dimanche 19 janvier 2014

LA PUNITION


«Tu seras punie ! » La sentence tombe comme un  couperet, inéluctable et sans possibilités de digressions. Finis de rire, l’acte posé est répréhensible, il sera sanctionné. Les enfants sages ne connaissent pas ce sentiment de colère réprimée, de peur et souvent d’incompréhension devant la punition. Comme tout espiègle, j’en ai collectionné un certain nombre.
C’est ma première année d’école. Ma main malhabile trace sur le cahier, de grosses lettres qui débordent au grand dam de ma maitresse qui n’apprécie guère mon œuvre. Elle semble ignorer tous les efforts que je fais pour m’appliquer au point que mon petit bout de langue rose perce à travers mes lèvres serrées. Je n’y arrive pas et malgré ma bonne volonté, les coups de crayon débordent toujours ! Comment les cacher ? Je tente en vain de les effacer et j’y mets toute ma force. Ma gomme laisse alors des traces plus ou moins noirâtres. Il faut qu’elles disparaissent ! Je les frotte énergiquement avec mon index. Le résultat ne se fait pas attendre. Apparait dans la feuille de papier, un trou que je ne sais comment combler ! Mon cahier devient un véritable torchon.
La maîtresse surgit brusquement. Elle est furieuse ! « Petite sotte, » me dit-elle, « tu seras punie ! » Elle me secoue énergiquement, me sort de mon banc, m’approche de son bureau. Elle attrape alors des épingles doubles, accroche mon cahier au dos et m’emmène ainsi faire le tour de deux ou trois classes de primaire. Je ne me rappelle pas avoir entendu des rires ou des sarcasmes de la part des autres écolières. Peut-être craignent-elles d’être punies à leur tour ?
Mais comme si cette humiliation n’est pas suffisante, j’écope, de surcroit, d’un retenue, un dimanche matin. Je reviendrai trois heures durant, faire de longues lignes d’écriture !.... au grand dam de mes parents qui se voient à leur tour condamnés à m’emmener à l’école et à revenir me chercher ! Un dimanche matin !....
Par la suite, il m’arriva bien d’autres aventures !
Au collège en internat, par exemple. Notre surveillante de dortoir, Mme Lêvetot, est très exigeante et ne tolère aucune conversation après le couvre-feu. Deux soirs de suite, elle nous a reprochées notre lenteur et notre manque d’ordre et même menacées de sanctions. Nous avons décidé à plusieurs, de lui faire passer une très mauvaise nuit. Après maints conciliabules, nous avons ourdi notre plan. Dans cette intention, juste avant de monter nous coucher, nous nous munissons discrètement d’une certaine quantité de pastilles « pulmoll », de ces petites pastilles bien rondes et bien croquantes, à la couleur ambrée. Le couvre-feu sonne. Nous voilà toutes allongées, sages comme des anges pendant que Mme Lêvetot fait lentement un dernier tour entre nos lits. A peine, regagne-t-elle, son box fermé seulement par quelques rideaux blancs, à l’autre bout du dortoir,  que l’une d’entre nous, Claire  se met à toussoter.
C’est le signal ! Immédiatement, à l’autre extrémité, deux d’entre nous commençons à croquer bruyamment nos pastilles. Il faut dire que Mme Lêvetot a une peur bleue des souris ! A ce cri-cri, crac, crac », elle surgit muni de sa lampe torche et fouille sous les lits, tout en répétant anxieuse : « une souris ! une souris »,de plus en plus nerveusement.
Au fur et à mesure qu’elle se déplace, les craquements aussi ; toujours à l’opposé ! Car, bien sûr, tout en riant sous cape, non, sous nos couvertures, nous nous relayons pour croquer nos pastilles à qui mieux-mieux mais bientôt nos réserves sont épuisées. Le bruit cesse aussitôt! Mme Lêvetot soupire profondément et se redresse. Tout en jetant un œil d’ici ou là, méfiante, elle regagne son box quand soudain, Chantal s’esclaffe : « Pierrot est parti ? » La surveillante revient presque en courant et s’écrie : « Comment un garçon ici, où est-il ? Où est-il ?» Et la voilà devenue presque hystérique, nous faisant lever, mettre debout au pied du lit et fouiller, fouiller sous les lits, sous les matelas pendant plus d’une heure !
Le lendemain, la directrice mise au courant, comprend la méprise car Mme Lêvetot se prénomme Marie-Pierre et, après enquête, découvre le pot aux roses. Les meneurs écopent alors d’une forte punition : suppression de trois week-ends, absence de promenades et afin de ne pas s’en ennuyer pendant ce temps-là, apprentissage d’une cinquantaine de vers latins des «Bucoliques » de  Virgile.
Il ne m’en est resté qu’un vers : « Tityre, tu recubans sub tegmine fagi ».. » Toi, Tityre, couché sous l’épais feuillage d’un hêtre !... Souvenir champêtre d’une punition bien méritée.

Marie-Thérèse
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Qui d’entre nous n’a pas reçu dans son enfance quelques fessées ? En ce qui me concerne, j’ai souvenir d’une fessée magistrale et n’en suis pas morte. Toute petite, j’avais peur dans le noir ; or, la chambre que je partageais avec ma sœur se trouvait au fond d’un couloir assez long et ma sœur était pour quelques temps chez ma grand-mère. Une fois couchée, je me mettais à hurler « J’ai peur, j’ai peur… » Un soir où mes cris avaient dû dépasser les bornes, mon père entra dans la chambre, me sortit du lit et m’administra une fessée si forte que la marque de sa chevalière resta longtemps gravée dans ma chair. Après cette action, il me dit « Au moins là, tu crieras pour quelque chose ». Et il s’en alla. Je pleurai longtemps, la tète enfouie sous les draps car j’avais très mal. Jamais cette fessée ne me fit penser que mon père me maltraitait, il m’aimait beaucoup… Les soirs suivants, je mordillais mon drap pour vaincre ma peur et m’empêcher de crier. La leçon avait porté ses fruits. Je pense que dans la famille, la sanction et l’une des premières marques d’amour. J’ai souvenance d’un gamin de neuf ans, voleur récidiviste, qui me disait : « Mon père ne m’aime pas, il ne me gronde jamais ».
L’adulte doit imposer son autorité pas celle qui contrait et écrase mais celle qui aide. Les enfants n’estiment pas ceux qui fuient leurs responsabilités. Aimer l’autre, c’est le vouloir responsable en l’aidant à assumer et à répondre de ses actes. La sanction doit toujours être respectueuse de la personne. Partageant l’opinion d’une majorité de parents : si l’on n’apporte pas une réplique cohérente à la première transgression, on se dévalorise pour l’avenir. Il faut réfléchir avec l’enfant, agir par une réparation concrète. C’est la meilleure façon d’éviter le « trop souvent et trop fort ». Faire front avec détermination pour et avec les jeunes de notre société. On éduque toujours aujourd’hui pour demain.

Christiane
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Au niveau individuel, toute punition implique un rapport de force : ce ne peut être que le plus fort qui inflige au plus faible. Dans nos sociétés modernes se surajoutent des notions de nature et d’intensité qui, comme la mode, sont disparates et évolutives.
Ainsi, par exemple, au plan de la scolarité primaire, sont devenus obsolètes : le bonnet d’âne, la mise au piquet, les cent lignes… Dans le cadre familial, ont disparu le martinet, le cloisonnement au placard, la privation de dessert…
Demeure semble-t-il, en débat, la violence physique : la claque ou la fessée. Délaissant les incantations psychanalytiques qui m’échappent, je me rallie à leur enseignement : toute violence physique est à proscrire. Je me demande si ma réticence ne serait pas de nature disons sportive : que dirait-on par exemple d’un combat de boxe entre un poids lourd et un gringalet ?
La violence physique étant exclue, on n’est pas pour autant démuni quand une punition s’impose. Il appartient à l’adulte d’en cerner la nature et d’en doser l’ampleur, en sus de l’inévitable gronderie.

Emmanuel
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Il y a bien longtemps de cela, mais c'était comme hier,
Une scénette de la vie d'antan s'est déroulée
Et dans ma mémoire est restée gravée
Marquant à jamais mes jeunes années
De maternelle, et peut-être pour l'éternité,
Le temps d'une fessée !
Quelle vision gênante que ces fesses dénudées...
Impression d’oppression, d'injustice, d'humiliation et de violation d'intimité.
Intime sentiment d'agression physique sans possibilité de s'expliquer !
Mais à l'époque, on ne discutait pas l'autorité. Impossible de répliquer !
Surtout celle du corps enseignant...C'était un crime de lèse-majesté !
Désobéissance et rébellion étaient sévèrement corrigées.
Nous étions plus d'une vingtaine de gamins affligés
Entre cinq et six ans, se tenant face à la scène où le scénario au combien répété
Se déroulait sous nos yeux hébétés ! Mais d'une violence....Mme Martinet a encore frappé.
Formant un demi-cercle autour du "Rouquin", elle ne cessait de répéter :
-"Sacré petit d'homme indiscipliné"?!
Fermement et sûrement maintenue de sa main experte et musclée,
L'institutrice ne se lasse pas de laisser l'empreinte de ses doigts gourds et gonflés,
Sur ce postérieur à l'origine d'un blanc laiteux qui aurait tendance à s'empourprer,
Tout comme les joues de cet enfant peu téméraire en cette position...Normal il est gêné...
Faisant tristement contraster le bleu-nuit de nos blouses d'écolier.
Il ne pouvait contenir ses cris et ses lamentations, c'est ainsi que les claques redoublaient.
Consigne du jour : Nous étions obligés d’obtempérer et bien sûr de regarder cette correction.
C'était dans l'état d'esprit de "Mme Fouettard" si bien surnommée...
Notre institutrice de grande section, met un point d'honneur à administrer une fessée.
D'une façon parfaitement légale d'ailleurs. A l'époque elle s'autorisait cette pratique.
Magistrale cette correction sur le pupitre de l'intéressé !
A notre époque on parlerait "d'incorrection, on irait peut-être jusqu'au procès ?!
Mais en 1964, en tout bien et tout honneur, sous le panneau indiquant "liberté-égalité-fraternité"... Elle s'effectuait avec une énergie qui lui était propre et j'en reste encore choquée.
Pour une fois le mot "Silence !" ne fut pas prononcé... Un calme lourd régnait. Pas un bruit, pas un cri...  Pas un chuchotis !
Juste quelques rires étouffés par des bouches hilares ne souffrant pas de culpabilité...
Qui en oubliaient que la roue tourne et qu'un jour prochain il y aura justice et équité !
Aucun respect pour leur "camarade " actuellement rossé et qu'ils maltraitaient à la récré.
A six ans peut-on parler déjà de méchanceté ? Ils se défoulaient sur le pauvre De Crottin en l'entourant dans une ronde ensorcelée et en répétant :
-"-"De Crottin ! "Du Crottin... t'es un crétin !"
-" Du crottin...Tu sens le crottin !"
Notre garçon était costaud, mais là il ne faisait pas le poids ! Alors tous les coups étaient permis : coups de pieds, croque en jambe pour faire la loi. Rien ne lui était épargné, mais il se défendait comme il le pouvait. Il fallait avoir la foi. Qu'aurait-il pu faire ? Se laisser faire ? Ou fuir et se réfugier dans les jupons de notre chaperon ?
Il était affublé pour son plus grand malheur d'une houppe en brosse de cheveux roux-châtaigne... Raison de plus pour exciter les autres gamins qui rien qu'en le regardant ressentaient de la haine. Et pour son malheur, c'était le souffre-douleur de Mme Fouettard qui par son comportement était excédée. Le "rouquin" ou "poil de carotte" comme aimait le nommer ces gamins espiègles, taquins ou teigneux,  n'en menait pas large quand arrivait l'heure d'aller courir et jouer ! C'était lui le jouet de tous ces petits gars toujours bien déterminés. Juste un jeu a leurs yeux ! Pour ces garçons fripons !
A l'heure actuelle, peut-être une réprimande verbale et une bonne punition, utile et en soi moins spectaculaire, et pour certains humiliante, serait préconisée ? Actuellement convoquer les parents, le médiateur  et la psychothérapeute ? Pouvoir discuter et arrondir les angles et ne pas tomber dans la discrimination !
Mais existait-il la possibilité de s'exprimer ? A quand le dialogue et la vraie communication ?
Pour ce pauvre Claude de son prénom, il n'en est plus question
!

Claudine

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