lundi 3 décembre 2018

D’APRÈS QUELQUES PHOTOS DE SEBASTIAO SALGADO

Nous sommes en Afrique, probablement chez les Bantous, au mode de vie ancestral, pratiquant l'élevage traditionnel de bovidés, nécessaires pour le lait, le cuir, la viande. Hommes et bêtes se déplacent sur de grands espaces : ici la terre est aussi désertique que le ciel, les arbres sont aussi desséchés que les cornes des animaux. Ces bêtes sont maigres, celle qui conduit le troupeau porte au cou une corde, une clarine, ses cornes sont ornementées de pompons. Les bêtes sont convoyées par deux hommes, un adolescent et un garçonnet nu : l'existence est rude tout au long de la piste poussiéreuse : il est vital de trouver de la nourriture et un point d'eau.

M.-C.

Non : ce n’est pas un auroch  en descendance directe du Zèbu, ni  Watussi,  encore moins Nagpuri. L’Agigar est une vache blanche d’Ethiopie et du Soudan du Sud en Afrique de l’Est.  Les Ethiopiens sont des éleveurs de vaches laitières. Elles sont peu productives : 4 à 5 litres par jour. Rien à voir avec les 30 litres journaliers de la Holstein. Même leur viande, leurs cornes et leur peau peut être utilisées à des fins  utilitaires : alimentaires, vestimentaires, artisanales et comme objet de commerce au quotidien ou à l’occasion de fêtes traditionnelles et lors de grands évènements. Mais la plupart du temps, ce sont des bêtes de somme  qui remplacent la charrue et aident dans les travaux des champs pour extirper les racines des arbres  morts d’un sol desséché  dû au manque de ce précieux carburant naturel : l’eau.   

Cl.
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Après une longue marche, ces deux anciens se sont assis tranquillement dans le champ, chacun derrière son rouleau de paille. Se protégeant du soleil brûlant, casquette ou béret sur la tête, s’appuyant sur leur canne, ils devisent joyeusement, s’écoutant tour à tour, se rappelant les bons souvenirs d’antan .Dans l’entêtante odeur des blés fraîchement coupés, ils respirent la joie de vivre au grand air et la sérénité tandis qu’au-dessus, grimpées sur les ballots, jambes pendantes, ces dames en font autant….  Vie simple et heureuse. Un bon moment partagé !   

M.-T.


Que dire de ces charmants papis bien français  ou italiens : qui sait ? Ils s’accordent un repos parfait adossés à des bottes de foin roulés en boule par la moissonneuse batteuse. Ne manque que le saucisson, la baguette de pain et la bouteille de vin.

Cl.

En Amérique latine, deux paysans à la tenue soignée, munis d'une canne, sont assis à l'ombre de deux immenses rouleaux de foin, récoltés par leurs soins : ils ont l'âge de la retraite, mais quelle retraite et quel avenir dans un pays où les paysans sont expropriés, chassés par les promoteurs et les divers requins de la finance, pour une bouchée de pain ? On voit les pieds d'une femme, juchée sur un rouleau : sa place est à la maison, non à l'extérieur : que va-t-elle devenir si l'exploitation agricole disparaît ? Les deux hommes sont préoccupés.

M.-C.
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La marche des éléphants,
A travers la plaine, marchent les éléphants
En une file indienne, de leur long pas pesant
Ils avancent  tranquilles, derrière le dominant
Car ils le savent bien depuis la nuit  des temps
Lui seul  les conduira vers la source de vie.
Le point d’eau,
Où ils se désaltèrent,  se lavent
Et prennent du repos.
La plaine est immense et le troupeau,  sans fin,
Image des humains qui suivent leur chemin,
Dans la paix ou la guerre
Pour la possession des lacs, des rivières,
Voire des puits 
car sans eau,
Point de vie !

M.-T.

Mais où va donc cette longue et lente procession d’éléphants ? Conduisent-ils leur aïeul vers sa dernière demeure, le cimetière des éléphants ? Sont-ils tous à la recherche d’eau pour étancher leur soif ? S’agit-il d’une famille entière au sens élargi ? Ils ont apparemment tous leurs défenses, mais je n’arrive pas à reconnaître grâce à leurs oreilles si ce sont des éléphants d’Afrique ou bien d’Asie.

F.

En Afrique, dans une région semi désertique du sud du Sahara, à la queue leu leu, une horde d'éléphants, parcourant la savane, va boire. L'herbe est rare, pas d'arbres en vue, pas de pluie annoncée, ils avancent sous un ciel moutonneux, sur une terre aride ; l'avancée du désert, les safaris menacent leur survie, les éprouvent cruellement.

M.-C.


Éléphants d’Asie, éléphants d’Afrique : même combat. Ce grand pachyderme vivant en hardes et en bandes bien organisées possède un sens de la famille bien ordonné. Avec sa trompe sonore et ses pattes alertes mais silencieuses, elle est menée par un patriarche à la mémoire  sans faille vers un point d’eau où, sous un arbre, mangues, argans, fruits rares et précieux complèteront leur alimentation faite principalement de végétation. Malheureusement malgré les efforts des brigades répressives anti-malveillance, au prix d’innombrables veilles et battues à travers la savane, le braconnage et la vente de ce précieux or blanc à prix d’or -l’ivoire - a toujours lieu. Ses commanditaires sont de riches mafieux asiatiques qui utilisent les défenses et la corne des derniers rhinocéros gris, le dernier mâle blanc ayant disparu, pour les médecines traditionnelles et comme aphrodisiaque pour des hommes se voulant virils et performants qu’importe le temps qui passe inexorablement.

Cl. 
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Deux ouvriers, s'activant dans une zone dangereuse, enfoncent un trépan dans le cadre de l'exploitation pétrolière, à marée basse, au Vénézuela ou au Brésil : en effet les fonds sous-marins recèlent les plus grandes richesses pétrolifères du monde. L'équipement des deux hommes est incomplet et peu étanche : ni masque, ni combinaison intégrale. Ils sont englués par le pétrole brut, mazoutés comme les mouettes lors des naufrages des pétroliers. Les vagues de la mer ne vont pas laver cette pollution mais la faune et la flore marines seront détruites. L'odeur se dégageant de la masse visqueuse est irrespirable. À l'arrière-plan le ciel se couvre, l'orage menace ; dans les lointains on voit un incendie ou les torchères d'un derrick déjà installé.
Ces hommes inconnus des magnats du pétrole, sont seuls face à leur destin : celui du premier rang a un regard las dubitatif, ses mains expriment l'impuissance.

M.-C.

Je trouve très étrange l’atmosphère que dégage cette photo. Deux hommes au milieu de nulle part émergeant  d’une mare de pétrole. Que veut dire le premier homme avec ses deux mains ouvertes ? Est-ce un puits de forage qui vient d’atteindre la nappe de pétrole en giclant sur eux, les recouvrant de la tête aux pieds d’un liquide noire et graisseux ?    

F.


Que dire des extracteurs de pétrole semblables à des automates sortis tout droit des placettes de Barcelone en Espagne. Ils détruisent et réduisent la mer du Nord,  près du Groenland, du Nord Canadien en un espace mortifère où le noir domine en une couche d’hydrocarbure flottant sur les flots ? Nous mangeons chaque jour des poissons nourris aux pétrochimiques. L’homme est à la recherche incessante de nouvelles sources d’énergie et est capable pour ceci de massacrer son propre environnement en polluant les mers et les océans. Les énergies primaires n’ont pas terminé de faire parler d’elles et nous assisterons encore et encore à des naufrages de pétroliers, comme l’Amoco Cadiz éventré qui a déversé ses milliers de tonnes de pétrole dans la mer, sa faune, sa flore, ses récifs et ses rivages qui avaient déjà tant souffert.

Cl. 
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D'où sont originaires ces quatre petites filles brunes, d'un pays d'Amérique du sud peut-être. Pour tout vêtement elles ne portent qu'une sorte de paréo à la taille et on devine qu'elles mènent une vie des plus rudimentaires. Pour ma part, je suggérerais donc l'Amazonie.
Que font-elles ainsi toutes les quatre, à genoux sur le sol. Un sol qui semble être la terrasse en bois d'une habitation bâtie en hauteur, si l'on en juge à la hauteur des arbres qu'on aperçoit en contrebas.
Assises l'une derrière l'autre elles se coiffent mutuellement, par nécessité ou par jeu, ça on ne le sait pas. Ce qui me frappe, c'est le sérieux de leur visage et même de toute leur attitude, à cet âge on s'attendrait plutôt à voir un enfant jouer et rire.
Les coiffures en cours d'élaboration  ne sont pas toutes les mêmes, l'une semble commencer une tresse tandis que l'autre relève les cheveux de sa voisine au-dessus de sa tête, la troisième n'a pas encore décidé ce qu’elle va faire.des cheveux de celle qui la précède
Personne n'étant devant la première fillette, elle est bien entendu sans ouvrage et, songeuse, elle semble nous regarder, peut-être fixe t-elle celui qui immortalise cet instant. Et la quatrième et dernière de la file, qui donc va prendre soin de ses cheveux ?
Mais en y regardant de plus près, on s'aperçoit que cette enfant est déjà coiffée, ses cheveux sur les côtés ont été ramenés en arrière où ils sont fixés, sans doute pour éviter qu'ils ne la gênent en retombant sur son visage, les autres sont laissés libres sur son dos.
C'est peut-être une scène habituelle pour des enfants de cet âge dans ce pays, mais au final, cela nous donne un cliché plutôt triste à regarder, il manque la joie de vivre qu'on voudrait y trouver.

P.


Silence…Silence….ai-je envie de chuchoter…l’enfant dort…l’enfant ne fait plus dodo.
Et ce conte pour enfant hante mes méninges et m’insufflant ce repos de l’âme et cette sérénité que seules la nature et la beauté du spectacle de quatre petits êtres humains peuvent susciter.  Juchés en haut de leur cabane sur pilotis, sur un plancher de bois, loin des prédateurs à deux, quatre et autres nombreuses pattes, de jeunes enfants à la queue leu leu, se tressent  mutuellement sans stress  inutile.  Il règne une tranquillité sereine dans leurs yeux bridés.  Sous leur peau dorée, ces jolies frimousses s’entraident et marquent ô combien des liens de solidarité dans la communauté. L’Indonésie et sa forêt nous tendent les bras si nous préservons sa forêt, sa faune, sa flore, ses temples, ses traditions, ses croyances et ses bouddhas. Peut-être est-ce là-bas que le livre de la Jungle a été créé ?    

Cl.   

En Amérique latine, non loin de la forêt amazonienne, quatre fillettes sont accroupies sur un pont de bois, drapées dans un simple tissu noué à la taille. Trois d'entre elles portent un collier artisanal. Après avoir procédé à la toilette dans le cours d'eau, installées en file indienne, elles procèdent à l'épouillage, avec beaucoup de soin, de naturel et d'attention, sans risquer de moquerie ou de mise en quarantaine. C'est un beau moment de fraternité, d'échange de bons procédés. Craintive, la fillette placée en tête, cherche instinctivement son pouce : elle se sent dévisagée par l'objectif du photographe ; l'appréhension et la fierté se lisent dans son regard. Les autres petites se concentrent sur leur tâche, yeux baissés ; la dernière a un geste consolateur, mais personne ne s'occupe d'elle, sauf si elle change de place pour chasser les éventuels parasites.
Nous sommes loin de la civilisation occidentale où règne le chacun pour soi, avec des moyens financiers pour combattre les poux. Ces enfants sont éduquées à l'hygiène capillaire, avec les moyens du bord, belles petites des favelas de Rio de Janeiro ou d'ailleurs, sans afficher des mines dégoûtées ni lancer des regards réprobateurs.

M.-C.


Tremblez peuplades d’Amazonie !
L’aigle noir de la Tyrannie                             
Plane au dessus des visages  blêmes
Et effrayés. Soucieux jusqu’à la lie…
De vos chevelures noires et brillantes  
De vos yeux en amandes, bridés à l’infini 
Survivra cet amour, cette tendresse,
Cette liberté  que vos grands chefs de tribus
Ont su instiller : l’envie d’avoir envie.
Et dans nos veines, tout ‘au long de ces années
O pleure ma sœur, pleure mon frère de sang…
Pleure ma peine  de vous voir disparaître à jamais
J’en appelle et j’implore Sting et tous ceux qui militent
Contre les climato-sceptiques
La xénophobie et le racisme
Afin de réunir leurs forces de dissuasion,
Pour préserver notre planète
Et observer le respect de la différence.   
Afin de distiller un peu d’amour, de retenue
De tolérance dans les propos et promesses tenues
D’un petit dictateur fraîchement élu
A la tête d’un immense pays aux origines diversifiées
Qui comprend notre poumon vert  
Qui régule encore actuellement  le climat…
Mais qui chaque jour s’en va en fumée,
Démantelé, arraché, écartelé, scié, tronçonné…
Réduit en cendres ou encore coupé
Allant à vau-l’eau le long de l’Amazone
Via les ports et les affluents
Pour se transformer en planches, 
En appartements, en bien immeubles, 
En caisses, en meubles…
Je prie chaque jour
Et  je verse une larme que j’espère salvatrice
Vers cette forêt qui s’avère protectrice
Transformée un peu plus chaque année
En terres cultivables de la taille de la Belgique.
J’envoie mes pensées empruntes d’espoir
Se voulant  bienfaitrices
A cette faune, cette flore et ses habitants
Des indiens autochtones assurément
Qui ont voté contre la politique en vigueur
Et qui seront très certainement expatriés
De leur milieu originaire et primaire
Et au pire voués à la mort, exterminés.

Cl.
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Une natte brillante et bien ordonnée coule le long du dos musclé d’une femme accroupie. Originaire d’Inde, du  Bangladesh ou du Sri-lankais : elle s’active à trier des grains de blé, puis les étale afin d’en faciliter le séchage sous le chaud soleil  de la saison sèche. Elle ornera  bientôt sa chevelure de nouvelles fleurs fraîches  qui jetteront des rayons lumineux sur son sari  à l’épaule droite découverte afin d’attirer les regards et les attentions de son époux.   

Cl.

Une belle hindoue, la cinquantaine, drapée dans un sari chatoyant à motif cachemire, est soigneusement coiffée d'une belle natte retenue à la nuque par une composition florale.
Elle s'active dans une coopérative agricole au pied d'une montagne de légumineuses, peut-être des lentilles qu'elle trie imperturbablement pour remplir des corbeilles en matière végétale. À sa droite, on distingue une autre corbeille, mais on ne voit pas l'employée : l'important est le rendement, pour un travail rémunéré au lance-pierre. La travailleuse drapée dans sa dignité est partiellement vue de dos : elle fait partie des "invisibles ".

M.-C.

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