vendredi 6 octobre 2017

LE MARCHE

Racontez le marché, ses odeurs, ses couleurs, son ambiance, les rencontres qu'on y fait et les souvenirs qu'il nous laisse...


Le marché, surtout celui du samedi qui est plus important, apporte de la vie dans mon quartier. Pour peu que le temps soit au beau, c'est assez plaisant d'aller y faire ses courses. L'hiver par contre  on voudrait qu'il se transforme en marché couvert. Les commerçants ont du mérite à rester ainsi de longues heures dehors, debout derrière leur étalage, dans les intempéries. Ils sont levés depuis déjà longtemps, sont passés par les Halles avant de s'installer, c'est une vie qui doit ne doit pas être de tout repos.
On trouve vraiment de tout sur ce marché, le comestible et aussi tout le reste. Et ce reste est de plus en plus varié au fil des années, du mois c'est mon avis. Il y a toujours les marchands de vêtements mais aussi tous ceux qui se multiplient et qui proposent ce que de mon temps déjà on appelait « tout à 1  franc ».  Maintenant tout est à 1 euro ou pas beaucoup plus. Là on voit des piles, des coques pour les téléphones portables, des plats pour la cuisine, des seaux et des cuvettes, bref, presque tout ce dont on peut avoir besoin chez soi. Certains ont un étalage des plus hétéroclites, ça va des boîtes de thé aux enveloppes autocollantes, en passant par les chaussettes, je me demande même parfois comment un tel commerce est possible.
Le marché est plus ou moins scindé en deux parties, d'un côté on a regroupé tous ces commerçants, de l'autre on trouve le comestible, il est donc possible d'aller chez les uns sans passer chez les autres. Mais personnellement, même quand je n'ai besoin de rien de spécial, j'aime traverser le marché en entier, je termine par mes achats de nourriture, là je profite de la bonne odeur des poulets qui rôtissent et qui m'ouvrent déjà l'appétit.
Le fleuriste bénéficie lui d'un privilège car son emplacement est installé là, entre un marchand de fruits-légumes et un charcutier. Je ne peux m'empêcher de passer devant ses fleurs, rien que pour le plaisir des yeux comme on le dit si bien dans les souks de Marrakech. Quelquefois j'achète aussi, j'aime bien avoir des fleurs à la maison. J'ai le plaisir d'y rencontrer parfois une connaissance, elle aussi amoureuse des fleurs, à la lecture de mon texte elle se reconnaîtra. Mais qui n'aime pas les fleurs...
Le marché est le jour où l'on  croise des personnes que l'on connaît, c'est ainsi l'occasion de se saluer, de prendre des nouvelles. Pour ça  il faut être régulier, chacun ayant ses habitudes et ses horaires. Il y a comme moi ceux qui préfèrent y aller tôt, plus de choix, moins de monde et donc moins d'attente. Car si ce n'est pas déplaisant d'être là, au retour on a de l'occupation en vue avec les achats qu'on rapporte, inutile donc de s'éterniser. Il y a ceux qui préfèrent y venir tard, presque à la fin. Il faut croire que c'est ce qui plaît à une majorité car la foule augmente avec l'heure qui avance. Au détour des allées, on y discute certainement beaucoup plus aussi.
Une fois le marché terminé et les lieux nettoyés, le quartier retrouve son calme mais le prochain jour  reviendra vite. Et je me dis que fort heureusement nous avons ce marché car les petits commerces de mon enfance sont devenus bien rares aujourd'hui, j'espère donc qu'il survivra longtemps encore.

Paulette
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Le marché, dans le Couserans, ne pouvait s'implanter n'importe où : il fallait descendre des hameaux, sis en moyenne altitude, dépourvus de routes carrossables, d'eau courante et d'électricité, longer le torrent du Garbet qui s'apaisait dans la vallée d'Oust, chef-lieu du canton, aller à Seix à pied en parcourant une douzaine de kilomètres ou prendre le car qui descendait d'Aulus les Bains quand le budget le permettait.
Le marché se tenait à Seix, en terre occitane, le jeudi une fois par mois, quasiment au confluent du Garbet et du Salat, descendu du Vignemale pour se jeter dans la Garonne.
Ce carrefour permettait aussi aux habitants de la vallée d'Ustou et des localités environnantes de descendre en empruntant le car desservant leur trajet
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Le bétail arrivait au foirail à pied ou, pour les veaux, dans la remorque du car. Pour le gros bétail, le maquignon se rendait parfois à domicile.
Tandis que ma mère vendait les œufs et le beurre à l'épicier et au pâtissier d'Oust pour nous acheter du café, de l'huile, du sel et du sucre, mon père vendait du bétail pour se procurer des tonneaux de piquette. 
Les grandes affaires se déroulaient le 29 Septembre, à la Saint-Michel : c'est à cette date que mon père payait le fermage au propriétaire, parti dans la Haute-Garonne, ce dernier lui avait loué des prés et des champs ; et prélevait également des sacs de récoltes, beaucoup de pommes pour le cidre ; je les cueillais tout en gardant les vaches, en veillant à ce qu'elles ne les avalassent pas : elles auraient pu s'étouffer...
C'est ce jour-là aussi que se présentaient sur la place du marché, des "valets" potentiels, dont les maîtres s'étaient rendus sous des cieux plus cléments, ou rentrés dans leur éternité. Ils proposaient leurs services juste pour un gîte précaire, une maigre pitance, sans rétribution ni couverture sociale...
On voyait les marchands qui venaient de Massat, de Biert, pour l'habillement, la quincaillerie ; ceux de la vallée de Bethmale, avec leurs fromages réputés ; les rempailleurs, les gens du voyage dont le campement était proche excellaient dans la fabrication des paniers d'osier et dans la prédiction d'un avenir aussi surprenant qu'improbable.
Les hommes allaient au café, chez Courtade ; il fallait faire quelques courses, se rendre à la pharmacie, chez le médecin : le seul pour les deux vallées : toujours par monts et par vaux, sur sa moto.
C'était le jour où un mince filet de lien social se poursuivait ou se cassait car les haines sont tenaces et les règlements de comptes étalés sur la place publique étaient mémorables : combien d'hommes se sont roulés dans la boue, se rouant de coups de sabots tout en clamant leurs infortunes ! A cette époque nous n'avions ni radio, ni téléphone, une fois par semaine, ma mère recevait LA TERRE, le journal agricole du PCF, sur lequel j'ai appris à lire : on ne vendait pas de livres au marché, nous n'en aurions d'ailleurs pas acheté.
Les gens vaquaient à leurs affaires, échangeaient des nouvelles, s'observaient : ainsi on voyait les différents aspects de la vie : la prospérité, les disparitions ; on constatait les départs, les ravages de la maladie, de l'alcool, de la misère, les conséquences des drames personnels : tout s'écoulait comme le Garbet et le Salat, bouillonnant à ciel ouvert, au vu et au su de tous, aussi bien des voyeurs que des taiseux.
Les plus aisés se rendaient au marché de Saint-Girons, la sous-préfecture : sur le Champ de Mars se trouvait un important marché de bestiaux, on y voyait aussi déambuler, bien malgré eux, les cancres du lycée voisin, qui devaient s'afficher en arpentant le foirail, coiffés du bonnet d'âne, tandis que l'âne de mon voisin, têtu comme une bourrique rongeait son frein pour rentrer chez lui : il ne connaissait que le retour :il aurait volé tel Pégase ; à l'aller il fallait le faire transporter dans la remorque du car, ce qui faisait enrager son maître, au vu de la dépense.
Au marché de Saint-Girons se faisaient les placements de "bonnes à tout faire", bouches jugées inutiles, issues de familles nombreuses ; les plus chanceuses avaient gagné New -York. Elles n'avaient aucune sécurité de l'emploi, et n'étaient à l'abri d'aucune tuile.
C'est un jour de marché qu'à l'âge de trois ans, sans me prévenir, mes parents m'ont conduite chez FAURE, l'unique photographe de SAINT -GIRONS : comme on ne m'expliquait rien, au motif que les enfants ne comprennent rien et oublient tout, j'ai bramé tout du long, persuadée que l'on me conduisait à l'abattoir avec les petits veaux. La photo avait été faite à la demande de mon parrain de New-York, parti trois jours après mon baptême et que je  n'ai jamais connu.
Ces marchés reflétaient souvent, par leur fréquentation ou son contraire, l'état des maisons qui se vidaient, des vallées de montagne dépeuplées ; certains, au prix d'efforts surhumains maintenaient une certaine stabilité, tandis que la plupart allaient travailler ailleurs, qui à la journée, ou chez le maçon : on voyait ainsi des personnes prématurément usées, délabrées, désabusées, parties nulle part revenues de tout. 
Actuellement sur les marchés, il me semble que la clientèle ne sait plus faire un pas sans son portable, pour prendre une contenance, se donner des airs, ignorer son prochain : il y a soixante-dix ans, on ne faisait pas tant de façons et on se mettait tout autant en représentation, sans bourse délier et sans crainte des voleurs.

Marie-Christine
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Un peu déboussolée par mon arrivée dans ce nouveau quartier, je fais très vite connaissance avec la grande place bordée sur un côté par une église et son centre paroissial et sur les deux autres côtés latéraux de multiples boutiques plus ou moins modernes aux entrées souvent étroites mais ouvertes à tous vents. En face, le marché central populaire occupe un vaste espace carré, équivalent à un énorme pâté de maisons, trente-six mille m² m’a dit ma logeuse, un des plus anciens de la capitale. Presque invisibles dans leur partie basse, malgré leur couleur jaune citron, ses quatre façades sont truffées de nombreuses  petites boutiques en tout genre. Ouvertes sur l’extérieur, chaque pas de porte rivalise avec sa voisine pour exposer divers marchandises hétéroclites  accrochées les unes sur les autres au point qu’il faille pousser un peu les vêtements ou les objets pour entrer dans la boutique plus ou moins éclairée. Elles sont si serrées les unes contre les autres que croyant entrer dans le marché, j’ai pénétré dans un magasin un peu plus grand où abondaient les fruits et légumes, les paquets de biscuits  salés et les sodas, les petits paquets de charcuterie ou de fromage et où de nombreux clients circulaient.  Ce n’est qu’en atteignant le fond, que je me suis rendue compte de mon erreur. J’en suis bien vite ressortie.
Les trottoirs sont partiellement occupés par la marchandise qui déborde ou par de petits vendeurs ambulants, quelques-uns y posant leur étalage précaire le temps de quelques heures, d’autres déambulant en  proposant aux nombreux passants, quelques billets de loterie,  des colliers ou colifichets qu’ils portent autour du cou ou  des bras. Ce qui me surprend tout d’abord, c’est que tout ce manège se déroule dans le calme qui s’en être silencieux, n’en est pas pour le moins discret. Peu de vendeurs parlent haut même s’ils interpellent la clientèle. C’est plutôt sur un  ton amical qu’ils s’adressent aux ménagères : « Mamita, que je traduirai facilement par « petite madame »  tu cherches quelque chose… Veux-tu de mes belles herbes ou de tel ou tel produit. » Il s’en suit comme un bourdonnement d’une ruche sans cesse en activité.
A la recherche d’un passage, je  longe le bâtiment, tout en  suivant des yeux le va et vient incessant des  passants. Enfin, étranglée entre les casseroles en alu  et la vendeuse de boites d’anchois, je découvre une des entrées du marché à demi couvert, éclairé par la lumière du jour car le toit n’est pas du tout uniforme. C’est au contraire un grand nombre de plaques plastifiées et semi-arrondies au-dessus des travées étroites où circulent les clients et les vendeurs alors qu’au-dessus des places échoppes, je peux voir le ciel. Immédiatement m’assaillent les odeurs parfumées et parfois un peu agressives d’une multitude d’herbes que je ne connais pas. Tout en avançant dans la travée, je regarde les étalages. Là, un marchand de fruits et légumes. J’en connais certains comme les tomates ou les pêches mais elles sont nettement plus fermes et encore la mangue ou la chirimoya mais je croyais que le « pepino » se traduisait par « concombre ». Eh bien non !  Ici c’est un fruit sans noyau à la peau jaune pâle avec des rayures violettes. Sa chair est juteuse mais peu sucrée. Bien sûr se balançant sur divers crochets, les bananes. Il y en a de différentes tailles et espèces. De la naine à la chair légèrement rosée à la très grande à frire à la moyenne que nous connaissons. La couleur de leur peau peut varier du vert au brun en passant par le jaune. Et ici, on achète « une main » de bananes, c’est-à-dire cinq tandis que certains vendent les avocats au poids comme les œufs. Plus loin, sur les étals plus ou moins minuscules se vendent dans des petits sacs en plastique, des légumes déjà pelés et coupés en carrés, mélange de carottes, de navets, auxquels se mêlent petits pois, grains de maïs ou morceaux de betterave ou de chou. A côté de ces étals, des hommes ou des femmes sont assis les pelant, écossant ou coupant tout au long du jour. Plus loin, ce sont des vendeurs de jus de fruits ou de morceaux d’ananas ou de mangue. Tout peu s’acheter à l’unité voire par morceau. Bientôt j’arrive à l’allée des volaillers et à même la paillasse de carrelage, s’étalent les poulets entiers ou découpés. En face, un vendeur de pacotilles s’insère entre le droguiste ou le quincailler qui vend aussi des montres. Je poursuis ma visite jusqu’au fond du marché, à travers le secteur des viandes  de bœuf puis de poissons. Là, je m’arrête un instant pour demander les noms car pêchés dans les rivières ou l’océan Pacifique, ils me sont souvent inconnus comme la corvina ou la cojinova. J’y  suis surprise par le « bonite », petit thon de la taille d’une truite. Mais l’odeur forte qui s’en dégage me pousse vers l’autre extrémité.  J’y retrouve les fruits et légumes. Là s’étalent les différentes sortes de pommes de terre depuis la douce, jusqu’à la rouge ou la jaune. Il me faudra apprendre leur usage pour cuisiner à la péruvienne. Là ce sont des sacs de vrac ouverts offrant différentes céréales mais surtout je découvre le nombre d’échoppes qui cuisinent sur place et au bord desquelles, les clientes prennent leur repas, généralement un seul plat composé de mets locaux comme le « ceviche » fierté nationale fait de poisson cru mariné dans du citron vert accompagné d’oignons et de rondelles d’un piment semblable à la tomate par sa forme mais très piquant. Ce peut-être aussi une soupe de poulet accompagné de ses pommes de terre et légumes verts ou même des pâtes à la sauce verte (épinards + herbes) ou encore bien d’autres plats : la cuisine péruvienne est très riche et variée. Plus loin, j’aboutis dans le coin des herboristes en tout genre et aussi des couturières qui, pour quelques « soles », s’activent sur leur machine à coudre.
Le marché est pour moi un lieu qui fait  vibrer tous mes sens, véritable spectacle où je regarde vivre toute une population, dans un bourdonnement des voix, des accents,  stimulée par les odeurs souvent étranges qui me donnent envie de toucher, voire de goûter à des saveurs nouvelles.

Marie-Thérèse
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Des marchés : j’en ai connu plusieurs de l’aube à l’automne de ma vie. Si je devais parler des marchés de mon enfance il s’agirait de souligner le coté accompagnateur de ma petite personne. Oui en effet, je lui servais de bête de somme …Et ma mère considérait très certainement cet endroit d’échange et de négoce non comme un jardin paradisiaque où on peut faire des rencontres incroyables mais comme un lieu incontournable pour réaliser ses achats en un minimum de temps. Ce marché était une plate forme extraordinaire où étaient regroupés les légumes les plus verts et les fruits les plus pulpeux et veloutés. On y trouvait M. Rodriguez ou plutôt son clan car c’était une entreprise familiale florissante qui accordait plus de place à l’apport qualitatif qu’à l’aspect quantitatif. Si ma mère demandait un kilo, ou une livre : ce n’était pas 1 kilo 500. C’était au temps où les fruits avaient du gout et se conservaient dans des coupes à fruits. Ma mère effectuait ses achats chronologiquement en veillant à ne pas écraser tout ce qui pourrait paraître plus fragile. Elle équilibrait ainsi son caddie et l’aménageait en plaçant tout ce qui était lourd au fond de la dite poussette. Et il s’agissait pour moi de tirer, pousser, slalomer sans jamais la faire tomber. Un jeu d’enfant diriez-vous ? Puis nous allions chez M. Roviron : le fromager. Et voir toutes ces jattes de crème et de fromage frais à la louche, mottes de beurre, rondins, briques de chèvres, meule de comté champêtre au gout fruité et parts de vieux cantal et d’entre deux m’enchantait les pupilles et chatouillait agréablement mes papilles. M. Roviron n’hésitait pas à nous faire goûter une de ces nouveautés et c’est ainsi que j’ai découvert le Brie de Meaux et de Melun, ainsi que le Coulommiers.  Des fromages de mon coin entre Pays Beauceron et Briard. Il me faisait toujours de petits compliments sur mon sourire, mon calme et ma docilité. Il faut dire que beaucoup d’eau du canal de L’Ourcq, de la Seine et de la Marne ont coulées depuis. J’ai découvert ensuite les marchés parisiens beaucoup moins cocooning et peut-être plus anodins…Où les gens ne se connaissent point. Nul besoin de rougir comme une tomate devant l’étalage du marchand de légumes et ses Marmande ou le fruitier que l’on appellerait aussi « primeur » ou maraîcher dans le temps. Bio peut-être maintenant. On passerait plutôt incognito entre les allées des divers marchands occupés à vanter leur marchandise comme à la criée aux poissons à Rungis. Et dans cette ville dans la ville : j’y suis allée aussi et une impression de me noyer dans les diverses pavillons floraux, d’alimentation de gros et de semi gros. Le point central de l’import –export vers des destinations multiples en  France et en Navarre. Et pour revenir à Paris et ses marchés tous différents les uns et les autres : en Aligre, Belleville, Port Royal et la cité des Fleurs sur les ponts de PARIS, nous trouvons des atmosphères et des prix variant du simple au double. Entre les marchés couverts comme à Barcelone où se côtoient des merveilles d’étalage à la présentation haut en couleur et d’une originalité à toute épreuve, avec ses petits estaminets où on déguste les fruits de mer, et curieusement une spécialité délicieuse d’Europe centrale au paprika (Goulash, Borch et autres appellations… contrôlées bien sûr). Et se promener entre les multiples stands de bonbons multicolores, c’est alors un vrai supplice de tantale… On frôle l’indigestion rien que dans la contemplation de tous ces mets et friandises délicieuses. De retour aux abords de Paris, sur un marché ouvert aux quatre vents, entre quatre tours : le marché Frileuse porte bien son nom. Il y fait vraiment froid en hiver et un  vent glacial y circule au point de nous transformer en glaçon si nous y prenons garde. Il était bordé de nombreux cafés. Actuellement il reste la « Brasserie » où nombre d’habitués se pressent en terrasse. Les sièges ne restent pas longtemps vides. Pour un peu il faudrait presque réserver sa place. Il y règne une ambiance pratiquement familiale et amicale. Le rendez-vous du samedi midi. On y échange les nouvelles du jour, les  petits potins évidement, mais aussi on y évoque les derniers motifs d’hospitalisation et la rubrique nécrologique avec les personnes chères ou plus éloignées venant de disparaître.
Le marché draine une population colorée et diverses qui selon des rites bien établis viennent avant tout faire leurs achats selon le prix des produits proposés et leurs envies. C’est un marché d’habitués où à peu près tout le monde se connaît. On va chez « Hichem », ou chez « Ali », chez »Nono » ou encore « chez l’arabe »qui est égyptien  ou le portugais du coin.
On s’y retrouve et on échange souvenirs, bonnes adresses, rendez-vous et mots gentils. En gros : on colporte la bonne parole. On se retrouve devant nos stands préférés et on fuit la négativité en s’offrant un petit ou un café allongé ou un petit déjeuner au Libanais du coin. La vie est simple sous le ciel gris de ce début d’automne à Gentilly.  

Claudine
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Situé non loin de la bastille et tout proche de l’hôpital Saint-Antoine, le marché d’Aligre est très pittoresque. J’y allais fréquemment en sortant de garde pour y faire mon marché de fruits frais. Les étals étaient tous plus colorés les uns que les autres et si on sortait des halles on trouvait encore des fruits et légumes puis des fripes et toutes sortes de bricoles ; J’aimais ce marché où l’on pouvait discuter la quantité et le prix. Toujours très achalandé, on pouvait juste avoir envie de le visiter et se retrouver avec des mangues ou un ananas. Les gens s’y promenaient tranquillement pour le plaisir des yeux. De nombreuses doudous maliennes dans des boubous colorés y vendaient quelques fruits. J’y retrouvais parfois des femmes que j’avais accouchées qui se rappelaient de moi et m’offraient des citrons ou des  bananes plantain que je ne savais pas cuisiner. Le temps passait vite à déambuler entre les étals, j’aimais avoir le privilège de comparer quoique, comme au pays il fallait discuter. Les passants passaient de longs moments à parler entre eux avant même de commencer à faire leurs courses. Il y a bien longtemps que je n’ai plus eu l’occasion d’y aller, j’espère que l’esprit de ce marché n’a pas trop changé, ce serait regrettable.

Fabienne
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Tout remonte à mon enfance urbaine et provinciale où je découvris d’abord le « jardin ». C’était la guerre avec ses difficultés de ravitaillement et mon père, heureux d’en avoir trouvé un, le cultiva avec acharnement jusqu’à la fin du rationnement.
Pour moi, aller au jardin, devait être agréable, apaisant. On gagnait les faubourgs de notre ville, l’herbe et le soleil, des amitiés nouvelles, car dans cette zone où pavillons et jardins se mêlaient, s’échangeaient par-dessus les clôtures toutes sortes de biens : légumes et fruits de saison, objets devenus introuvables, comme des chaussures d’enfants, des vêtements, des tissus, mais aussi des nouvelles, des renseignements bons à prendre ;
J’ai encore le souvenir du retour dans notre petit appartement du quatrième étage sous les toits, avec nos trésors dans une poussette…les jours suivants, j’admirais les dernières tomates qui finissaient de mûrir, et me réjouissais déjà des bonnes confitures que maman allait en tirer.
Le jardin disparut avec la suppression des derniers tickets.
Autour de notre ville, s’étendaient les vastes maraîchages qui déversaient à présent des pyramides multicolores de fruits et légumes sur les étals des halles centrales. Les ménagères s’y pressaient dans une atmosphère joyeuse devant l’abondance retrouvée : cris, bonnes odeurs qui vous mettaient en appétit… Les produits carnés ne manquaient plus et plus d’un enfant se régalait de tranches de saucisson offertes gracieusement. Devant la salle des fêtes, les camelots qui derrière leur de lots aguichaient les curieux, mi- médusés mi- sceptiques. J’adorais leurs boniments et c’est souvent là que maman me retrouvait.
Plus à l’écart un important espace était réservé aux bancs de textiles : tissus vendus au mètre et vêtement « tout faits » avec les débuts de la confection. Ma mère s’était mise au tricot et à la couture et n’oubliait pas de parcourir ces allées.
Plus tard, à l’occasion de mes déplacements, j’ai connu d’autres marchés. C’est toujours un lieu d’échanges, plein de cris, d’odeurs, de couleurs. Un lieu où l’on peut prendre le pouls d’une population.
Je n’ai pas pu profiter des services réguliers du marché de Gentilly : ma vie professionnelle ne le permettait pas. Maintenant que j’ai tout mon temps, j’y fais volontiers un détour : la disparition de certains commerces de la ville m’y pousse parfois, ainsi que la fraîcheur des produits alimentaires, le charme des bancs de fleurs au gré des saisons, et enfin les rencontres fortuites que l’on peut y faire. Un petit retour aux sources, à la nature, à la vie simple de mon enfance.

Françoise

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