samedi 25 janvier 2014

PHOTO-PORTRAIT

 Inventez l'histoire, l'identité ou un moment de vie des personnages représentés sur quatre photos différentes.

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« Bonjour Jacqueline ! » Elle lève aussitôt la tête, plante son beau regard bleu sur moi et, ayant reconnu sa voisine, se détourne momentanément de son occupation favorite : soigner le petit jardin qui jouxte sa maison.
-          Ca pousse ?
-     
    - Oui, c’est reparti ! Elle profite de cette mini-pause pour respirer et admirer l’ensemble du jardin qui se réveille… Les tulipes ont déjà soif !
Elle a repris son arrosage méticuleux, bien au pied de la tulipe, surtout pas sur les corolles éclatantes. Chuintement de l’eau pénétrant dans la terre… C’est bien Jacqueline, elle n’a plus vingt ans, ni trente, ni quarante, mais elle a gardé son côté net, dynamique, pimpant sans ostentation, à la fois simple et solide, toujours ouvert aux autres, à la vie. Retraitée depuis peu, elle est encore une femme jeune qui porte bermuda noir et pull-over blanc avec des cheveux bouclés relevés en une queue de cheval par une poétique… marguerite.
Il y a du soleil dans ce petit jardin, des couleurs tendres, des verts que réveillent les jacinthes et les tulipes multicolores… C’est un peu le jardin de la rue Plumet, mais en plus rustique et maîtrisé. Jardin de curé ? ou d’école ? On ne sait. Jardin de banlieue comme la clôture de l’arrière-plan le laisse à penser.
Jacqueline est encore active, mais en plus détendue. Elle a l’air d’être bien, nichée dans ce trou de verdure, bichonnant ses plantes tout en offrant son dos aux premiers rayons du soleil. Elle peut ne penser à rien ou se remplir du jardin… rêver aussi, et même philosopher sur le passé et l’avenir, celui de ses proches… C’est selon. Un air de fête paisible flotte sur le jardin avec le retour du printemps.

Que faisait-elle avant d’être retraitée ? Infirmière ? Puéricultrice ? Ouvrière ? Commerçante ? Syndicaliste ? Enseignante ? Doctoresse ? Elle devait aimer les contacts. Avait-elle le temps et le loisir de jardiner ? Peut-être pas dans u jardin mais sur un balcon de son appartement.
Je continue à l’observer. Sa paix est contagieuse. Jacqueline a repris ses arrosages. C’est qu’il y a encore du travail avant les vacances de Pâques ! Tailler, désherber, bêcher, semer. Elle compte bien offrir son jardin à ses petits-enfants à cette occasion ; elle l’imagine alors plein de rires et de jeux : chasse aux œufs, balançoires, nichoirs, le carré secret réservé aux plantations des enfants… et Boby qui va sauter partout ! Lui aussi sera heureux. Donc, soigner le jardin sans imposer trop de contraintes aux visiteurs. Bref un coin de vie et de liberté, de repos aussi dont elle a souvent rêvé… avant.
« À bientôt Jacqueline, bonne continuation. » Je m’éloigne rassurée, ma voisine va bien car elle continue à faire le bien autour d’elle. La preuve ? je me sens toute ragaillardie à présent. Merci Jacqueline !

Françoise

Que tu es coquette, toi la dame aux cheveux de neige. Tu as souligné ton regard d'un trait d'eye-liner et tes lèvres de ce rouge carminé que l'on retrouve dans les tulipes que tu aimes tant cultiver. Alors, surprise que je te prenne en photo ? Tu n'as pas l'air d'apprécier ?  Tu me regardes d'une façon singulière, comme si je tentais de rentrer dans ton jardin particulier ?! Mais je ne voudrais pas faire ma curieuse ou encore moins mon indélicate. Sais-tu que je te trouve fort coquette avec ce pull-over blanc. Ce grand décolleté bordé de deux pans en V garni de breloques et d'une broche assortie à la couleur de tes yeux te va comme un gant ! Peut-être de ton arrosoir, réservé pour ton joli jardin printanier, voudrais-tu m'arroser ? 

Claudine

Cette photo dénote une certaine incongruité : on y voit une dame en train de jardiner, un arrosoir à la main. Or, le cadre végétal qui l’entoure n’a rien d’un jardin : ce ne sont que des herbes folles et des  broussailles.
Peut-être est-ce qu’on le lui fait remarquer, ce qui expliquerait le regard de dépit qu’elle lance  photographe.

Emmanuel
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Ce pêcheur raccommodant ses filets m’a tout de suite interpelée. Il évoque la mer et ses plages, la mer et ses bateaux ! Et les longs voyages pour ramener le gros poisson.
Bien que n’étant ni de pied ni de face mais seulement de buste et de profil, il est l’image même de la concentration. Les muscles de ses joues saillent et son regard que l’on devine sous la paupière, fixe intensément les mailles auxquelles s’accrochent avec délicatesse, ses doigts rugueux. Vêtu de sa vareuse laineuse et coiffé de son inséparable casquette, le marin est à la tâche. Il s’affaire, le départ est proche ! Aucun accroc dans la senne ne doit être
ignoré. La mer est sa vie et la  pêche son gagne-pain. Une maille mal serrée et  tous les espoirs s’envolent. Le poisson retombe à la mer : Temps gaspillé, peine perdue et revenu disparu. Ses filets épais, tressés de fines cordelettes entremêlées doivent supporter un lourd chargement à la remontée. Pas d’effilochage qui mettent en péril la cargaison ! Le marin est là, l’œil aux aguets, guettant la moindre usure pour, immédiatement, la réparer, comme il le fera plus tard,  pour les lourds cordages qui pendent à ses côtés ! Sans eux, il ne pourrait s’amarrer au quai et retrouver la terre ferme, pour quelques jours ou quelques heures.
Est-il un patron pêcheur cabotant le long de la côte pour capturer de petits poissons? La sardine ou l’anchois s’enfuiraient bien vite à travers ces grosses mailles ! Patron pêcheur peut-être mais les filets maillants dénoncent une pêche au gros.   
D’où est-il ce marin ? Provençal ou languedocien, est-ce un thonier avec sa madrague ? Je ne le crois pas! Sa mine burinée mais claire évoque plutôt l’Atlantique. Un charentais qui prend le poisson au carrelet ou  un breton partant pour la pêche à plusieurs miles des côtes, la morue  peut-être ! Mais n’est-ce pas plutôt un gars du Nord capturant le hareng car ses filets me rappellent ceux que, si souvent, j’ai vu sécher le long des murs au quartier Saint-Pierre à Boulogne sur Mer ?
À quoi pense-t-il en s’activant sur le chalut ? Au tonnage qu’il obtiendra bientôt ou aux difficultés de la mer en furie qui rendra la pêche si difficile ?  À tous ceux qui vivent des produits de la mer et à tous ceux qui sont partis et qui ne sont pas revenus ? Peut-être même jettera-t-il un regard furtif sur la falaise que surplombe le calvaire des marins où chaque ex-voto symbolise un bateau perdu en mer ? Ou bien demandera –t-il la protection de la Vierge arrivée sur une barque, reposant aujourd’hui sous le dôme de la Cathédrale qui se repère de si loin en mer ?
Est-il toujours resté dans ce coin du monde ou au contraire a-t-il bourlingué à travers les océans. Se rappelle –t-il ces gestes si semblables parfois et si différents d’autres fois, que les pêcheurs effectuent  sous des cieux divers. Si rude est le métier des pêcheurs ! Et par-delà les mers, ils se ressemblent. Souvent très jeunes, ils y entrent, y prennent goût  et aiment cette vie malgré les risques et les dangers. Comme le chantait Renaud : «C'est pas l'homme qui prend la mer, C'est la mer qui prend l'homme Dès que le vent soufflera Je repartira » Et ainsi quand la marée monte, les bateaux de pêcheurs s’éloignent de la côte, emportant les hommes vers leur dur labeur.

Combien d’artistes ont-ils été inspirés par cette scène de départ mais aussi par  les pêcheurs réparant leurs filets sur la grève ou le sable ou même dans leur bateau !

Marie-Thérèse


Qui veut mes mains ?
Pour manier des outils, construire des machinés.
Qui veut mes mains ?
Robustes, blanches et habiles, un bon placement en somme !
Qui veut mes mains ?

Qui veut mes mains, mon esprit,
Pour dompter la matière,
Calculer les normes ?
Qui veut mes mains, mon esprit,
Ceux d’un homme qui veut vivre et grandir ?
Qui veut mes mains, mon esprit ?

Qui veut mes mains, mon intelligence ?
Quoi ? Vous dites non ?!
Mais alors vous voulez qu’au coin des rues, misérables, honteuses
Mes mains se tendent pour recevoir de quoi nourrir le corps !
Vous voulez que dans les brousses, les marécages
Mes mains crispées et sauvages
Tiennent un fusil pour faire disparaître l’humain de l’esprit
Et disparaître avec…
Voulez-vous aussi mon âme ?
Que je ne sois plus moi !
Seulement un matricule, un robot ;
Que je sois à vos pieds,
Suppliant, pleurant qu’on me donne un travail
A n’importe quel prix, à n’importe quelles conditions.
Ecrasé, bafoué, meurtri,
De l’homme ne gardant que la forme !
Voulez-vous enfin que je rende l’âme ?

Christiane
Cette photo est celle d’un pêcheur en train de réparer les mailles d’un chalut. L’expression sévère de son profil dénote une vive inquiétude, peut-être due tout bonnement à l’avarie du filet et à la difficulté technique de la manipulation. Mais ne peut-on y déceler une portée plus large propre à la profession et à son avenir ?
En effet, le chalutage devient de moins en moins rentable, vue la raréfaction des bancs de poissons dans les sites de pêche aux eaux naguère poissonneuses.
Au surplus, l’opération elle-même de chalutage qui consiste à racler les fonds marins est en bute à de vives critiques de nature écologique. En effet, elle perturbe de façon irréversible la faune et la flore vivant sur ces fonds et constituent des maillons essentiels de la chaîne alimentaire dans les océans.

Emmanuel

 Ta casquette ne me trompe pas : toi le marin-pêcheur qui répare tes filets. Tu me rappelle ces pêcheurs sur une belle plage entre Porto et Lisbonne : Nazaré, situé près de la grotte de Fatima...Des homme burinés comme toi, à la peau tannée par les embruns et les vents du large, réparaient, ravaudaient leurs filets. Assis en tailleur, les mailles en corde sur leurs genoux, ils vérifiaient chaque centimètre de leur gagne-pain ! Oublier de vérifier ne serait-ce qu'une infime partie de leur outil de travail équivaudrait à perdre une partie de leur pêche miraculeuse. Ils s'en vont loin des côtes chercher la sardine, le thon, la morue ou le maquereau. Dans ces mers où foisonnent et frétillent les bancs multicolores la concurrence est dure et parfois déloyale. Tes cheveux grisonnants,  poivre et sel, et ce regard perçant absorbé par l'ouvrage, en disent long sur ton caractère. Alors pêcheur breton ? Irlandais ou Islandais ? Tous des caractères bien trempés, aux yeux tournés vers la mer.  

Claudine
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Tu es absorbé dans la lecture de cette partition dont tu déchiffres avec délectation les moindres soupirs, croches et anicroches. Tu lis entre les lignes et ton esprit s'égare déjà fort loin, ton archet en main. Tu marmonnes et tes lèvres s'entrouvrent, se rapprochent, s'étirent et se déforment comme pour ponctuer un accord, accentuer un fortissimo ou susurrer un pianissimo. Tout en douceur, tout en rondeur comme les rondes et les quarts de croches piquées et pincées partant en crescendo sur les cordes de ton alto. Tu te rends à une répétition et tu retrouveras bientôt l'orchestre symphonique de Vienne, puis tu te rendras à Londres, peut-être à Birmingham, et enfin à New-York ! Tu aimes prendre les transports en commun car tu en ressens les vibrations. Tu aimes le rythme et ce brouhaha tourmenté, sombre et profond que la rame de métro transmet tout le long de son parcours sous terre. Tu aimes cet afflux de lumière, quant au sortir d'un tunnel le métro se fait aérien. Tu vibres et tu te laisses bercer par son train-train quotidien que tu perçois au plus profond de ta chère : Assis sur une banquette si simple et si dure, que ton corps en oublie la douleur infligée. Tu es alors musique, mélodies, ballade, concertos et symphonies.   

Claudine

Le personnage central de cette photo est indubitablement un violoncelliste voyageant assis dans un transport en commun et plongé dans la lecture d’un livre qu’il tient à la main, tout en appliquant contre son épaule le coffret de l’instrument de musique. Il est chaudement vêtu, ce que justifie le paysage hivernal visible pour la fenêtre du véhicule. 

Emmanuel
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Où cours-tu jolie brunette latino ? Tes beaux cheveux lisses et bruns, ivres de liberté, habillés de mille flocons cotonneux et légers comme des gouttes de rosée. Petits cristaux d'une fraîcheur blanchâtre, impalpables. Ils nimbent d'un halo discret ta chevelure telle une fée sortant d'un conte nordique que l'on visionnerait à travers une boule de cristal. Ils voltigent en longues mèches autour de ton visage enjoué et réjoui. Tu t'enfuis le cœur et le pied légers vers d'autres horizons. Tu sembles sortir d'un cours de Samba. Tu cours, tu voles, tu planes : aérienne et irréelle. D'un bond, tu franchis ce tremplin bétonné, puis tu t'apprêtes à dévaler l'allée comme pour prendre ton envol. C'est un vrai bonheur de te regarder t'égayer comme un petit pinson ou un gai rossignol. Tu nous transporte loin dans une joie communicative et quelque chose de puissant dans ton sourire éclatant me rappelle le bienfait des rayons du soleil.
Mais en cette matinée hivernale, tu es néanmoins peu vêtue... Seulement d'une veste, d'un sweater et d'un leggings moulant tes jambes musclées. Mais pourquoi laisser se balancer ainsi une paire de lunette de soleil accrochée autour de ton cou. On dirait qu'elle danse aussi la samba comme toi, fille du soleil. D'un bras orné de multiples bracelets, tu soulèves allègrement une besace pailletée.  Tu es heureuse ! Tu vas retrouver ton bien aimé. Il est là ! Au bout de l'allée. Il vient à toi les bras grands ouverts et tu viens t'y blottir, toi bel oiseau du paradis.

Claudine

Cette photo montre une adolescente exprimant sans conteste une grande allégresse, non seulement par son sourire lumineux mais aussi par sa démarche qui s’apparente à un joyeux pas de danse et qu’accompagne une gestuelle de triomphe avec poing levé.
Peut-être s’agit-il d’une étudiante qui décomprime après avoir appris sa réussite à une épreuve majeure telle que le bac ou un concours d’entrée. À moins que ce ne soit une comédienne de talent jouant un tel rôle, ce que pourrait suggérer le décor aspergé de flocons, avec son estrade et sa balustrade étoilée.

Emmanuel


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