samedi 3 mai 2014

GERALD ASSOULINE

Le photographe Gérald Assouline expose à Gentilly. Sans aucune indication sur le photographe et avant même d'avoir vu l'exposition accompagnée d'une conférencière, les participants à l'atelier ont écrit sur deux photos L'attente et J'aime les femmes qui lisent.
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© L'attente, Gérald Assouline

Si la neige était parchemin
Tu écrirais ton histoire
Dans la froideur du petit matin
Le corps engourdi de sommeil
Mais aussi et surtout
Des fatigues de la veille
Au rythme de tes pas
En long filigrane
Sur les pavés et le macadam
Qui mènent à tes usines

Si la neige était parchemin
Tu écrirais l’histoire de tes fils
Sortis tout droit de la nuit
Pour s’engouffrer encore endormis
Dans le trou béant de la mine
Dans cette bouche
Dévoreuse de lumière
Qui les vomira, noirs
Dans le noir revenu
Et parfois lourd
De leur souffle disparu

Si la neige était parchemin
J’y lirais la vie de tes filles
Inscrivant de leurs pas
Furtifs ou appuyés
Le quotidien chaque jour répété

Si la neige était parchemin
J’y lirais des danses
Et des rondes d’enfants
Dans l’insouciante désinvolture
De petits hommes
Qui ne sont pas encore mûrs

Si la neige était parchemin
On lirait en rouge sang
L’histoire de tes fils assassinés
Pour avoir cru l’espace d’un printemps
À ce simple mot
SOLIDARITE
À ce simple mot
LIBERTÉ

Christiane
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Au premier coup d’œil s’impose une réminiscence de temps de guerre : celle d’une ville sous alerte aérienne, avec ses rues désertes et ses immeubles aux fenêtres sans lumière, le seul éclairage provenant de « cette obscure clarté qui tombe des étoiles », dixit Rodrigue dans le Cid de Corneille.
Sous cet angle, l’attente que doivent endurer les personnes réfugiées dans les abris, ne serait-elle pas celle du coup de sirène qui annonce la fin de l’alerte ?
Cette fugitive impression évoquée, on peut, après avoir scruté la photo, discerner en bordure de celle-ci la minuscule silhouette d’une femme reléguée dans un coin de rue.
Serait-ce elle qui éprouve les affres de l’attente ? Que doit être pénible ce guet, les pieds dans la neige. L’empathie que l’on peut éprouver est accentuée par l’environnement en noir et blanc plutôt sombre ainsi que la solitude de ce personnage dans ce cadre lugubre.

Emmanuel
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L’attente, toute en espérance, est un tourment délicieux. La joie nous inonde quand elle prend fin heureusement. Mais si l’attente est vaine, elle nous plonge alors dans le trouble et le doute, la tristesse, parfois même le désespoir.
Cette photographie en noir et blanc d’un fragment de paysage urbain semble réunir les contraires : il a suffi d’appuyer sur le déclencheur pour immobiliser le temps qui n’en finit pas de s’écouler… comme l’attente d’ailleurs. L’atmosphère est sombre malgré la neige blanche. On est à la croisée de deux rues, mais comme c’est difficile de circuler entre ces immeubles sombres et tirés au cordeau qui barrent l’horizon ! Un personnage en bas, à gauche, fait les cent pas au pied d’un feu tantôt rouge, tantôt vert. Est-ce lui qui attend ou bien le photographe en vue plongeante sur le carrefour ? L’attente se prolonge et dans la couche de neige qui s’épaissit peu à peu, il y a quelque chose qui tient du linceul.
Si le blanc de la rue est déjà Sali et balafré, celui des toits est éclatant… quelques flocons voltigent encore, hésitant entre le gris blanc du sol et le blanc lumineux des toits percés d’antennes. L’immeuble d’en face est à présent emmitouflé dans la neige, apportant à ses pensionnaires un peu de chaleur, de légèreté et peut-être aussi d’espoir : l’attente se prolonge… il va sûrement se passer quelque chose, mais quoi ?

Françoise
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Ce coin de paysage urbain semble comme figé pour l’éternité. Il s’en détache une impression de sérénité. Seule vie : la neige. Elle tombe, lumineuse, transparente, en petits flocons, s’amoncelant sur les toits de ces hautes maisons coiffées aux murs noircis. Tout bruit est étouffé. Mais ce contraste clair-obscur souligne aussi l’austérité de ce quartier dégageant un sentiment de tristesse. Rien ne paraît bouger, même la boutique, en rez-de chaussée, reste fermée. La rigidité des façades et la régularité presque militaire des fenêtres peuvent évoquer un casernement. Malgré les antennes de télévision sur le toit, c’est la vision de la  pauvreté qui domine. Les cheminées ne crachent  pas de fumée. Elles ne sont donc pas allumées. Et pourtant, il ne doit pas faire très chaud !  Est-ce une ville fantôme ? Non, les immeubles ne sont pas abandonnés. Les habitants calfeutrés dans leurs appartements, ont circulé dans ces rues ; pour preuve, des traces de roues : Celles de bicyclette ou de charrette  car leur largeur n’est pas celle de voitures. Tout est immobile comme suspendu au temps qui passe. Dans ce carrefour désert, minuscule et presque invisible, seul un homme bien emmitouflé, plaqué contre le mur, attend sous un lumignon falot accroché au mur. Il s’est placé juste sur l’angle des deux rues, peut-être pour mieux se protéger le visage de la bise qui doit mordre ou n’est-ce pas plutôt car il ignore d’où viendra ce qu’il guette : une personne ? un véhicule ? Ce qui est sûr. C’est qu’il est là transi dans le froid et qu’il attend !

Marie-Thérèse
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Bâtiments couleur de houille comme dans le nord, porteurs de sinistrose et de silicose. Cette mort lente par asphyxie, par manque de lumière me laisse nauséeuse. Face à ces blocs blocs pointant désespérément au ciel leurs toits de zinc pentus recouverts de neige et leurs antennes perdues dans la bouillasse du ciel, l'attente est de rigueur, le risque d’embourbement dans la neige maculée un risque. Peut-être se fera-t-on écraser par une énigmatique et fantomatique voiture. Il n'y a pas un chat circulant dans ces rues mortes où l’on meurt de froid juste avec un pauvre manteau battant les jambes de pantalon.
Je la fuis cette ville fantôme avec ses yeux si encaissés au fond de leurs alcôves, bien abrités dans ces loggias comme à l'opéra. Un temple sans musique et sans joie. Personne aux balcons, cette maison de style n’est-elle désaffectée ? Juste le froid qui frôle leur fer forgé et souffle comme un asthmatique le long des façades de front. Un bloc aussi froid que le vent, droit comme un I sans aspérité, ni relief, ni encore vie, n'offre à l'histoire qu'une légende qu'il se crée de ses yeux sans rideaux, ni volets !

Claudine
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Attendre que la neige fonde afin d’effacer la grisaille, ainsi que la tristesse de cette ville mélancolique.
Que revienne la chaleur pour nous réchauffer le cœur et nos mains violacées par le froid de l’hiver installé !
L’attente se fait longue, quelques semaines encore dans la grisaille. Puis le soleil reviendra briller réchauffant les rues et ainsi dégeler nos cœurs glacés.
Ceux-ci se remettront à battre. Les chansons reviendront sur nos lèvres. Tout paraitra plus facile comme un titre de la Comtesse de Ségur : « Après la pluie, le beau temps. »

Mireille
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© J'aime les femmes qui lisent,
Gérald Assouline
Quel plaisir pour cette jeune femme de se plonger dans un livre, à demi-étendue sur son lit pour oublier le froid qui mord, la nuit qui angoisse ou l’ennui qui ronge. Quelle joie de gommer les soucis, d’oublier la monotonie du décor et des jours qui s’écoulent, vivre enfin l’aventure à travers le récit et s’échapper vers d’autres horizons !  Bien à l’abri dans son coin,  la tête appuyée contre le bois du lit qui, faute d’espace, est caché derrière un paravent et accolé au mur, elle lit. Une lampe posée à même le sol, renvoie un halo d’un vif éclat, sur le plafond  et éclaire les pages que la lectrice parcourt avidement. Par contraste avec les couleurs sombres de l’environnement et de ses vêtements, le chemin que la lumière dessine sur son oreiller et son visage, traduit l’émotion intense qu’elle ressent. La blancheur de son bras, telle une flèche illuminée, conduit avec force, le spectateur vers le livre, objet de toute son attention. A travers ce jeu de lumières, le photographe nous avoue son empathie pour ces femmes qui lisent.

Marie-Thérèse 
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J'aime les femmes qui lisent et pour cause : elles ne causent pas comme moi parce que je lis presque pas!
Une femme qui lit, c'est une aubaine pour un beau parleur, pour un paon ou un coq de basse-cour ! C'est une manne d'inspiration pour le phallocrate qui pond toute les cinq minutes une mauvaise blagounette sur la femme qui ose dire ce qu'elle pense, celle qui a souvent quelque chose à dire. Nous sommes aussi desservies de ce coté-là! Et les histoires de blondes sont fréquentes. Mais revenons à nos moutons.
La femme au livre est brune, à des paupières lourdes de femme sémite et des doigts enserrant comme un billet ou un morceau de pain : les pages de son livre ! Elle parait captivée, elle en dévore le contenu. Elle ne se laisse pas distraire lovée contre les oreillers de son lit à haut dossier. Tout respire chez elle la sensualité et la dualité : la lutte entre l'intellectualisme effréné et la libéralisation des mœurs...Noire à l'extérieur et blanche à l'intérieur.

Claudine
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J’aime les femmes qui lisent, les hommes et les enfants aussi.
Lire est une grande richesse pour l’esprit
Une lecture bien construite éveille la façon de voir les choses, donne à réfléchir. Elle nous place dans des situations inimaginables par les intrigues des livres, nous préparant dans la vie à affronter les aléas qui viendront nous surprendre.

Mireille

1 commentaire:

Gerald Assouline a dit…

Je suis Gérald Assouline, et je tiens à vous remercier très sincèrement pour ces textes écrits, lors de l'atelier d'écriture...Ils me touchent tant ils sont délicats.