant.
Je me souviens de l’odeur des panettone et du chocolat tiède et bien épais que l’on savourait à minuit.
Je me souviens des enfants déposant leurs chaussures devant la porte d’entrée et de leurs cris joyeux qui éclataient dans la rue lorsque, le lendemain matin, ils découvraient leurs cadeaux.
Je me souviens surtout de ces Noëls chaleureux où, réunis en famille, nous partagions le bonheur d’être ensemble pour contempler l’émerveillement de nos petits devant le spectacle lumineux du sapin et de la crèche, ou écouter leurs petits cris de joie en découvrant leurs cadeaux au son d’une musique douce.

Marie-Thérèse
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Je me souviens des Noëls de mon enfance avec la préparation de la crèche sur une table d’angle du salon… Je me souviens surtout des bergers vêtus de tuniques en poils de chèvre et leurs moutons à la laine frisée si blanche ! Je me souviens des étoiles et des guirlandes qui entouraient le papier-rocher… Je me souviens du chemin qu’il fallait tracer tout en haut de ce rocher artificiel pour laisser passage à la caravane des Mages qui ne tarderait pas à arriver… Je me souviens du sapin, placé près de la cheminée, garni de boules multicolores, de guirlandes et de de cheveux d’ange. L’étoile qui  le surmontait brillait autant que celle de la crèche ; mais elle était de couleur argenté tandis que celle au-dessus de la crèche était dorée… Je me souviens  des chaussures déposées devant la cheminée le 24 décembre au soir… et des réveils enthousiastes du lendemain matin : les souliers étaient justement remplis des jouets que nous avions commandés au Père Noël !
Je me souviens des vitrines des Galeries Lafayette et du Printemps : vitrines animées où jouaient des poupées et des animaux en peluche. Ils interprétaient sur un fond musical soit des danses soit des contes de Perrault. Tout cela ravissait les jeunes spectateurs ébahis… Il fallait faire des heures de queue pour assister à ces spectacles gratuits ! Je me souviens aussi des Pères Noël qui se promenaient sur le boulevard Hausmann et qui se faisaient photographier avec les enfants (Tiens, il y avait donc plusieurs Père Noël ? Étrange !).
Je me souviens des Noëls de guerre où les rues n’étaient plus illuminées et les vitrines sombres et inertes. Plus de Père Noël de rouge vêtus se promenant dans les rues mais des uniformes verts et des bottes martelant les pavés. C’était le couvre-feu ! Plus de messe de minuit mais à 18 heures… Dans les souliers, moins de cadeaux  mais des choses utiles : pulls, chaussettes tricotés avec amour par les grands-mères quand elles avaient pu récupérer quelques pelotes de laine… d’ailleurs depuis longtemps nous ne croyions plus au Père Noël descendant par la cheminée. Je me souviens de bien d’autres Noëls vécus dans la chaude atmosphère familiale… Je me souviens, je me souviens
Je me souviens que c’est Noël chez nous dans quelques jours. Noël chez nous où un vieillard se meurt au creux de sa solitude. C’est Noël en Afrique où l’on meurt de faim ou dans une embuscade. C’est Noël chômage de l’homme jeune encore qui s’en va au bistrot se noyer dans l’alcool ou s’étourdir dans les drogues. Mais je me souviens aussi qu’un jour à Noël, un enfant est venu sur notre terre. Qu’es-tu donc venu faire ? Nous apprendre que l’homme est grand mais qu’il a encore besoin d’enfants !

Christiane
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Je me souviens de ces préparations de repas de Noël où l'ambiance frénétique et électrique ne reflétait en rien la quiétude et le bien-être qu'une journée de Noël apaisante et bénéfique aurait pu nous apporter. Tout n'était qu'épluchages, cuissons, empressement, inquiétude et stress, pour se terminer en éternelles discussions politiques enflammées. Personne n’écoutant personne, le ton montait. Le repas prenait des allures de foire d’empoigne. Chacun monté sur ses ergots, tout n’étant que caquetage et hoquetage. On se jaugeait et se jugeait des pupilles-revolvers dilatées de colère. Impression d’assister à un combat de coqs et de me trouver dans un poulailler.
Je me souviens de ces repas de Noël où régnait un calme mortel autour d'une table où nous nous regardions en chiens de faïence alors que le champion des poulets jaunes labellisés aux normes NF, nourri exclusivement aux grains, dixit le volailler, faisait son apparition magique au-dessus de la table en aiguisant les appétits. Moment magique où seules les pupilles brillantes de convoitise s’animaient stimulant sans vergogne les estomacs qui criaient famine depuis longtemps. Le début des festivités résonnait dans nos oreilles au bruit de notre déglutition, comme la flamme sacrée marquant le début des jeux olympiques. Superbe instant quand atterrissaient savamment les premiers plats. Un silence respectueux courrait dans l’assemblée et tous les yeux convergeaient  vers le chapon chaud et fumant. Il s’accompagnait de ses fagots de haricots d'un beau vert extra fin ainsi que  de ses petites charlottes gourmandes dorées à point. Repas gargantuesque présenté sur des plats de porcelaine.
Je me souviens de cette merveille : la maitresse de maison chaperonnait ce chapon qui tenait la vedette jusqu'à ce que la cisaille le cisèle plus ou moins délicatement, lui extirpant ses morceaux de choix. Ses cuisses, de loin les plus convoitées, étaient réservées presque d'office au chef de clan et à la première-née. Cette dernière aurait aussi bien annexé le blanc, les ailes et l'extrémité de la pauvre bête que je n'ose nommer pour ménager son intimité. Ne restait ensuite de la volaille estropié que sa carcasse gisant dans la gelée.
Je me souviens, comble de l’injustice, que les caprices de l’aînée n’étaient en rien réprimés, encore moins réprimandés. Alors forte de ses privilèges, elle en usait et en abusait. Elle semblait visiblement  ignorer les regards plus ou moins insistants,  envoyés à la dérobée dans sa direction. Insensible aux pupilles belliqueuses et réprobatrices, chargées de cette colère montante. Elle ne pouvait pas ne pas se rendre compte de l’état d’esprit ambiant ! Un sentiment d’impuissance et d’injustice comme un carcan plombé s’emparait de nous et nous maintenait dans l’impossibilité de nous exprimer au risque d’être repris âprement et de se voir exclu de cette belle tablée. Dans sa toute-puissance, elle ne pouvait imaginer une seule seconde, qu’il en soit autrement. Engager les hostilités était totalement impensable et inacceptable. D’ailleurs, l’atmosphère, serait devenu vite irrespirable… Dommage, et malgré les effluves absolument divines émanant du poulet dodu qui flattaient tant nos narines, personne n’aurait enfreint les règles de la bienséance. Nous gardions nos reproches en nous, mais que de sensibilités à fleur de peau. La principale intéressée, consciente ou pas du malaise qu'elle générait, aggravait encore son cas  en fouillant  la pauvre bête de ses doigts sales, en essayant d'extraire le maximum de sang caché là entre les côtes. Elle poussait le paroxysme de l’horreur en portant à sa bouche son majeur droit maculé. Avec un petit bruit de succion effroyable, elle se délectait. Elle n’a jamais dérogé à cette manie et bien longtemps après au fil des repas et des années. Ce scénario pourtant recevait la douce approbation de sa mère conciliante, en admiration devant la merveille des merveilles : sa première-née, nourrie au chapon !
Je me souviens de ces paroles répétitives et ponctuées peut-être de regrets et de remords ? Culpabilisait-elle ? Combien de fois, nous a-t-elle fait part de son souci de garder la ligne ! Ah ! Que de paroles délicates dans un estomac sans fond ! Frustration, me dira-t-on ? Elle comble un manque ! Oui, le chapon, c’était trop bon ! Difficile d'y résister. Elle ne se lassait pas de répéter à qui  voulait l’entendre cette phrase : « Je n’ai plus faim ! ».  Alors autant lier l'acte à la parole... Personne ne l'obligeait de se servir directement dans le plat. Petits bouts par petits bouts, elle subtilisait, je voulais dire chapardait, la moitié du chapon.  Vous aurait-elle coupé l'appétit ? Mais il ne faudrait pas nous prendre pour les dindons de la farce ou encore des pintades ou des dindes aux marrons.
À quand les chapons à quatre cuisses pour faire baisser la tension ?
Je me souviens de cette écharpe élastique qui nous a tous faire rire par ses couleurs chamarrées et sa matière extensible à souhait. Et comme le boa constrictor de la grande Zora, il se détendait. Qu'est-ce que nous avons pu nous étrangler de rire dans une joyeuse farandole enserrant le canapé où dame "rabat-joie" siégeait comme une reine d’Angleterre, réellement offensée au milieu de cette manifestation de joie intempestive. Le protocole étant bouleversé en cette veillée de Noël, Mme "I'm so Chocking" ne se serait jamais permis un écart de conduite. De laisser ainsi transparaître ses émotions et sa joie était contraire à ses conceptions.
Je me souviens de cette même charmante personne bienveillante possédant un sens aigu de la bienséance et du savoir-vivre qui s'est fait un joyeux plaisir de me retourner en main propre le cadeau que je lui avais fait l'hiver précédent à l'occasion des fêtes en m'interdisant de lui en offrir à l’avenir, ainsi qu'à l’ensemble des autres invités. Dommage, c'était la seule fois où  nous avions la possibilité de nous réunir, à l'occasion des Fêtes de Noël. Ce réveillon fut le dernier. Il avait commencé sous de bons auspices et se termina glacé, comme la bûche.
Quand même à Noël, il n'y a pas de trêve ! Comment ne pas se souvenir de ces matins divins où chacun s'observe, se toise à la dérobée, enveloppe le frère, la sœur, la cousine d'un regard calculateur et froid. Quand jalousies et envies transpirent des yeux suspicieux au point que chacun doit compter en comparant la quantité et la taille de cadeaux qui lui ont été impartis pour se persuader qu'il n'a pas été lésé !
Comment ne pas se souvenir de cette moue de dédain devant cette pintade de Noël aux deux pommes confectionnée avec amour mais sèche comme ce manque de considération et de reconnaissance dont seuls les adolescents savent faire preuve avec grand art à l'âge ingrat.

Comment ne pas se souvenir de ces nuits de Noël occupée à confectionner les fameux emballages des cadeaux et tout ça pour aider le père Noël dépassé par les évènements ! Dans une intimité toute relative, en risquant à tout moment de surprendre des petits yeux espiègles cachés derrière la porte du salon, je me hâte. Mais là, tapis dans l’ombre, je les surprends, mes petits coquins  surveillant les moindres de mes faits et gestes d’elfe à forme humaine préposée à cette tâche méticuleuse. Un frôlement dans le couloir, des rires assourdis. Le temps d’aller voir et des petits pieds à pas feutrés s’enfuient vers la chambre.

Je me souviens des après-midi passées à choisir des décorations de Noel afin d'en revêtir le sapin que je m'apprête à ériger dans le salon.

Tu dois te souvenir O tantine, toi qui défraye la chronique à vouloir toujours être sur ton trente-et-un, quand tu m'as ramené tes petites Causettes loqueteuses : trois misérables petites mistinguettes que j'ai transformé en Cendrillon ce jour de Noël béni traditionnellement de tous les dieux, mais du tien et du mien, qui est des trois le plus ancien !?
 
Vous devez vous souvenir, vous mes petites stars d'une nuit, dans vos robes étoilées, fleurant bon l'amande et la lavande, un petit rien de vernis sur vos ongles d'enfants, vos yeux en disaient long sur le plaisir ressenti et votre peau d'un noir d'ébène brillaient sous les guirlandes électriques.

Comment ne pas remarquer leurs yeux remplis d'étoiles et de lune de minuit quand en haut du sapin luit l'étoile du Midi, et en bas se trouve leurs petites chaussettes remplies de chocolats entourés de papiers de soie.

Je me souviens de petites mains déchirant les papiers colorés métallisés des friandises et papillotes pendues aux sapins.
Je me souviens des petites et des grandes faims faites de petits riens et de petits pains.
Je me souviens des petites quenottes et des bouches dévorant les petits fours au saumon et au foie gras de canard.

Tu devras te souvenir, toi tout petit bout prématuré, de ton premier Noël que tu auras peut-être l'occasion de passer auprès des tiens, chez toi, dans cette famille qui t'attend ardemment.

Claudine

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