samedi 17 mars 2018

NEIGE ET GRANDS FROIDS

Les deux perce-neige
Sur l'épais sucre glace
Grelottent tout bas.

Violettes sur neige
Cœurs d'encre sur papier blanc
Les mots bleus fleurissent.

Le ciel cotonneux
Pose des gaufres de neige
Sur la grille d'égout.

Marie-Christine
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Je devais avoir 7 ou 8 ans quand ma marraine nous emmena ma sœur et moi dans les Vosges au mois de février. Pas pour faire du ski, juste pour profiter du bon air de la montagne. La neige était très abondante et nous ne nous écartions pas des routes afin de ne pas nous y enfoncer. Il faisait beau mais extrêmement froid, à cette époque on ne parlait pas de température ressentie. Un vent violent nous piquait les joues et pinçait le bout des doigts et des orteils pourtant bien couverts. Dans la chambre malgré le poêle, le froid pénétrait et comme l’air était humide de nos respirations, le matin nous nous réveillions avec un friselis de glace autour des vitres. Nous mettions plus de temps à sortir de sous les couettes moelleuses qu’à nous habiller. Ma marraine avait essayé de faire sécher nos petites culottes dans le grenier mais elles avaient gelé et craquaient comme un gâteau sec sous les doigts.  Je soufflais par-dessus mes gants pour tenter de me réchauffer le bout des doigts mais peine perdue. Cela ne nous empêchait pas de rigoler comme deux folles en fabricant un bonhomme de neige. Hormis le froid intense je garde un bon souvenir de ces vacances plus sympathiques que de rester à Paris.     

Fabienne
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Brrrr....."Qu'est-ce que ça caille par ici" s'écrit ma fifille en traversant le marché Frileuse qui porte bien son nom. Un bon vent glacé nous vient tout droit de Sibérie sans avoir été dévié par les anticyclones via la Scandinavie et il nous transperce de ses pics de part et d'autre. Bonnet, écharpe, gants, doudounes bien doublées avec du polaire et de la fausse fourrure sont les bienvenus... Sauf que fifille a voulu faire son élégante en revêtant son petit blouson printanier. Le froid l'a saisi jusqu'au plus profond de son être. Et voilà qu'elle jure comme une marchande de poisson :"ça pelle!"  "Oui. Oui. On avait compris. Alors met ta chapka, tes mitaines et ta peau de bête"... Je m'entends lui répondre. "Tu te bois un bon coup de schnaps ou de vodka à la mode Russia. Et hop : c'est reparti." Sauf qu'il y a un hic!! Elle ne boit pas une goutte d'alcool. "C'est pas ma faute à moi si le froid s'est trompé de pays et d'emplacement. Faut renvoyer toute cette neige sur la place Rouge". Le peuple soviétique avec ses moins trente en 1956 à Moscou, les Canadiens avec leur moins cinquante en Alaska, et surtout les Québécois se moqueraient bien de nous avec nos cinq à vingt centimètres de neige par endroit selon les banlieues et les régions montagneuses. En moto neige, en Troïka, avec leurs chasses neige et leurs brises glaces, ils auraient vite fait de se faire une grande place. Mais pas nous? Qu'en est-il réellement ?
La SNCF, la RATP, les services ferroviaires, le parc automobile patinent et se paralysent lors de chutes importantes de neige sur l’hexagone. Ils optent de rester au garage. Pendant ce temps : le peuple parisien piétine et se vautre à terre à la moindre plaque de verglas. Alors? Doit-on créer des stations sur la capitale ou dans d'autres grandes villes comme à Montpellier, à Ajaccio, à Colmar? On installerait des descentes et des remontées mécaniques avec création de stations ailleurs que dans les Vosges et dans les Alpes ? Ou encore du ski voile sur la neige recouvrant certaines plages en Normandie, en Corse ?
On craindrait au final une trop grande affluence de touristes plus habitués aux sports d'hiver venus faire de la bronzette dans les basses terres? Non! Non! Nulle commémoration. Alors dans tous les cas de figure : Autant sortir les chaussures de skis, les skates ou les patins à glace. On arrive bien à descendre les marches de la basilique du Sacré Cœur à Montmartre en rappel. Des skieurs amateurs et émérites se sont payés le luxe de skier en plein Paris. Vous avouerez que ce n'est pas anodin de slalomer entre les vignes ? Et les batailles de boules de neige en pleine rue se déclenchent. Ça nous change complètement le paysage !!! Ça nous fait apparaître notre ville plus propre et moins polluée par les gaz d'échappement des voitures circulant au gasoil. Même si les quais de la Seine vont très certainement retrouver leur trafic habituel. Et entre éclats de rire, cristaux de neige scintillant au soleil et poudreuse glissant sur les parkas : l'humeur du jour pour beaucoup de jeunes et de moins de jeunes est au beau fixe. On saisit au passage de jolies lumières dans les pupilles et les sourires du jour. Un manteau blanc recouvre ainsi les capots des voitures les rendant plus cocooning. Ca nous rappelle quelque peu les chalets en Savoie, à Chamonix, à Tigne, Courchevel et dans toutes les stations de skis huppées. Par chez nous, nous avons le droit à la gratuité. Et je peux vous assurer que les parisiens s'en sont donné à cœur joie. Et sans être chauvin ou chauvine : bien sûre qu'il est agréable de vouloir changer de cap et de s'offrir une croisière aux Caraïbes ? Mais ce n'est pas à la portée de toutes les bourses. Autant faire un petit détour en Champagne où les bulles pétillent et frétillent de plaisir dans leurs bouteilles de grands crus. Et dans ses campagnes crayeuses, la vigne est comme la tour Eiffel : elle a froid aux pieds. Tout à côté, voire dans le pays limitrophe de l'Aube, on trouve les Ardennes. On peut y rencontrer des loups à deux et quatre pattes... Eux non plus ne craignent pas les grands froids humides ou secs. La neige, le gel, le verglas, la glace ne les déconcertent pas. Les lièvres, les mulots, les sangliers, les hardes de biches et de cerfs, les chevreuil, les bouvreuils,  les grives et éperviers vaquent en paix loin des chasseurs aux aguets et de la saison de la chasse. Alors « tombe la neige », pourrait nous chanter M. Adamo. Elle nous fera un blanc manteau. 

Claudine
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Depuis plusieurs jours déjà, je sentais comme des frissons  me parcourir  le dos et comme disait ma voisine, cela annonçait la neige. Mais je ne croyais pas trop à ces prédictions. Pourtant ce matin quand j’ouvris mes volets sur un ciel bouché, j’eus la surprise de voir quelques minuscules  flocons flottant dans l’air,  tels  de petits papillons blancs virevoltant.
 Accoudée à la fenêtre malgré le froid qui me saisissait, je les regardais disparaitre bien vite en touchant le sol devenu mouillé. Mais ce ballet silencieux et éthéré ne dura que quelques instants.  Bientôt ce qui n’était que léger et aérien  se transforma en un rideau ajourée de flocons tombant rapides et drus. A leur contact, le sol déjà blanchissait se couvrant d’un mince manteau immaculé. Dans le jardin d’en face, le sapin étirait ses branches pour mieux se vêtir de son  habit hivernal. J’étais fascinée par la neige qui le  ouatait petit à petit. Tout maigrichon  qu’il était, il devenait majestueux dans ce décor encore vierge.  Ce spectacle magique m’envoûtait mais un frisson m’enjoignit de refermer rapidement la  fenêtre.  Je me rappelais alors que je devais partir au travail et je n’avais ni vu ni entendu  passer de bus
Quand enfin fin prête, chaussée de bottes à la semelle anti-glisse,  je mis le nez dehors, j’aperçus un bus qui redémarrait de l’autre côté du jardin. Peine perdue, ce n’était pas celui-là que je pourrai prendre ! D’ailleurs, il n’était pas question pour moi de courir. Je le voyais filer à  allure réduite pourtant. Et tout en continuant à marcher en le suivant du regard,  j’en oubliais le trottoir, caché sous l’épaisseur de la neige. Je ratais le rebord et Plouf ! Je m’étalais de tout mon long. J’entendis alors de grands éclats de rire. C’étaient ceux d’enfants qui se rendaient à l’école toute proche. Déjà certains, se lançaient dans une bataille de boules. Je me relevais aussi vite que je pus quand très gentiment, l’un d’eux me demanda : « Tu t’es fait mal,  madame ? » Je lui répondis par la négative. Encore sous le choc, je n’avais rien senti mais en remontant chez moi, pour me changer, j’éprouvai  une douleur intense à la cheville. Je m’étais méchamment tordu le pied. Il ne me restait plus qu’à téléphoner au bureau. Je n’irai pas travailler ce jour-là. Je m’installais alors près de la fenêtre pour admirer le paysage qui se transformait peu à peu.  J’aime la beauté que la neige donne à la nature mais je la redoute quand il faut sortir à l’extérieur.
J’aperçus alors  les gamins qui, dans la cour de l’immeuble, commençaient déjà à faire un bonhomme. Comme un brusque retour en arrière, resurgissaient à ma mémoire, les bons moments que  nous avions passé un certain hiver. Je revoyais  mes petites-filles dans leur jardin en dressant un, énorme, chacune voulant l’habiller, qui d’une casserole, qui d’un vieux chapeau ou tout autre oripeau qu’elles dénichaient en riant très fort. Je me souvenais aussi de ce mois de janvier 1987 où devant descendre ne province en voiture, je me trouvais bien incapable de conduire sur une route verglacée et enneigée. Je dus faire appel à un ami complaisant plus expert que moi. Il  voulut bien emmener à destination notre petite famille. Et plus loin encore, me trottait soudain dans la tête quelques bribes d’un  poème  de Jean Richepin que nous récitions à l’école : 
« Toute blanche dans la nuit brune
La neige tombe en voletant,…
Qui donc là-haut plume la lune ?
Ô frais duvet ! flocons flottants !...»
Mais depuis,  bien des saisons se sont écoulé. Immanquablement, l’hiver arrive avec son cortège de froid. Dès qu’il s’intensifie, chacun de   se demander : «  Neigera-t-il cette année ? »

Marie-Thérèse
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Chassé-croisé d’hiver

Voitures englouties dans la neige
Montant aux stations

Premiers perce-neige
Trouant la neige de février
Hérauts du printemps

Se jeter dans la neige
Bras en croix, yeux dans l’azur
Vive notre étoile

Tout début d’été
Fier de moi car né au soleil
D’un reste de névé

Grand froid sur la terre
Partout règnent glaces et frimas
Gare au brusque dégel

Françoise
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La météo avait prévenu, elle avait même été très précise et pourtant, à chaque fois nous sommes surpris de l'arrivée de la neige. Et cette fois il en est tombé un fameux paquet !
Les premiers flocons ont commencé à tomber le mardi après-midi, pour ne cesser qu'au petit matin du mercredi, en se se levant on découvrait donc un spectacle grandiose vu la quantité tombée. Certes, nous avons déjà connu par le passé de gros épisodes neigeux, je me souviens de janvier-février 1985, de janvier-février 1986,  en région parisienne on commençait à songer sérieusement à s'équiper pour les années qui suivraient.
On nous parle à présent de 2005 comme année de référence mais la neige n'a toutefois pas été si abondante cette année-là, sans doute que le froid lui, a été aussi intense. Car nous avons tout eu à la fois, la neige et le très grand froid auquel nous ne sommes pas trop habitués non plus.
Notre première impression en voyant ce décor blanc à l'infini est que c'est beau, c'est pur, c'est propre. Cette neige a tout recouvert, tout enseveli, il n'y a plus aucune différence entre les voitures en stationnement sous nos fenêtres, elles sont toutes blanches et  identiques. Il n'y a plus de couleurs dans le paysage, plus de toits aux tuiles rouges, plus de pelouses vertes, tout est uniformément blanc. Même les arbres dénudés se retrouvent parés de blanc jusqu'au bout de la moindre branchette, on se demande même comment cette couche de neige peut y tenir dans le sens de la hauteur. Et toute cette blancheur projette une sorte de luminosité à l'intérieur des pièces alors que le ciel est pourtant oppressant, que le jour n'arrive pas à  s'y imposer. Il règne un calme inhabituel, la vie semble s'être arrêtée.
Il faut pourtant continuer à vivre, on s'équipe donc en conséquence, on chausse les après-skis quand on en en a, il s'agit de rester debout. Les gardiens d'immeubles se sont armés de pelles et dégagent un chemin pour faciliter la circulation des piétons, les engins passent et repassent dans les rues, tout le monde s'active, on sale, on sable les routes et les trottoirs, les allées et les marches.
Hélas, toute cette  blancheur se transformera vite en gadoue sous l'effet des différents traitements appliqués et du redoux qui suivra. La température est tout de même encore très froide, des stalactites se sont formées à la rampe de mon balcon, telles des suspensions longues et transparentes accrochées dans un sapin de Noël, la nature est parfois bien belle.
Ce fut donc un beau spectacle pour les yeux mais que de problèmes engendrés par ce caprice de la météo alors que nous approchions de la fin de l'hiver et qu'on voulait y croire. Les bus ne circulaient plus, je ne comprends pas bien pourquoi d'ailleurs, les rues étaient pourtant dégagées, les voitures elles en tout cas avaient repris leur activité. Même notre atelier d'écriture s'est arrêté et donc là je dis stop, il faut que ça cesse, vite, que le printemps et la chaleur nous reviennent enfin.

Paulette
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Isolée dans son hameau montagnard, Félicie, au cœur de l'hiver ne pouvait descendre vers l'ubac et se rendre sur l'adret d'en face, faute de voies praticables, pour aller à l'école qui d'ailleurs était fermée durant les intempéries : la neige pouvait dépasser un mètre. L'institutrice ne pouvait parcourir vingt kilomètres en moto par des chemins non déneigés, au péril de sa vie, pour faire étudier à ses élèves la retraite de Russie, la défaite de la Bérésina et son infini linceul de neige.
Félicie se contentait d'observer les idéogrammes des pattes d'oiseaux sur la poudreuse, depuis sa fenêtre, puis, un jour de désespoir, elle faillit se jeter dans un congère, ne parvenant pas à évacuer le chagrin lié à la mort de son petit frère, en 1956, quand, même les arbres fruitiers gelèrent...
Plus tard vint dans les années soixante-dix la vogue de la station de Guzet Neige qui attirait les skieurs toulousains, améliorait l'ordinaire des saisonniers. L'or blanc est une valeur commerciale mais aussi sportive : elle peut nous rapporter des médailles d'or ! Pourtant des skieurs amateurs payent de leur vie leur imprudence : la neige est magique, mais aussi une magicienne maléfique.
Durant sa vie professionnelle, en région parisienne, Félicie, tributaire des transports en commun, connut l'expérience de l'autoroute rapidement impraticable, vit des véhicules abandonnés, des usagers en détresse ; elle-même, sur le chemin du retour, à seize heures trente dut se rendre à pied à Longjumeau, le car étant resté au dépôt ; elle chemina le long des bas-côtés non aménagés ; trempée, glacée, elle parvint à la gare vers une heure trente, se releva à quatre heures pour aller surveiller quelques élèves du village, sinon, les transports scolaires étant suspendus par l'Inspection académique. Une autre fois, elle chuta dans le grand escalier extérieur de la gare de Massy : le car de Monthléry ne passa pas .Elle se rendit chez son médecin pour obtenir un certificat médical puis chuta de nouveau dans sa rue sur une plaque de glace ; ça suffisait pour ce jour-là.
Ces jours derniers, le jardin de la copropriété avait revêtu son ample manteau immaculé, ensevelissant une touffe épanouie de perce-neige grelottants, tandis qu'au centre deux garçonnets façonnaient un bonhomme de neige ornementé, en guise d'appendice nasal, d'une carotte aussi longue que le nez de Pinocchio. Pendant ce temps-là, côté rue, Félicie déneige le trottoir de l'immeuble pour des raisons de sécurité.

Marie-Christine

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