samedi 17 novembre 2018

AU GRENIER

De la cave au grenier, c'est le grand chambardement. Et du grenier au vide-grenier, en passant par la trappe et les escaliers pour arriver à l'étal, c'est un déménagement. Tout s'achète et tout se vend. Branle-bas de combat. Tout est prêt : les établis et les casiers en plastique. Les housses et les boîtes à chaussures. Les sacs Tati et Ikéa. On charge sur le diable et on sangle avec les tendeurs, ou on entasse dans le coffre de la voiture...L'affaire est dans le sac. Foire au troc ou galerie farfouille, tout en vrac ou rangé scrupuleusement...Il y a de tout dans ces monceaux d'objets hétéroclites : des vêtements pour nouveau-né, ou de 7 à 77 ans à toute la panoplie de produits de puériculture et jeux d'enfants à tous les prix destinés aux familles jusqu'au déambulateur de papy qui est parti au paradis...Même une paire de cannes anglaises. On voit de tout. Tout se côtoie, se voisine et s’accoquine. On y rencontre les copines, les relations, les amis d'un jour et de demain. La foule s'empare de nous, et chanter "la foule " d'Edith Piaf serait de bonne guerre. Une chatte n'y retrouverait pas ses petits. Ça s'affaire. Ça retourne tout! Ça déplie et ça ne range pas. On cherche la bonne affaire. Ça veut tout gratuit. Des fois qu'on s'imagine que ça pourrait rapporter gros? Un vrai négoce. Que ce serait remboursé par la sécurité sociale par exemple?... On en arrive à se crêper le chignon ou à s'arrache les cheveux...suivant si on se trouve devant, derrière l'établi ou sur les côtés... On peut se faire un sang d'encre quand on n'arrive pas à tomber d'accord sur le prix ou qu'il y a foule au stand : difficile alors de faire son choix en toute bonne foi. Bousculé, chahuté, interpellé, sermonné, mis de côté... Parfois la foire au troc se transforme en foire d'empoigne. Les petits prix attirent les convoitises. Et la loi de la concurrence joue allègrement dans la balance. Les prix flambent ou font le yo-yo. Il y a les hésitants et ceux qui ont trop confiance en leur pouvoir de séduction : ils veulent systématiquement faire baisser les prix. Il y a ceux qui gonflent et haussent les prix. Il existe des acheteurs malhonnêtes qui mine de rien en mettent plus dans leurs cabas et leurs caddies sans passer à la caisse.
Il existe aussi d'autres arnaqueurs qui vous roulent dans la farine en vous assurant qu'ils ont payé alors qu'il n'en est rien. Mais ils et elles possèdent de tels dons d'acteurs pour déclencher un scandale. Sous pression, vous vous sentez obligé de céder ! C'est quand même fort de café. Dubitatif, « vénère » ou simplement horripilé : vous lâcher l'affaire! La loi de la malhonnêteté et de l’esbroufe aurait-elle encore pris le dessus? C'est l'heure de la pause-café. Si vous faites votre petit frichti en famille, vous pouvez chacun votre tour en encore ensemble vous accorder une pause et poser vos yeux, vos oreilles ailleurs où j'y suis afin de prendre du bon temps et un repos salvateur. Oui, loin de la foule, des cris, des trépignements, du stress et de l'indélicatesse qui vous mettent sur les genoux. Faire le vide-grenier demande parfois à faire le vide en soi sitôt fini. Mais il ne faut pas voir la vie en noir :  y’a des gens totalement charmants avec qui vous pouvez créer des liens d'amitié, des personnes qui reviennent tous les ans et qui s'avèrent d'une fiabilité et d'une belle honnêteté.
Et partir tout ragaillardi d'un petit coin de paradis donne du cœur à l'ouvrage, vous pouvez faire de belles économies ou vous faire un petit pécule avec le trop plein de vos armoires tout en faisant des heureux à des prix cassés, sacrifiés. Mieux que les soldes, soldeurs et remises de prix à l'année. On a tout et son contraire. Certains articles peuvent dépasser la dizaine d'euros et même plus... Certains mauvais commerçants trop gourmands qui n'acceptent pas de céder leurs marchandises  sans tirer une bonne marge de leur vente risquent la mévente. Ils peuvent garder leur barda. Faire chou blanc peut arriver. Tous ces particuliers, professionnels des brocantes ou autres riverains, autochtones sont tributaires de la météo et des caprices de la clientèle. Certains articles sont plus en vogue que d'autres et d'autres qui pourraient être considérés comme démodés deviennent  vintage. Je voudrais évoquer le « Tout à 1 franc » : c’est si loin depuis le passage à l’euro. Le pauvre franc a fait place à quelques centimes d’euros au plus bas prix bradé ! Et quand l’article ne trouve pas preneur car pas assez design ou de mauvaise qualité, en mauvais état, mal présenté : il peut être déclassé, oublié, zappé, et abandonné sur place à la fin de la journée.
Autre déception quand le temps est au vent ou à la pluie. Pas vraiment facile de visionner les bonnes affaires sous les bâches et les parapluies. Même les pom-pom girls, les marionnettes, les clowns et autres personnages montés sur échasse doivent réfléchir à deux fois pour ne pas mettre leurs ballerines dans les flaques d'eau. Alors devant un thé ou un café bien chaud dans une bouteille thermos, on reprend vite du poil de la bête au premier rayon de soleil venu et on repart avec son caddie, sa poussette, sa voiture, pour les vendeurs nettement moins plein qu'au départ et pour les acheteurs, souvent plein à ras bord quand les finances sont au rendez vous. Mais le fait de changer d'air et de sortir de ses petites habitudes est déjà un bienfait pour le moral. Ne dit-on pas que la marche à pied est un sport complet?

Claudine
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Elle avait gravi les marches qui menaient au grenier, les mains pleines de livres qu’elle souhaitait y déposer. Comme toujours c’est avec nostalgie qu’elle fit le tour de la pièce du regard. Elle ne se rappelait pas exactement où se trouvait chaque chose, mais elle savait ce qui était entreposé. Là par exemple, dans cette grande boite, toutes les chaussures de son fils, des chaussons de berceau jusqu’aux sandalettes d’été de ses trois ans. Dans leur ancien appartement, elle les avait bien cirées puis clouées autour du mur de sa chambre, comme une frise. Elle ouvrit la boite et se remémora en soupirant l’adorable frimousse de son petit garçon qui avait maintenant plus de 30 ans. Juste à côté il y avait ses peluches et celles de sa sœur, elle ne se résolvait pas à s’en séparer. Sa fille étant asthmatique, et sur les conseils du pédiatre, il n’y avait pas de rideau aux fenêtres de sa chambre, pas de moquette au sol, pas de couette ni d’oreiller en plume, elle passait au congélateur toutes les semaines les peluches puis avec l’aspirateur absorbait tous les acariens congelés. Evidemment leur chat Othello ne pouvait subir le même sort, et se séparer de lui était impensable d’autant plus que sa fille risquait de graves crises si son chat n’était plus à la maison. Nous faisions en tout cas attention à ce qu’il rentre le moins possible dans sa chambre.
De l’autre côté du mur deux grands cartons à dessins dans lesquels étaient entreposées les œuvres de ses deux enfants, de la crèche jusqu’en primaire. Là aussi pas besoin de faire un choix dans les dessins puisque le grenier était grand et pouvait tout recevoir. Elle contemplait avec beaucoup d’émotion les empreintes de pied ou de main sur des galettes de plâtre, les colliers de coquillettes, le bougeoir émaillé bleu pétant et les tableaux fabriqués pour la fête des mères. Plus loin il y avait des bacs plastiques pleins de légos déjà construits au milieu de pièces à construire, son fils était fan de légos et ça se voyait ! Dans cet ancien placard de cuisine elle entassait leurs livres, de pomme d’api à astrapi, puis les volumes de la bibliothèque verte. Près de ce meuble, elle redécouvrit les beaux livres qu’elle avait reçus en primaire et se rappela qu’avec sa copine Sylvie, elles étaient toujours l’une ou l’autre prix d’honneur ou prix d’excellence, d’ailleurs l’étiquette appliquée sur la page intérieure du volume le confirmait. Il y avait aussi des prix de camaraderie et étrangement un prix de chant …. Alors qu’à cette époque et jusqu’à maintenant on lui disait qu’elle chantait comme une casserole. Le temps passait vite dans le grenier, aussi après un rapide coup d’œil aux poupées de sa fille empilées dans le lit de poupée et avant qu’une grosse vague d’émotions  ne la submerge, elle redescendit les marches du grenier tout en se posant la question de savoir ce qu’elle ferait si un jour elle devait quitter la maison.   

Fabienne
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Le grenier ! C’était une pièce assez grande toujours plongée dans l’obscurité malgré son  œil de bœuf  qui ne l’éclairait guère tant il était couvert de poussière à l’extérieur.  Son plafond aux poutres énormes allait en déclinant, suivant le toit pentu. Il laissait  voir la face intérieure des tuiles à travers  de nombreux interstices où quelques herbes folles osaient s’infiltrer, balançant tels des serpentins, leur frêle tige dans l’air. C’était le domaine des araignées et des souriceaux. Parfois aussi celui de quelques chauves-souris  qui venaient se pendre sur la poutre maitresse et même celui d’une jeune hirondelle égarée qui avait franchi par mégarde un trou étroit  de la muraille érodée par le temps. Une cloison de planches grossières séparait en deux ce grenier sur les trois quarts de son plancher, laissant une ouverture béante pour atteindre  le fond.
 De plain-pied sur le dernier étage, il eut été tentant d’aller y fureter mais  la porte d’entrée s’ornait d’une grosse serrure de fer qui avec le temps s’était bruni. La clé de belle taille,  à l’ancienne, ne l’ouvrait  qu’en certaines circonstances.  Aller au grenier, nous  était défendu ! Une folle curiosité aiguisée par l’attente, s’emparait de nous ces jours-là. :. le dimanche précédant Noel, la veille du Mardi-Gras, ou du 14 juillet celle de l’anniversaire des parents…
Notre mère munie d’une grosse lampe tempête, pénétrait la première dans cette antre mystérieuse et nous la suivions, Elle se dirigeait alors vers une de ces vieilles malles de cuir qui contenait les accessoires nécessaires à la fête, costumes et déguisements, masques et coiffes, vieux vêtements devenus inutiles qui s’ajusteraient pour nous transformer. Avant d’entrer, elle nous recommander toujours de ne rien toucher. Pourtant, telles des abeilles, nous butinions dans ce bric-à-brac poussiéreux qui s’entassait de toute part dans un ordre très relatif, jouant, tâtant à la dérobée, ces objets hors d’usage, pied de lampe, fauteuil bancal, chaise trouée sans paille, arrosoir percé, petit cheval à bascule délavé mais on y trouvait aussi les meubles de jardin que l’on sortirait pour l’été, le barbecue, la tente de camping  etc …
Un jour, Mireille, croyant voir un kaléidoscope, fut  attirée par les éclats fugaces que lançait la lampe torche sur une dame-jeanne en verre. Pour mieux s’en approcher, elle posa la main sur une étagère branlante la faisant grincer, ce qui dérangea une roussette qui  se réveilla et se mit à voler autour elle. Apeurée, Mireille hurla, se déséquilibra et tomba au milieu de cet amas hétéroclite, entrainant dans sa chute maints objets.  il s’en suivit une suite de bruits sourds ou métalliques, de tintements, de crissements  et de craquements. Piteuse, la larme à l’œil et reniflant à moitié, elle se releva craignant le courroux de notre mère. Celle-ci arrêta immédiatement ses recherches, remit les affaires déjà sélectionnées, dans la malle, en  claqua le couvercle. Sans rien emporter, d’un mot,  elle nous enjoignit de sortir puis referma soigneusement la porte. Elle ne se fâcha pas mais ce fut  un  triste Mardi-Gras sans déguisement !

Marie-Thérèse
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LE GRENIER DE LA MAISON
Denise, âgée de quatre ans, avait toujours un creux. Elle savait que les saucissons étaient enfermés dans une caisse, au grenier et conservés dans la cendre de bois, une fois bien secs.
La petite emprunta l'escalier plongé dans l'obscurité, ne parvint pas à ouvrir le coffre, rebroussa chemin, dégringola toutes les marches, en bramant tout son saoul, fut réceptionnée par sa mère, qui courut prendre de l'eau dans le seau, pour la frictionner. Elle avait eu plus de peur que de mal.

LE GRENIER DE L'ECOLE.
En Octobre 1955, eut lieu la première rentrée des classes de Denise, dans une école de montagne qui ne comptait plus que trois élèves, au moment de la fermeture.
Tandis que la maîtresse s'occupait des deux autres condisciples, elle demanda à Denise, qui avait reçu d'un voisin, pour tout matériel un crayon bleu à la mine grise, de dessiner une hirondelle.
La fillette avait bien vu le va- et- vient de ces oiseaux ravitaillant à tire d'aile, vers les granges, les couvées résidant dans les nids de boue et de paille, solidement ouvragés.  
En automne, les hirondelles étaient parties vers d'autres cieux. Denise empâtait les ailes des volatiles, ce qui n'était ni aérodynamique ni esthétique. La maîtresse fulminait si bien qu'elle l'accompagna au grenier de l'école. Les sabots de bois de l'enfant claquaient sur les marches, elle allait vers l'inconnu, y passa toute la journée, sans boire ni manger, sans aller aux toilettes. Elle ne vit pas de rats, comme promis, mais des fagots de brindilles que les élèves allaient chercher dans le bois voisin pendant la récréation, pour alimenter le vieux poêle Godin qui dégageait du monoxyde de carbone : les enfants furent sauvés de justesse par le facteur qui les trouva engourdis.
Denise dessina toute la journée ; elle ne sait toujours pas dessiner correctement les hirondelles.

LE GRENIER DE L'IMMEUBLE
Beaucoup plus tard, en 1982, Denise acquit fort laborieusement un logement. Un copropriétaire indélicat voulut s'approprier la totalité du grenier communautaire, le bourrant d'encombrants et de jerricans d'essence jusqu'au ras des tuiles, si bien que les affaires de Denise étaient ensevelies sous les siennes. Force fut de lui faire dégager son capharnaüm en saisissant la Justice.
Denise exigea de récupérer la cantine vert sombre contenant tous les jouets de sa fille, ainsi que la tenue complète de son baptême. Le grenier une fois débarrassé, le voisin qui avait de mauvaises intentions, de guerre lasse, mit son bien en vente

Marie-Christine
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Dimanche nous serons le 2 octobre et ce sera le jour de la traditionnelle Foire au Troc. Cette petite fête locale est l'occasion de donner une seconde vie à des objets dont on n'a plus l'utilité, c'est aussi le moyen de se faire un peu d'argent en essayant de les proposer à la vente.
En début de semaine Martine a effectué les démarches nécessaires auprès des services municipaux, et un emplacement sur la Place du marché lui a été attribué.
Il s'agit à présent pour elle de faire du tri, en jetant ce qui aurait du l'être depuis longtemps déjà, et en recensant tout ce qui serait susceptible d'intéresser  d'éventuels acheteurs.
Martine s'organise donc et pense que le plus logique est de commencer par le grenier, afin d'y faire l'inventaire de tout ce qui y a été remisé au fil des années. Il en est ainsi quand on veut tout conserver, en se disant «on ne sait jamais, un jour je peux encore en avoir besoin...».
La pièce est assez exiguë et basse de plafond, peu lumineuse aussi, une simple lucarne l'éclaire car on ne s'est jamais posé la question d'y faire installer l'électricité. Heureusement aujourd'hui le ciel est bien clair, le soleil brille, aussi Martine se met-elle au travail sans plus tarder car les jours ont quand même déjà bien diminué et l'ouvrage ne lui manquera pas. Elle espère seulement que dimanche prochain le temps sera tout aussi clément, habituellement c'est loin d'être le cas.
Elle découvre des piles de cartons et les bras lui en tombent, avant même d'avoir commencé sa besogne. Mais il n'est plus temps de reculer, tout est prévu, il faut maintenant aller jusqu'au bout de la démarche. Elle ouvre donc le premier pour en analyser le contenu et y découvre un tas de choses dont elle avait oublié jusqu'à l'existence, elles lui rappellent tant de souvenirs, chaque objet a sa propre histoire. Des couteaux Laguiole, ainsi que les fourchettes et les cuillères assorties sont rangés là, c'est si loin, un cadeau reçu suite à un achat par correspondance se souvient-elle. Enfin, Laguiole... c'est ce qui est écrit dessus, l'abeille est bien présente sur les manches mais il ne s'agit certainement pas de couverts de cette facture, elle n'en tirera que quelques euros tout au plus.
A côté se trouve une yaourtière, qu’elle est vieille... Elle se rappelle l'avoir offerte à sa mère il y a bien longtemps, ceci explique peut-être qu'elle l'ait ainsi conservée. Elle-même a cessé de faire ses yaourts depuis un bon nombre d'années mais cet appareil fonctionne toujours et il s'agit à présent de s'en défaire, c'est bien pour cette raison qu’elle est dans ce grenier.
L'heure tourne, Martine a fini son inventaire et a rassemblé tout ce qui lui semble encore digne d'intérêt. Il n'est plus temps de s'attendrir, le but cette fois était bien de retrouver un peu de place dans cette pièce car, sans nul doute, d'autres objets viendront de nouveau s'entasser ici dans les mois à venir.
Ainsi, les greniers sont de véritables sanctuaires qui participent jour après jour à la vie de leurs occupants, en assurant la bonne conservation de tous leurs trésors oubliés.

 Paulette

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