samedi 20 février 2016

UN LIEU GRAVE A JAMAIS DANS MA MEMOIRE

« Blanche Neige », quel joli nom pour un lieu gravé à jamais dans ma mémoire ! et pourtant cela avait mal commencé. J’avais six ans et venais d’entrer à la grande école ; au cours d’un dépistage consécutif à une cuti positive, on me diagnostiqua une primo-infection ce qui me valut une interruption de scolarité d’un an avec séjour en préventorium, en montagne, et bien sûr éloignement de ma famille de même durée.
Le cœur gros, quelques jours après Noël, je fis le voyage avec mon père. Du train, je ne me souviens plus, seule la partie finale où je découvris la montagne enfouie sous la neige m’est restée.
Blanche Neige était un délicieux chalet où l’on soignait ce genre de primo-infections chez les enfants. Il s’élevait, seul au milieu d’un plateau, en plein Chablais, près de Morzine. L’établissement où seuls vingt enfants pouvaient être accueillis était donc à taille humaine et, qui plus est, tenu par un personnel chaleureux et qualifié. Cet encadrement riche et ouvert au milieu d’une nature presque intacte qui je découvris au cours de ces quatre saisons, allait me marquer et m’attacher définitivement à la montagne… et au monde de l’éducation.
1er flash : la fin du voyage se fait en car. Je revois la neige qui tombait dru au fond de la gorge profonde où bondissait la Dranse, la draperie des stalactites de glace à l’entrée des grottes le long de la route et en bordure des toits, enfin le car qui se faufilait toujours plus loin, prudemment mais sûrement ; aux brefs arrêts le chauffeur déposait quelques voyageurs et livrait diverses commandes… Mon père découvrait aussi la montagne et m’encourageait : « tu en as de la chance de pouvoir vivre ici, au milieu de cette beauté ! » Puis ce fut l’arrêt du bus convenu, notre guide nous attendait. Le froid, la neige moelleuse sous mes pas, le raidillon déjà sévère qu’il nous fallut emprunter pour accéder au chalet, un mélange de silence et de bruits nouveaux dont le rugissement du torrent plus bas.
En arrivant, tante Mimi m’accueillit, me fit découvrir Blanche Neige qui sentait bon le pin et
tout le mobilier façonné à la taille des pensionnaires, comme pour les nains de Blanche Neige. Pour moi, une vie nouvelle allait commencer.
Autres flash : l’école s’inspirait de la pédagogie Freinet, fondée sur les activités des pensionnaires, notamment les observations au cours des promenades en pleine nature.
Je revois encore le saupoudrage de neige des sommets voisins en septembre-octobre, avec quelques ancolies au bord des chemins, profitant des derniers rayons du soleil d’automne.
Enfin, plusieurs fois revécu au cours de randonnées d’été, la fonte des neige et ses miracles : crocus fleuris sous le manteau neigeux soudainement dévoilés, petites pensées sauvages piquetant la prairie qui jouxtait Blanche Neige, à la manière des tapisseries médiévales.
J’ai tiré de cette découverte toutes sortes de bienfaits qui allaient me servir à différentes étapes de ma vie, pourtant je n’ai jamais cherché à devenir montagnarde… Ce lieu est ma réserve à moi, mon recours aussi et, comme tout ce qui est précieux, il ne faut peut-être pas en abuser.

Françoise
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Le Bataclan - novembre 2015
Un lieu à jamais gravé dans ma mémoire … Mon ancien quartier situé entre république, Nation, Bastille. Quartier où j’ai vécu pendant plus de quinze ans et qui le 13 novembre 2015 a tristement fait parler de lui avec les attentats du Bataclan et des terrasses de café de la rue de Charonne.
Oui, il y a dans ce quartier des enfants aux yeux tristes,
Des enfants aux yeux noirs, superbes et racés,
Il y a dans leur regard es profondeurs divines,
Porteuses de tendresse que personne ne connaît.
Il y a des solitudes intenses et désertes,
Débordantes des vents et des soleils lointains,
Des soleils qui réchauffent les demeures inertes,
Aux murs de béton gris, de ce vieux quartier.
Il y a dans les rues des femmes et des hommes
Qui sont enveloppés des odeurs de maïs grillé,
Une chambre au foyer du Palais de la Femme - rue de Charonne
Ils portent dans leur cœur l’immensité profonde
De la terre rougie des reliefs du Maghreb.
Il y a des mélodies qui vont jusqu’aux étoiles
Qui partent enlacées en branches d’oliviers
Chanson qui vient d’ailleurs, chanson qui porte l’âme,
Témoin d’une illusion, présence d’un passé.
Il y a des Castillans qui meurent la foi au ventre,
Ils meurent dans l’aurore d’un automne glacé,
Des héros oubliés que personne ne chante,
Mais ils ont marqué l’histoire car ils ont tout donné.
Il y a ceux qui se taisent, il y a ceux qui pleurent,
Il y a ceux qui cheminent la passion dans le cœur
Démolissant, tenaces, les barrières qui montent,
Qu’obscurcissent et cernent les murs du vieux quartier.
Il y a tant de fatigues, il y a tant de souffrances,
Il y a tant de sourires et de chaleur ignorée !
Vous qui voulez savoir comme on vit l’espérance,
Venez ! Prenez ma main, venez dans mon ancien quartier !
Mon vieux XIème à rues étroites chargées d’histoire, jamais je ne t’oublierai !

Christiane
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Le lieu de vie à jamais gravé dans ma mémoire est l’école de montagne, fréquentée du CP au CM1 : nous étions cinq élèves.
Elle a vu passer plusieurs générations d’enfants de paysans d’Arrous, Pertéguech, Miramont, La Serre.
Je parcourais deux kilomètres, quatre fois par jour, à travers prés, en traversant le petit pont de bois régulièrement emporté par les crues lors de la fonte des neiges.
Selon la saison, j’apportais un bouquet de fleurs à la maîtresse : marguerites, bleuets, orchis, lilas, myosotis, violettes, coucous, anémones, pivoines, roses anciennes, iris, narcisses, dahlias écarlates, fleurs de topinambours, houx, gui…
Personne n’ayant l’eau courante, nous allions remplir quelques bouteilles à la fontaine, pour faire les bouquets et nous laver les mains.
J’accrochais la pèlerine dans le couloir de cette maison à un étage ; je gardais mes sabots de bois, garnis de paille, façonnés par mon grand-père maternel dans un morceau de peuplier équarri par ses soins.
Le rez-de-chaussée de cette école était aménagé en salle de classe, avec deux fenêtres donnant sur le chemin et le bois voisin, deux rangées de tables, aux pupitres entaillés au couteau par les générations précédentes, étaient maculées d’encre. L’encrier était rempli avec la bouteille remise dans le débarras voisin avec les cartes de géographie Vidal-Blache. Un antique poêle Godin, le seul de tous ces hameaux, avait failli nous tuer avec ses émanations. Nous nous engourdissions quand le facteur, merci monsieur Massat, donna l’alerte : nous fûmes copieusement mouillés, secoués, frottés, giflés, abreuvés de gnôle artisanale par les paysans qui nous extirpèrent de notre léthargie, les uns hurlant, les autres pleurant.
Le mur était décoré avec une reproduction du tableau de Berthe Morisot et sa fille, tandis qu’une vitre était ornementée avec un vitrail en papier polychrome et translucide.
Les cartes de géographie étaient accrochées sur le tableau de gauche qui était réservé aussi à l’apprentissage du français, y compris de sublimes poésie qui nous sortaient de l’ordinaire : V. Hugo, J. Richepin, Th. Gautier, Lamartine, Fombeure, Carême, Vigny, La Fontaine, Ronsard, Du Bellay…
Nous dessinions, calligraphions, élaborions des frises.
Nous n’avions pas de cartable. Un voisin m’avait offert un crayon bleu à mine grise ; l’institutrice nous fournissait le cahier. J’ai appris à lire avec Rémi et Colette.
J’étais émerveillée par l’existence de craies multicolores et la belle écriture de la maîtresse.
Le tableau de gauche était réservé au calcul ; souvenirs mouvementés de fractions, fuites de robinets qui m’étaient inconnus, et autres pertes et profits qui me valurent moultes taloches.
La maîtresse régnait au bureau sur lequel était posé le cahier de progression pédagogique qu’elle présentait à l’inspecteur qui rendit successivement visite à mesdames Loubet, Géraud, Biros.
Nous étions des enfants paisibles.
Les toilettes rudimentaires de cet établissement se trouvaient  à l’entresol : une planche était pourvue d’un trou et le tout vidangé une fois l’an pour fertiliser la prairie voisine.
L’institutrice avait son logement de fonction au premier étage, mais y séjournait rarement, étant chargée de famille en ville, à St-Girons ou à Aulus-les-Bains. Elle se déplaçait en moto, la route n’étant pas goudronnée, peu carrossable. Elle garait sa moto à Pertéguech et finissait à pied le parcours d’un kilomètre la séparant de l’école.
Sous le toit, se trouvait le grenier où j’ai passé la première journée de CP car je ne parvenais pas à dessiner correctement les ailes d’une hirondelle : effectivement, elles n’étaient pas aérodynamiques, car trop épaisses.
Pendant la récréation, nous jouions avec des billes végétales trouvées sur certains chênes, aux barres, à cache-cache, à colin-maillard ; nous allions trouver du petit bois pour alimenter le poêle, les grosses bûches étant fournies par le père de Josette, Edmonde et Daniel.
Parfois, j’emportais la gamelle de soldat paternelle, remplie de soupe pour la faire réchauffer sur le poêle.
À la fin du printemps, quand l’herbe devenait trop haute et qu’il pleuvait à verse, ma mère m’enfilait tous les tabliers et vestes disponibles pour me protéger. Arrivée dégoulinante à destination, l’institutrice me retirait toutes ces épaisseurs et les étendait pour les faire sécher. Yvette avait quitté l’école et ne pouvait plus « m’ouvrir le chemin ». Personne n’arrivait au Certificat d’études, les familles avaient besoin de main-d’œuvre.
Je reprenais les cours à la mi automne car il fallait aider aux récoltes de pommes de terre, de topinambours, de châtaignes, de maïs, participer au dépiquage du blé, de l’avoine, du blé noir, au fléau et avec le tarare dont on activait la manivelle.
En hiver, la maladie des congères et une hauteur de un mètre vingt de neige m’empêchaient d’aller à l’école.
Cette école, dont la cloche n’a jamais sonné car le battant en avait été retiré, était un havre de paix, un espace de repos, le seul endroit où l’on s’occupait de moi comme d’une enfant ; j’ai répondu à son appel, dans la mesure du possible et lui dois ce que je suis devenue.

Elle a définitivement fermé quand nous n’étions plus que trois ; il a fallu partir vers d’autres cieux.

Marie-Christine
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Le lieu gravé à jamais dans ma mémoire n'a rien de réjouissant, c'est même une horreur dont je vais vous parler.
Cette année-là, en février, nous passons une semaine de vacances dans les Vosges, plus précisément, à Schirmeck, petit Commune du Bas-Rhin située dans la vallée de la Bruche et qui fait partie de la région s'appelant dorénavant Alsace-Champagne-Ardenne, Lorraine.
Nous ne connaissons pas du tout la région, l'endroit m'a été recommandé par un ami.
Bien entendu nous profitons des joies de la neige qu'il faut aller chercher un peu plus haut, au champ du feu. Les temps libres sont l'occasion pour nous de visiter les environs : le col du Donon, le château du Haut-Koenigsbourg, Strasbourg et bien d'autres lieux encore.
C'est au retour d'une de ces escapades que nous nous perdons sur notre chemin, par un temps avec un ciel bas, gris et triste donc, ce qui ne nous a  pas aidé pour voir à temps la bonne route à prendre. Qu'importe, nous trouverons bien plus loin une autre route nous ramenant sur notre itinéraire.
Nous roulons sur cette route qui grimpe doucement, et plus nous avançons dans cet environnement désertique, sans aucune habitation, peuplé de forêts de sapins à perte de vue, plus nous nous sentons oppressés sans vraiment savoir pourquoi.
Nous guettons bien entendu la moindre indication qui pourrait nous éclairer sur la bonne route à prendre et à un moment, nous apercevons  un panneau où sont inscrits ces mots : « zone de silence ». Cette inscription nous surprend, elle est étrange et angoissante à la fois. Nous profitons d'une petite aire de parking pour nous garer et comprendre ce qui justifie l'implantation de ce panneau dans ces lieux. 
Nous le comprenons bien vite à la vue d'un ancien mirador, devant l'entrée de ce qu'il faut bien appeler un camp de concentration... Nous saurons plus tard que ce camp, le Struthof, est l'unique camp de concentration existant sur le territoire français et que les détenus de cet endroit venaient de Pologne, d'Union Soviétique, puis de France, des Pays-Bas, d'Allemagne également, et de Norvège. Il était réservé aux « ennemis politiques incorrigibles du Reich »... Des résistants et des juifs seront également emprisonnés dans ces lieux.
Les visites sont autorisées, nous décidons donc d'entrer. Là, du haut du terrain en pente, nous découvrons l'empreinte laissée par les anciens baraquements qui composaient ce camp, une indication précise qu'ils ont été détruits en 1976 par des autonomistes alsaciens qui voulaient apparemment effacer ce camp de toute mémoire.
Nous avançons et passons devant une ancienne potence qui nous apprend que là étaient pendues des victimes. En contrebas, des baraquements subsistent, nous nous y rendons en silence, les lieux en effet n'incitent pas à la conversation,. Je suis pétrifiée, mon sang est glacé dans mes veines, je n'arrive pas à croire que tout ce que je découvre ici ce jour-là, est
Camp de concentration du Struthof
en France, dans mon pays. 
L'un des bâtiments abrite une salle de dissection, ou d'autopsie. On y voit encore la table de faïence blanche sur lequel étaient allongés les corps des malheureux, avec au bout l'évier où s'écoulaient le sang et les eaux usées. Nous apprenons que pendant cette horrible guerre, un médecin se livrait là à des expériences pseudo « scientifiques » sur des détenus, les soumettant à la peste, la lèpre et d'autres maladies aussi horribles, afin de voir les effets de la contamination. Ceux qui parvenaient à survivre à ces atrocités étaient assassinés, puis incinérés.
L'autre bâtiment nous fait découvrir la chambre à gaz, le four crématoire. La porte de ce four est ouverte, à l'entrée de ce four est déposé un bouquet de fleurs fraîches, en souvenir de toutes les victimes qui sont passées par ces lieux sans nom. Des juifs pour la plupart, mais pas seulement.
Cet endroit donne la chair de poule et, toujours en silence, nous remontons vers la sortie où un petit bâtiment a été transformé en musée. Là sont exposés sous vitrines des écrits, des petits objets retrouvés et ayant appartenu aux victimes de toutes ces atrocités. On peut y voir aussi ces tenues de  déportés bien connues de tous, nous laissant imaginer que des malheureux les ont portées avant d'être lâchement exécutés, exterminés.
Près de l'entrée, en contrebas du mirador, on aperçoit ce qui s'appelle « le ravin de la mort ». Là étaient fusillés des groupes de déportés. Que de morts, tous les moyens de tuer étaient utilisés....
Nous quittons ces lieux, nous sommes encore abasourdis par ce que nous venons de voir de nos propres yeux. Bien sûr nous connaissions l'existence de tels endroits mais jamais nous n'aurions pensé en découvrir un ici, au hasard de notre route, les habitants de la région sont bien silencieux sur ce sujet...
Et voilà donc ce lieu qui restera à jamais gravé dans ma mémoire.

Paulette
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S’il est un lieu gravé à jamais dans ma mémoire, c’est bien la place Godefroy de Bouillon où se trouvait la maison de ma grand’mère.
Nous y retournions chaque été en voiture. Après un long voyage de deux jours, nous entrions par la route de Paris et nous grimpions jusqu’à la haute ville. Juste avant d’y pénétrer, Mariette, l’Egyptologue, la main sur tête d’un sphinx,  nous salue du haut de sa pyramide.   Devant nous, courent les remparts du XIII°s et l’une de ses quatre portes : « la porte des Dunes ». Deux tours cylindriques relient un mur épais percé d’une voûte pour laisser entrer ou sortir les habitants de cette citadelle datant des romains. Dans sa partie supérieure, une niche ogivale abrite une sculpture du début du XIX° siècle : Notre Dame de Boulogne nous accueille. Assise dans sa barque accompagnée d’un ange de chaque côté, elle protège la ville depuis son arrivée dans le port, du temps dit-on du roi Dagobert. Nous franchissons cette enceinte et pénétrons sur une première place rectangulaire, aujourd’hui  Place de la Résistance. Laissons derrière nous le Palais de Justice, construit en 1850 et jetons un œil  vers la gauche. Là, entre la lignée de maisons et la façade arrière de la municipalité, se dresse le beffroi. Cet ancien donjon et dernier vestige  du château du comte de Boulogne bâti au XII°s, fut transformé au début du XIII°s., pour devenir le symbole des libertés communales. A quelques pas seulement, l’espace s’agrandit pour former une vaste place en équerre sur la première. C’est la place Godefroy de Bouillon, cœur de la citadelle. Datant de 1734, l’hôtel de ville, en occupe tout un côté. Il est le seul monument  en brique et en pierre dans une ville fortifiée. Sur sa gauche, la petite rue de la Providence, très sombre cache le couvent des Annonciades. Sur la droite, une enfilade de petites maisons se termine par 'ôtel Désndrouin de 1777 appelé Palais mpérial, souvenir de la grande-armée de Napoléon, consul, et du camp de Boulogne.     A sa droite, la courte rue du Puits d’Amour descend rapidement vers la porte des Degrés, ouverte sur le chemin de ronde où tant de fois nous nous avons couru et joué.
C’est sur la place mais, à l’entrée de cette rue qu’habite ma grand’mère. Sa maison forme un angle avec la rue d’Aumont, peu animée, qui se prolonge vers la porte Gayolle, vers les geôles
et les basses fosses du rempart. A l’autre angle, une maison semblable à la sienne, c’est celle de mon oncle. Elle commence l’enfilade des maisons et petits commerces qui constitue la rue de Lille, bien vivante, dominée par le dôme de la Cathédrale. Elle aussi se termine par une porte appelée  Neuve ou de Calais.
Toutes ces maisons serrées, les unes contre les autres, bien que construites en hauteur, ne comptent que 3 à 4 étages maximum, aux escaliers très étroits et aux marches très hautes mais aux caves profondes qui servirent de refuge pendant les bombardements de la dernière guerre. Dans les années 50, il n’y avait pas de confort et, chez grand’mère, nous enfants, nous nous lavions dans la cave, dans de grandes cuves de bois. Que d’éclats de rires et d’éclaboussures y avons-nous jetés ! Et que de bons souvenirs y avons-nous laissés !
Quand nous venions au mois d’Août, se déroulait la « Grande procession »  où les personnes costumées selon différentes époques rendaient hommage à Notre-Dame, chevaliers du Moyen-Age et princesses coiffées de hennins mais aussi les marins et leurs suroits, les boulonnaises et leur « soleil » et bien d’autres.
La place Godefroy de Bouillon, cœur de la citadelle, par sa diversité architecturale et ses manifestations, est pour moi, le symbole de l’histoire de France mais aussi celui de ma propre histoire.

Marie-Thérèse
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Dans le nord de l’Espagne sur la Costa Brava se trouvait un petit village pittoresque. C’était un village de pêcheurs encore peu fréquenté par les touristes. À cette époque, on trouvait dans les étroites ruelles des échoppes où les poissons et les anchois étaient préparés, salés et vendus à la population locale. Des petits restaurants foisonnaient où l’on pouvait déguster de la cuisine familiale.
Des bateaux blancs entraient, sortaient du port ; on apercevait les marins et les pêcheurs qui s’affairaient autour d’eux.
C’était en juin et la chaleur était encore supportable. Nous avions choisi, pour notre séjour, le camping sauvage dans une pinède à l’abri des regards. L’odeur des pins nous tournait un peu la tête. Chaque matin, nous allions chercher à la fontaine de l’eau pour le café et la toilette. Les gens, peu nombreux, nous regardaient avec curiosité.
Mon ami avait pris dans ses bagages un canoé gonflable et, ce jour-là, nous avions décidé de l’essayer.
Installés à bord et après quelques coups de pagaie, nous nous sommes retrouvés sur la mer près du rivage.
Je me souviendrai à jamais de l’eau turquoise, limpide, d’une transparence cristalline. J’ai pu voir une multitude de couleurs, des oursins, des poissons bigarrés, des roches sous-marines. Je laissais glisser ma main dans l’eau tiède et ce merveilleux spectacle me ravissait. Un bien-être m’envahissait, j’oubliais tout, me laissant aller à une sorte de plénitude. J’étais transportée dans un autre monde, fluide, doux, sensuel.
Cette promenade fut de courte durée et une fois revenue sur la terre ferme, j’ai su que je ne n’oublierais jamais ces instants de grâce, féériques.

Nadine
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photo de Robert Doisneau
« Il y toujours un coin qui me rappelle… », chantait Eddy Mitchell au début des années soixante.
Nous avons tous un coin qui nous rappelle un moment triste ou heureux de notre existence.
Tout au long de ma vie, beaucoup d’endroits de par le monde et en France me parlent de moments inoubliables.
Mais le lieu qui me revient souvent, qui restera à jamais dans ma mémoire, c’est le lieu où je suis née : ce groupe de grands immeubles beiges et noirs de six ou sept étages, les boutiques, ouvertes tout le long des premiers bâtiments : les crémiers, les bouchers, les marchands de fruits et légumes, le libraire, les boulangers, le charcutier avec sa vitrine alléchante, la maroquinerie avec les sacs, les parapluies, las bijoux de pacotille que nous rêvions d’acheter et les produits de beauté, le pharmacien qui assurait les préparations médicinales.
Tous les jours, nous passions devant ou chez ces commerçants. Lorsque c’était les fêtes à Pâques ou à Noël, à cause des décorations des magasins, souvent  je rêvais de cet endroit.
« Je suis dans ces lieux  dans les années 40. C’est noir et triste, il fait froid ! Mais les gens sont chaleureux et parlent pendant les longues files d’attente chez les commerçants munis de leurs tickets d’achat. Puis ce sont les années 50, c’est gai ; je suis confiante en l’avenir. On rit entre ados. Nous croyons à des rêves merveilleux sans penser que la vie ne réserve pas toujours de bonnes surprises ou elles ne durent pas. »
Je suis restée 29 ans dans cet endroit. J’y suis retournée régulièrement en rendant visite à des anciens voisins, des amis, des cousins. Je faisais quelques achats chez les commerçants en rentrant à mon nouveau domicile.
Aujourd’hui, il ne reste qu’une ou deux personnes de ce temps-là et deux ou trois boutiques. Les gens sont partis pour d’autres lieux.
Mais ce lieu-là, dans ma mémoire, de temps en temps, j’y retourne en rêve pour y retrouver « les gens que j’aime, l’insouciance de mon enfance parmi les adultes aux robes fleuries, prêts à danser au bal du 14 juillet ! »

Mireille
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L’Égypte a été dotée, par la nature, d’une singularité géographique, voire cosmologique, pouvant être qualifiée de boussole : le Nil s’écoule selon une direction grosso modo sud/nord, tandis que le soleil dessine dans le ciel un parcours est/ouest. Il se peut que, dans l’Antiquité, cette orthogonalité perpétuelle se soit traduite, par les bâtisseurs, en une architecture de monuments à quatre faces en équerre que l’on retrouve dans les pyramides, les stèles, les obélisques, les temples…
Pour ce qui est des pyramides, elles s’honorent de figurer comme étant l’une des sept merveilles du monde, en sus du phare d’Alexandrie. Deux merveilles en un seul pays, l’Égypte, sur sept au total est un record mondial.
Par ailleurs, innombrables sont les disparités de civilisation en faveur de l’Antiquité pharaonique par rapport à disons, la Gaule.
Ainsi par exemple, les prêtres égyptiens savaient calculer les éclipses, alors, que des millénaires plus tard, les druides gaulois avaient peur que le ciel leur tombe sur la tête.
Voici un autre exemple de disparité, au plan médiéval : en France, au XVIème siècle de notre ère, Ambroise Paré, réputé père de la chirurgie moderne, devant opérer une trépanation sur le roi Henri II grièvement blessé lors d’un tournoi, cru devoir au préalable s’entraîner sur un prisonnier. En comparaison, les chirurgiens de l’Antiquité pharaonique, eux, pratiquaient routinièrement des trépanations. Il est vrai que la momification constitue un excellent cours d’anatomie, abstraction faite de sa connotation religieuse.
À propos de religion, Thèbes fut le siège d’une première mondiale : le monothéisme.
Cette immense innovation a été imposée par le pharaon Aménophis IV qui, à cet égard, s’est rebaptisé Akhenaton, Aton étant le nom de cet unique dieu.
Pour conclure sur une note divertissante : ce pharaon fut l’époux de la fort belle Néfertiti, à en juger par ses bustes qui trônent dans les musées, dont le Louvre. Leur fils, Toutankhamon, célèbre pour la richesse de sa sépulture découverte inviolée il y a cent ans, mourut jeune, après un règne court et insignifiant, si ce n’est que, sous la pression des prêtres, il rétablit le polythéisme ancestral.

Emmanuel
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Le jardin dans la ville – Un lieu marquant, c’est peut-être quelque chose dont on se souvient au soir de sa vie.
En période de guerre, la nourriture était rationnée, et pour que nous mangions à notre faim, mes parents passaient beaucoup de temps à cultiver des légumes dans plusieurs jardins. Ils étaient donc souvent absents et nous souvent seuls. Aussi, quand le printemps amenait les beaux jours, ils décidaient de nous emmener avec eux et d’improviser un déjeuner sur l’herbe. La famille entière était réunie, ce qui était inhabituel.
Mon père avait aménagé une petite terrasse en creusant le talus qui surplombait notre jardin ; un noyer avait été planté pour nous faire de l’ombre.
C’est sur ce petit espace que nous allions pique-niquer : œufs durs, salade composée et fruits.
Compte tenu de la rareté de ces moments et du lieu, exceptionnel, je ne puis oublier cet endroit.
On m’envoyait chercher de l’eau à la source, j’étais contente d’y aller. Quelle aventure ! J’étais obligée de passer par un champ de luzerne dont l’herbe était si haute que je me sentais noyée dans cette marée odorante.
Je devais monter encore un petit sentier et là, au milieu des buissons, coulait une petite source fraîche dont le filet d’eau mettait un certain temps à remplir ma bouteille.
À la fin du repas, heureuse, je grimpais sur le talus moussu. C’était le printemps, il y avait des saules en fleurs avec des petits chatons à grains jaunes dont l’odeur était enivrante.
« Il me fait reposer dans de verts pâturages
Il me dirige vers des eaux bienfaisantes. » Je ne puis m’empêcher d’unir ces deux phrases à mes souvenirs.

Josiane
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Si ma vision d’un petit coin de paradis perdu depuis si longtemps au fond de ma mémoire pouvait égayer votre journée, cela me ravirait. Je vous parlerais de cette île aux merveilles, de cet « home, sweet home » dissimulé dans sa verdure avec en toile de fond les buildings de Vancouver : m’y suivrez-vous ? Vous laisserez-vous envahir par tous ces chantes, ces mélopées, ces mélodies et rapsodies in blue ? Vous laisserez-vous emmener dans ce sanctuaire de la faune et de la flore tropicale sous cette serre digne du Douanier Rousseau. Ce ne sera pas Robinson Crusoé qui vous accueillera, encore moins Tarzan, avec son slip léopard et ses abdominaux saillants. Tenue de presque cérémonie pour les touristes, les puristes, les admirateurs d’oiseaux de paradis, de cacatoès, d’aras bleus. Vous vous glisserez entre les feuilles de bananiers, entre les lianes, les fleurs de vanille, d’ylang-ylang, entre le caoutchouc, le latex et les orchidées. À pas de loup et sur le qui-vive, vous progresserez comme des aventuriers et au hasard d’un détour, vous tomberez peut-être nez à nez avec l’un de ces petits singes hurleurs, enfin vous le croirez… son cri résonne du haut de la canopée, il vous dévisage de ces yeux curieux de lave rouge incandescente. Ce sera vous, l’intrus. Mais peut-être l’invité, si vous montrez pâte blanche.

Claudine


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