jeudi 7 juillet 2016

PREMIERS PAS

La vie est faite de conquêtes, de découvertes et de  premiers pas. Racontez...
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Mes deux frères aînés et moi avions l’habitude de nous réunir dans ma chambre après le repas du soir pour chanter les chansons de nos idoles du moment. C’était dans les années 60-65. Dans la journée, nous écoutions à la radio Salut les copains et mon frère s’arrangeait pur trouver les textes que l’on collait avec précaution dans un cahier d’écolier.
À tour de rôle, chacun reprenait les refrains de nos chanteurs préférés.
Une anecdote me revient en mémoire. Alors que nous étions en colonie de vacances, les moniteurs nous demandèrent, à l’occasion d’une veillée, de chanter devant tous les enfants. Notre modeste chorale eut son petit effet.
Un beau jour, je ne sais plus comment, mon frère eut une guitare. Ne sachant rien du solfège, il s’appliqua à l’aide de partitions pour débutants à décliner ses premiers accords.
Médusée, je le regardais et aspirais comme lui à jouer de cet instrument. Je m’entrainais aussi souvent que possible. Petit à petit, à force de persévérance, j’ai su maîtriser une technique qui me permit de chanter en m’accompagnant. Ainsi, je fis mes premiers pas dans le domaine de la musique. Je reprenais des auteurs tels que Brassens, Jean Ferrat et bien d’autres encore. Durant des années, ma fidèle compagne ne me quitta pas. Elle m’a protégé des vices de la vie et je l’en remercie.

Nadine
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Il y a déjà un moment, je me rappelle d'une petite fille qui avait les yeux qui brillaient lorsqu'elle voyait des danseuses habillées de leurs tutus et pointes aux pieds, tournoyer, sauter et s'élever dans les airs. C'était magique et féerique pour elle, et elle demandait inlassablement que je l'inscrive pour qu'elle apprenne à danser comme elles. Cela a duré deux longues années... deux longues années pendant lesquelles elle est restée campée sur son idée ...deux longues années qui lui ont servi de mieux connaitre, de mieux savoir que la danse classique est un art très difficile et exigeant, qu'elle ne ferait pas les pointes tout de suite et qu'il faudra qu'elle fasse tout un tas d'exercices de souplesse, d'étirement et rigoureux. 
Quand elle eut cinq ans, je suis partie avec elle voir un cours privé. La professeur, ancien petit rat de l'Opéra, l'invita à assister au cours donné aux petites. Là, elle découvrit que le silence était de mise, que les exercices étaient simples et difficiles à la fois, mais cela ne l'a pas fait reculer, au contraire ! Au sortir de la salle, il a fallu aller chercher et acheter le justaucorps, les collants et les chaussons demi-pointes. 
Quelle joie pour elle ! Imaginez son excitation la semaine suivante, lorsque je me suis mis à la préparer ... collant enfilés et justaucorps ajusté et surtout le chignon que toute bonne et belle danseuse aborde ! La joie se lisait dans ses yeux d'enfant .... Elle touchait SON rêve ! Arrivée au cours, elle se précipita pour mettre ses chaussons de danse et s'envola littéralement vers le parquet ... Ainsi débuta son tout premier cours, où elle ne quitta pas d'une seule seconde des yeux et des oreilles, si je puis dire, son professeur ... étirements, exercices de souplesse devinrent vite courant et simples pour elle... et l'année s'étira ainsi à chaque leçon où quelques fois elle se retrouvait seule. 
Le mois de juin arriva très vite pour elle, et elle ferait partie du spectacle de fin d'année ! Le soir, les quatre petites danseuses de cinq ans débutèrent ...oh ...10 mn seulement, mais 10 mn de gloire pour ces petites filles!! 
Et celle qui avait les étoiles dans les yeux resta devant la scène, les bras croisés sur le parquet pour voir de plus prêt les autres artistes faire le show ! 
Un moment inoubliable pour moi ... je la revois ainsi, petite fille habillée de rose et rêvant de musique, de danse et de ballet ...
La danse classique, elle en a fait pendant 11 ans ... et n'a jamais regretté une seule minute ...et les deux dernières années, elle avait voulu s'essayer au moderne. Ainsi, elle faisait six heures de dans par semaine. Elle a arrêté lorsqu'elle est passé en seconde car elle avait peur de ne pas arriver à conjuguer les deux ... Son choix fut difficile...et aujourd'hui elle aimerait s'y remettre !

Valérie
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Je me souviens partiellement, de façon fragmentaire, de mes premiers pas vers la photo.
Âgée de moins de trois ans, j’y fus contrainte et forcée : il fallait envoyer une photo à mon parrain parti à New York quelques jours après mon baptême, et qui décédera le jour de mes treize ans, lors d’une explosion sur son lieu de travail.
Une voisine, la mère de ma marraine, avait tricoté à mon intention une robe en laine orange et jaune qui devait m’écorcher la peau, ma mère avait rajouté par-dessous une autre robe, en coton nid d’abeille, jaune poussin, envoyée par mon parrain, mes cheveux avaient été relevés, tirés en arrière et retenus par un ruban blanc.
Mon père m’avait acheté des sandalettes et des socquettes blanches.
J’ai complètement occulté le trajet du domicile à la boutique du photographe, distante de dix-huit kilomètres.
J’ai forcément voyagé dans le car bleu qui desservait la vallée, dans lequel j’avais été accidentée, lors du pèlerinage local.
Je versais des torrents de larmes : le photographe me prêta un panier en osier pour occuper mes doigts, mon père devait me faire les marionnettes pour me calmer.
Je dus me tenir debout sur un immense fauteuil en paille torsadée.
Comme mon père conduisait dans la remorque du car, à destination de cette ville tous les veaux à l’abattoir, je croyais que mon tour était venu !
Le retour au bercail fut également le trou noir, je ne fus confrontée à l’objectif qu’une dizaine d’années plus tard.
Je fus déstabilisée par des caméras de TV, jusqu’au jour où un journaliste m’expliqua que ce n’était rien, ainsi, l’outil de mort supposé fut remplacé par la boîte à image réelle.

Marie-Christine
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Le tout premier sourire d’un nouveau-né correspond au bien-être ressenti après un long séjour en milieu chaud humide comme dans une serre, avec des bruits ambiants d’oiseaux tropicaux.  Avec les progrès de l‘échographie en trois D et en couleurs, il est effectivement évident de s’en rendre compte. Il s’agit des premiers instants et sourires de vie in utero. A la naissance, ce sourire loin de s’estomper apparaît sur le visage d’un enfant endormi, rassasié et entre deux rêves. Le visage s’anime et de légers soubresauts agitent momentanément le torse et les membres en une chorégraphie charmante et attachante. Un peu comme de jeunes chatons ou des chiots fraichement venus au monde. Comment ne pas succomber de tendresse face à un spectacle qui nous inonde de bonheur intérieur ? C’est  sourire à la vie de donner naissance à un petit être et de lui communiquer ainsi tout l’amour auquel il doit aspirer en priorité et ce sentiment qu’il représente tout pour nous. C’est de garder une trace indélébile de ces petites quenottes qui en une moue absolument ravissante  s’offre à nous en un spectacle hilarant et confiant. Ce ne sont que perpétuels mélanges de tumultes et d’allégresse que d’adresser un sourire à l’enfant qui vient de faire une bêtise afin d’estomper quelque peu les remontrances et la vue de ces sourcils broussailleux formant un « I » coléreux. Comment ne pas craquer quand l’enfant devenu adolescent découvre des dents d’un blanc étincelant quand lors d’un échange sur Messenger sur écran interposé, ce même sourire de satisfaction et de bien-être envahit notre être après avoir fermé la caméra ? On se croirait alors en apesanteur comme Armstrong faisant le premier un grand pas sur la Lune : ses pieds touchant l’astre lunaire en des bonds somptueux. Et comme moi, comme vous sans doute ? Avec sa tête dans des nuages et des étoiles hypothétiques plein les yeux ! Un voyage interplanétaire effectué à la maison par l‘imagination en un temps record. Et c’est cela le pouvoir d’un sourire. C’est de dire ô combien on est bien quand celui-ci est partagé.

Claudine
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C’est inopinément que je fais mes premiers pas dans l’enseignement. J’ remplace, au pied levé, un titulaire appelé sous les drapeaux. M’est attribué son poste de prof de maths.
Dès la rentrée, je proclame mon objectif : aux examens de fin d’année scolaire, aucun de mes élèves n’aura en maths une note en-dessous de la moyenne. Je me déclare prêt à les aider tout au long de l’année et, en contrepartie, je les prie de m’aider par leur assiduité et leur bonne volonté.
Mes relations avec les élèves –dont certains ont presque mon âge – sont excellentes et ne se confinent pas aux murs de la classe mais s’étendent à la vie sociale et aux activités sportives.
Il arrive alors que les hiérarchies s’inversent, dans les rapports d’autorité et de prestige. Ainsi, à ma supériorité en tant que prof de classe, se substitue, au stade, celle du capitaine de l’équipe dans laquelle je joue. Inutile de préciser qu’alors mes médiocrités sont manifestes et il n’est pas rare que je me fasse vertement rabroué. Mais ici comme là règne un bon esprit teinté de camaraderie et d’émulation.J’avoue que je jubile en évoquant ces premiers pas en qualité de professeur.

Emmanuel
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Gris du ciel vibrant, chargé de lourds nuages qui se forment et se déforment, sous le souffle d’un vent cinglant ! Gris de la mer roulant d’énormes vagues houleuses venant frapper la coque du navire ! Nuances de gris à l’infini se conjuguant dans cette atmosphère glaciale de ce matin de février où comme tous les passagers, je m’agglutine sur le pont du paquebot qui nous emmène vers New-York. C’est que nous touchons  au but et tous scrutent l’horizon pour découvrir le premier la statue de la Liberté. Soudain, un cri ! Elle est là, à peine visible dans le lointain ouaté, forme grise dans le gris du ciel, nimbée de brouillard. Cachée comme derrière une vitre translucide, elle se dessine peu à peu et apparait drapée  d’un long manteau de brume  qu’accueillante, elle entrouvre à l’arrivant.
Le paquebot vire lentement et la statue se dresse alors devant nous, tenant dans la main la flamme qui illumine le monde. Une dernière manœuvre, et le navire accoste. Encore quelques minutes et nous la perdons de vue. La sirène a déjà retenti une fois invitant les voyageurs à rejoindre la salle principale où chargés d’une partie de leurs bagages, nous nous tenons les uns derrière les autres, prêts à débarquer. Un dernier coup de sirène et nous descendons à terre en file indienne.
Mes premiers pas sur le nouveau continent ! L’Amérique, pays des rêves les plus fous !
Mais la réalité est là qui m’attend. Avant la liberté, d’abord les contrôles. Des agents déposent les bagages sur des tapis et derrière les douaniers se mettent au travail. Celui qui m’échoit, s’intéresse d’abord au sac que je tiens à la main. Il y découvre deux pommes et quelques morceaux de pain que j’ai précieusement conservés pour la route. Sans écouter mes explications, en français, il les jette à l’eau : Adieu Casse-croûte ! J’apprends que les américains craignent la contamination par les graines depuis le phylloxéra ! Sur le coup je reste interloquée, regardant bêtement voguer mes fruits à la surface de l’eau boueuse. Elles sont immédiatement le régal de deux volatiles descendus du ciel !
Pendant ce temps, le douanier s’intéresse à ma valise pleine à craquer. Il l’ouvre plutôt brusquement et tout en me posant quelques questions, tourne et en retourne le contenu ! Je ne comprends pas grand’ chose en anglais, et lui montre les papiers remplis sur le bateau. Il n’en a cure ! Et je reste là, la main tendue  alors que sans ménagement, il en vide presque entièrement le contenu, posant les affaires pêle-mêle, sur le côté. Non, il n’y a rien, vraiment rien d’interdit ! Il attrape le tas qu’il a créé et d’un seul coup de main, il remet le tout dans la valise, non sans avoir tracé dessus, une grande croix noire. Et il me laisse là, empêtrée dans mes affaires emmêlées ! A moi de me débrouiller avec ma valise trop pleine que je n’arrive plus à fermer ! Mon voisin, un américain sans doute, rit à gorge déployée devant mes efforts pour la boucler ! Puis gentiment, il finit par me donner un coup de main et me la descend du tapis. Je le remercie et cherche la sortie, la trainant difficilement derrière moi jusqu’à trouver un caddie. Maintenant la police ! Tout va bien ! Mon titre de séjour est en règle. Enfin, je sors de la zone interdite aux visiteurs et foule le sol américain, pour la première fois.
Malgré la température plutôt basse et la neige qui commence à tomber, la circulation est dense et les passants nombreux. Je reste un instant, étourdie, debout dans le froid à humer l’air en contemplant les gratte-ciel. Je suis en Amérique ! Cela m’émeut un peu. Je vais découvrir un nouveau monde !

Marie-Thérèse
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À la fin des années quatre-vingts, j’accompagne une classe à Londres, en voyage de découverte, pour une semaine.
La traversée à bord du ferry est paisible, l’installation dans les familles aussi malgré quelques réajustements et arrangements de dernière minute, suite aux affinités, susceptibilités et incompatibilités de certains élèves.
L’une des accompagnatrices, étant anglaise et enseignant de surcroît la langue de Shakespeare, arrondit quelques angles grâce à ses hautes compétences linguistiques et à ses talents diplomatiques insoupçonnés.
Nous visitâmes les musées et autres lieux célèbres puis, vint le jour où nous nous rendîmes au Palais de Buckingham.
Une élève vint me trouver, avec des mines de comploteur, elle m’expliqua discrètement que les Anglais débarquaient pour la première fois… Je lui remis fort discrètement le nécessaire, tout en parlant de la pluie et du beau temps, pour tromper l’ennemi.
Un mois plus tard, sa famille me fit remettre sans autre explication, un pot de cyclamens rouges, en souvenir du débarquement des Anglais au Palais de Buckingham, au nez et à la barbe des gardes royaux…

Marie-Christine
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J'ai été  scolarisée à Cachan et le jeudi, jour sans école à l'époque, j'y fréquentais également le patronage que l'on appelle aujourd'hui du joli nom de « centre de loisirs primaire ».
Une année, je devais avoir autour des 10 ans, il fut décidé que je partirais en colonie de vacances pendant les congés d'hiver. Cette idée ne me réjouissait pas trop, je n'aimais pas la vie  en collectivité, je n'avais nulle envie de quitter mon foyer, mes habitudes et  surtout d'être séparée de mes parents. Mais je n'avais pas mon mot à dire.
Et je partis donc à Morzine en Haute-Savoie, station qui je pense ne devait pas être aussi réputée à l'époque. Malgré mon appréhension, sur place je fus quand même émerveillée par les grandes étendues de neige immaculée qui s'étendaient devant moi à perte de vue. J'aimais aussi les promenades dans les petits villages constitués de grands chalets de bois très anciens, des fermes pour la plupart. J'aimais l'odeur de la fumée des feux de bois qui chauffaient ces habitations, l'odeur de fumé aussi qui provenait des viandes qu'on conservait ainsi. On apercevait le bétail en passant devant les bâtiments et sur le côté, le purin provenant de l'étable qu'on venait de nettoyer, purin qui venait grossir le tas de la veille. C'était une odeur moins agréable mais typique et on nous disait alors « respirez bien, c'est très bon pour les poumons ». J'ignore si c'était une vérité... mais j'ai survécu.
Pendant ces vacances à la neige, il était prévu une initiation au ski et, à la fin du séjour, le test qui consistait à décrocher une première étoile. J'ignorais tout de la pratique du ski qui comme toute chose inconnue m'inspirait de la crainte. La colonie disposait de skis et de chaussures et je revois ce matériel. Les skis étaient en bois, rien à voir avec ceux fins et légers qu'on peut louer ou acheter à présent. Les chaussures étaient en cuir, un lacet passait en se croisant dans des crochets sur le dessus et en assurait la fermeture. Là aussi, plus de comparaison possible avec les solides chaussures actuelles qui vous enserrent le pied solidement jusqu'à la cheville, fermées par un tout autre système et qui sont bien étanches. Car là était le problème, à la longue, à force de fouler la neige, ces chaussures prenaient l'eau, on avait alors bien froid aux pieds. Je me souviens en avoir  particulièrement souffert une fois, je ne sentais plus mes pieds et bizarrement,  ils me faisaient pourtant très mal. Comme je me plaignais les larmes aux yeux, on m'avait fortement frictionné les  pieds pour y faire revenir la circulation.
Si la colonie possédait le matériel nécessaire, il n'était toutefois pas en nombre suffisant. Il fut donc décidé par la direction qu'il y aurait deux groupes et chacun d'eux pratiquerait alternativement. La liste des deux groupes fut établie et on appela les enfants faisant partie du premier, ceux qui allaient donc skier le jour-même,  Et mon nom était dans la liste, moi qui voulais tant retarder ce moment alors que d'autres au contraire étaient déçus. J'avais bien tenté de lever la main pour échanger généreusement ma place mais la direction ne voulait rien entendre, la liste serait respectée. Et à cette époque, on ne discutait pas.
Notre groupe d'enfants étant assez important, nous étions divisés en plusieurs équipes, chacune disposant d'un moniteur. Nous portions tous des bonnets de laine bleue, seule la couleur du pompon au bout les différenciait. Certains étaient jaunes, d'autres rouges, ou encore verts, cela  permettait aux moniteurs de vite repérer ceux dont ils étaient responsables. Je pense que le mien devait être jaune, c'est la couleur qui me revient de suite à l'esprit.
Le groupe se rendit donc sur le lieu de l'entraînement et après quelques explications et démonstrations,  les leçons commencèrent. Des bâtons avaient été piqués dans le sol neigeux, il s'agissait ensuite de descendre en glissant, de  contourner chacun d'eux sans les toucher et ensuite de s'arrêter plus bas. Bien sûr il fallut recommencer, encore, et encore. Mais on progressait, les chutes devinrent plus rares. Et à chaque fois il fallait donc remonter la pente, pas de tire-fesses pour nous, non, nous remontions en escalier. Et finalement, skier fut pour moi un plaisir, j'y prenais goût, je me débrouillais même très bien. Tant et si bien que lorsque nous avions un peu de temps libre, sans doute pendant qu'on expliquait à ceux qui s'en sortaient moins bien, nous  avions vite faire de construire des sortes de portes à l'aide de trois de nos bâtons et le jeu consistait à passer dessous accroupi, et sans bâton donc.
Enfin le grand jour arriva, on allait devoir affronter l'épreuve qui, si mes souvenirs sont bons, consistait en  un slalom autour des bâtons, skis légèrement écartés en chasse-neige, une descente en trace directe ensuite et un arrêt en dérapage pour terminer. Nous passions l'un après l'autre devant le jury qui sans mot dire observait, notait. L'épreuve terminée, on repartit pour la colonie sans  connaître les résultats. Ce n'est que le lendemain que la direction nous les annonça, l'ensemble des enfants ayant pu passer l'épreuve. Et j'avais réussi, je n'étais pas peu fière. D'autant plus fière que j'étais même la seule parmi les filles, tous les autres candidats reçus étaient des garçons.
On nous donna notre trophée, une broche argentée en forme de flocon, une petite étoile dorée était sertie au milieu, sur des traits aux couleurs de la France. On nous confia également le petit carnet bleu qui attestait de notre réussite et qui mentionnait la date et le niveau atteint.
C'est donc avec encore plus de plaisir que je pris le chemin du retour, arborant cette broche sur mon anorak, il s'agissait que mes parents puissent la voir de suite. Je n'ai pas souvenir qu'ils en firent grand cas... Dans tout ce que nous pouvions réussir, seuls semblait importer nos résultats scolaires. Et encore, on ne faisait pas de commentaire sur les bonnes notes, seules les mauvaises suscitaient une vive réaction.
Voilà, ce furent mes premiers pas chaussée de skis, et aussi les derniers, jamais je n'ai eu l'occasion de pratiquer ce sport dans les années qui suivirent et bien plus tard... c'est trop tard !

Paulette
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Quel que soit notre âge, nous avons toujours l’occasion de faire nos premiers pas. En effet, après avoir passé le bac en juillet… j’obtenais un poste d’enseignante dans le privé. Je n’avais pas dix-huit ans, âge requis pour faire la classe. Qu’importe, à la guerre comme à la guerre, vous les aurez bientôt, c’est comme si vous les aviez, m’avait dit la directrice.
Dès le 1er octobre, je faisais mes premiers pas d’institutrice à Sartrouville, banlieue alors populaire. Ce jour-là, dès 8 heures du matin, très émue, je me trouvais dans le bureau de la directrice pour un entretien puis lorsque la cloche sonna, je me dirigeai toute tremblante vers la cour. Mon cœur battait très fort sous mon corsage. Arrivée dans la cour, je vis une dizaine de rangs et devant chacun une dame, sourire aux lèvres. Dans un silence impressionnant, la directrice me présenta. Ensuite, il fallut attendre l’appel des noms des élèves de chaque classe pour gravir les escaliers, longer les couloirs et suspendre à un crochet vestes et manteaux. Les enfants, alors toutes en tablier noir, attendaient toujours en silence, que je leur permette d’entrer dans la salle. Le nom de chacun était inscrit sur les pupitres rangés deux par deux. Un petit moment d’hésitation, quelques chuchotements… Le temps que chacune trouve sa place, j’avais pu me remettre de mon trac. Je m’assis à mon bureau, perché sur une estrade, et les saluais. Je leur donnais chacune un panier à remplir avec leur nom, adresse… La salle de classe était vaste, éclairée de baies vitrées, il y avait aussi un poêle à bois à allumer chaque matin, aux murs deux cartes de France, l’une des fleuves et l’autre du relief.
Après avoir recueilli les trente-deux feuilles, j’inscrivis sur le tableau mon propre nom et leur dis que j’espérais que nous ferions du bon travail ensemble. Je leur demandais de prendre leur livre de français pour une première leçon. La glace était rompue, l’année commençait.
Alors retentit la cloche pour la récréation, j’autorisai les élèves à se lever et à se rendre en silence dans la cour où elles se dispersèrent gaiement comme des bulles de champagne d’une bouteille que l’on vient d’ouvrir.Cette matinée passée pour la première fois avec des enfants de 9-10 ans resta à jamais gravée dans ma mémoire. Si j’avais su que cela devait se renouveler quarante-cinq fois ! Je dois avouer toutefois, qu’à chaque rentrée, pendant quarante-cinq ans, j’ai fait mes premiers pas vers une nouvelle classe, une nouvelle aventure, de nouvelles personnes à aimer et à voir grandir.

Christiane

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