dimanche 22 décembre 2019

VILLE OU VILLAGE AIME

Ecrire sur une ville ou un village qui vous a marqué
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Pour avoir souvent déambulé à pied et en automobile à travers mon pays, je dois reconnaître que la France de l’Est m’est plus familière que celle de l’Ouest… Diverses raisons à cela, l’implantation de la famille maternelle, au cœur de la Bourgogne y est probablement pour beaucoup.
Notre mère était née à l’entrée d’un village presque collé à la petite ville de Tournus, capitale de l’art roman européen et de l’aluminium culinaire ; la Saône s’y prélassait quand elle ne sortait pas de son lit en hiver, inondant la vaste prairie. Une jetée d’un bon kilomètre maintenait la liaison permanente avec le village qui, lui, montait la garde sur un gros caillou rocheux, à l’entrée de la Bresse. L’arrivée chez le grand-père avait quelque chose de grandiose et de tendre dans ma tête d’enfant et m’a laissé une trace indélébile : impossible de ne pas passer devant la « maison du bout de la levée », à chaque fois que j’ai eu l’occasion de me rendre dans le Jura ou les Alpes, ou même le Midi.
Cette maison et son village devenait nôtre pour un mois de vacances. Tout nous rappelait l’enfance heureuse de maman, ses jeux sur les rochers qui jouxtaient le jardin… les mûres dont elle se gavait… les farces que cette petite campagnarde faisait à ses cousins de la ville… À la mi-août, nous allions à la grande fête foraine qui se déroulait sur les quais de la Saône : manèges, pommes d’amour délicieuses lorsqu’elles n’étaient pas véreuses, loteries où nous avions gagné un oiseau sans bien savoir comment le nourrir… Puis venait le soir avec le feu d’artifice que nous admirions depuis le pont, et enfin le retour sous les étoiles.
Du village ancien, d’une belle pierre bourguignonne dorée, on avait une double vue : à l’ouest, les contreforts du massif Central, et à l’est, la Bresse qu’ourlaient le Jura  et même, par beau temps, le Mont-Blanc. C’est de ces toits que je découvris les tuiles romaines et ressentis pour la 1ère fois l’appel du Sud. Nous n’allions guère dans le cœur du village mais c’est de celui-ci que mon grand-père rapportait chaque jour un bon gros pain paysan. Quand je l’accompagnais, il me montrait la petite épicerie où l’on se ravitaillait encore sans emballage, l’école de maman… Souvent nous croisions des connaissances auxquelles il me présentait avec plaisir. Plus loin, sur le plateau dominant la maison, on arrivait au cimetière où il entretenait la tombe de tous les disparus de la famille. C’est là qu’il repose maintenant.
Ce village est le premier que j’ai connu et aimé, c’est celui de mon enfance. Mais je l’aime aussi pour son site et les possibilités de découvertes qu’il offrait. Ma grand-mère, que je n’ai pas connue, nous en a laissé quelques toiles.

Françoise
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Lors d'un séjour sur l'île de Djerba en Tunisie, j'ai été fascinée par le très ancien village de Chenini.
Avant d'y arriver nous avons fait un arrêt à Tataouine, un nom qui m'a fait sourire car je ne le connaissais qu'au travers de la célèbre expression  que nous utilisons en France : «aller à Tataouine». Ce jour-là j'ai découvert que ce lieu existait réellement, et qu'on pouvait donc bel et bien se rendre à Tataouine ! Mais il est vrai aussi que  les paysages rencontrés ce jour-là m'ont donné l’impression d'être arrivée à l’autre bout du monde.
Au cours de cette escapade  j'ai vu  des  sites que je ne soupçonnais pas, comme les chotts, étendues désertiques couvertes de sel,  et donc le village de Chenini, but de notre expédition du jour. En découvrant cet ancien site berbère j'ai été très impressionnée, j'ai eu la sensation qu'à cet endroit le temps s'était arrêté depuis bien longtemps.
Chenini est un village troglodyte caché entre la montage et le désert tunisien, ici on se retrouve complètement dépaysé et perdu. Pour parvenir à la mosquée qui domine ces lieux, il faut grimper un chemin rocailleux et bien pentu. Cette mosquée toute blanche dénote parmi les maisons de couleur ocre, couleur similaire à celle de la roche.
Toutes ces maisons ont été creusées à même cette roche, et bien que je ne sois entrée dans aucune d'entre elles, je sais que la chambre se situe au plus profond : l'été les occupants y trouvent une certaine fraîcheur, l'hiver ils y sont relativement protégés du froid. L'entrée à l'extérieur est construite en pierre, d'une couleur identique à celle de  la roche sur laquelle ces habitations  se fondent.
La découverte de ce village a soulevé en moi beaucoup de questions, je me demandais comment il était possible de vivre encore ainsi sans confort à notre époque, dans un endroit situé au milieu de nulle part. Mais pendant le temps qu'a duré ma visite, je me suis trouvée transportée dans un autre temps.

Paulette
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Partie pour l’aventure et pas des moindres,  je me suis rendue dans un coin perdu, à l’orée de la forêt amazonienne. Après l’avion et le train, j’arrive à 3 825 mètre sur les hauts-plateaux andins, j’embarque alors dans un camion qui, pendant plusieurs heures, roule rapidement dans une descente hallucinante, sur cette piste étroite et dangereuse qui court, à flanc de montagne, surplombant le ravin.  La route se termine à la bourgade de Sandia, à 2 200 mètres d’altitude. Mais là n’est pas le lieu de ma destination ! C’est plus bas, bien plus bas, à 1 320 mètres, à San Juan del Oro ! Après une courte nuit, c’est à deux, accompagnées d’un paysan nous servant de guide, que nous prenons, à pied, un sentier périlleux. Raviné par les dernières pluies, il est coupé par endroits, de glissements de terrains et côtoie le précipice. La marche se révèle lente et difficile.  En début d’après-midi, les roches grises et ocres diminuent peu à peu,  au profit d’un paysage de plus en plus verdissant. Bananiers, orangers et autres espèces inconnues pour moi, croissent maintenant aux alentours.
Soudain, à un détour du chemin, à demi-enfoui sous la roche et dans la végétation, le village nous apparait. Nous nous arrêtons quelques instants pour le contempler sur le versant opposé. Posées comme sur des étagères, les maisonnettes se regroupent telles des jouets miniatures. Leur toit en tôle ondulée brille dans l’air lumineux.  Leur vue m’émeut. C’est là que je vais demeurer deux ans durant, sans discontinuer.
Nous repartons alors d’un pas alerte pour plonger vers la limite de la forêt dans cette vallée luxuriante avant de remonter sur l’autre pente. Bientôt, nous entrons sur une petite place rectangulaire, légèrement surélevée. Au fond, se trouve la mairie devant laquelle est planté un mât où flotte le drapeau national. Elle est   bordée par des habitations en adobe. Basses sous leur toit, elles se composent d’une seule pièce avec leur unique  porte mais ne disposent guère de fenêtres ou très étroites alors. Peu ont leur mur peint.  Désert à cette heure, cet endroit  pourrait paraitre triste mais il est égayé par plusieurs palmiers dont les feuillages verts créent une certaine harmonie avec les bruns des troncs et des façades.  Et puis, demain, jour de marché,  elle sera noire de monde et les étals tout comme les vêtements des femmes la pareront d’une touche de couleur.
 Pour le moment, il nous faut atteindre rapidement  la maison des institutrices perchée tout en haut. Très simple, voire sommaire, à un étage,  sa construction blanchie en impose.  Après avoir dépassé quelques habitations ici ou là,  plus ou moins cachées par les arbustes, et grimpé le raidillon, nous parvenons à sa courte  esplanade qui domine le bourg.  Avant de pénétrer à l’intérieur du logis, nous jetons un regard ébloui au panorama qui s’étale devant nous et que le couchant embrase. Immédiatement mes yeux se portent sur la montagne d’en face. Son flanc est revêtu d’une palette de vert  qui chatoie sous les derniers rayons du soleil. La beauté du spectacle me laisse sans voix. Je respire à pleins poumons, cette atmosphère envoûtante, absorbant au passage une multitude d’odeurs et de fragrances dont, peu à peu, j’apprendrai à connaitre l’origine.  Baissant les yeux, je discerne là-bas, au fond du val étroit, le mince serpent de la rivière que  nous avons aperçu un peu plus tôt. Et au-delà, la forêt immense continue. Je relève la tête. A mi- pente, sur ma gauche, je distingue le toit de  l’église tapie entre les orangers. Et maintenant très à droite, en contrebas comme formant une croupe, je perçois une série de minuscules potagers limités par des arbres  fruitiers plus ou moins hauts et touffus.
 Je me retourne et remarque alors sur le terre-plein, l’école bâtie en retrait. C’est une modeste construction en torchis, au toit de tôle ondulée. Son sol surélevé comme une estrade, repose sur de lourdes pierres. Ses trois portes en bois précédées de quelques marches marquent les trois classes et ses fenêtres s’ornent de carreaux taillés dans une épaisse feuille de plastique transparente. C’est là que durant ces deux années, je vais faire une expérience unique qui va me marquer à jamais : enseigner à des enfants parlant quechua ou aymara. Que de découvertes je vais faire au contact de ses habitants !
Comme tous les soirs, à la même heure, en cette saison, de gros nuages noirs s’amoncellent dans le ciel, les teintant, l’espace d’un instant, de couleurs framboise, bois de rose, mangue et lie-de-vin. La boule de feu jette un dernier éclat et disparait. Un voile de brume monte de la vallée, tirant comme un rideau sur ce spectacle étonnant se transformant en une brève fantasmagorie où circulent des ombres. Brutalement avec la nuit qui tombe, la pluie s’abat avec fracas sur le village et la forêt toute proche. Le déluge se déchaine et tambourine sur les toits, apportant un peu de fraicheur.

Marie-Thérèse 
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Denise, native du haut Couserans, voit encore les chemins de terre, les sentiers de chèvres, les foyers exigus, sans eau ni électricité du début des années cinquante, dans cette zone de moyenne montagne, dominée par le Mont Vallier, le Montcalm et le Mirabat.
La vie allait cahin-caha, entre adret et ubac, vers l'école située sur la colline d'en face et qui ferma faute d'écoliers : il en restait trois.
Les vallées ariégeoises se dépeuplaient drastiquement suite aux rudes conditions de vie : la plupart des autochtones partaient à New-York. L'un de ces Américains revint et sa préoccupation fut d'apposer des plaques pour nommer des rues, dans un hameau qui comptait moins de dix âmes.
C'est ainsi que l'on vit apparaître : la Place Victor Hugo, celle du Général Pershing, etc...; non content de s'adresser à des illettrés, voire à des analphabètes, notre ministre de la culture potagère se mit en frais : pour éduquer l'oreille et adoucir les moeurs, notre mécène tenta aussi de monter une fanfare dont les montagnes renvoyaient l'écho.
La grande inauguration eut lieu le 11 Novembre : tous les chiens plus nombreux que les habitants, se mirent à hurler à la mort !
Au chef-lieu du canton, avaient lieu des règlements de comptes au moment des élections : il était de tradition de planter une tête de cochon sur le heurtoir du docteur, candidat aux municipales, tandis que d'autres jetaient une buse dans le couloir du notaire.
Au bout du village s'élevait un chalet tarabiscoté où trônait une comtesse qui ayant déchu par son mariage était devenue baronne, nommée madame de la Samaritaine (au lieu de Meritens, descendante des comtes de Roquemaurel) ; son époux en service au Tonkin, elle passait son temps sur le prie-Dieu familial de l'église paroissiale Saint-Barthélémy 90140 Oust, où Denise fut baptisée, puis reçut la communion privée, la confirmation et la communion solennelle.
Autrefois l'archiprêtre faisait le sermon en patois. L'un des paroissiens, Barthélémy, était présent : le religieux du haut de sa chaire narrait par le menu l'histoire du saint patron écorché tout vif et notre compère, croyant qu'il s'agissait de lui, de s'écrier :"Tu as menti !", jetant le scandale et l'anathème sur la bigote assemblée. Ces exemples et évocations par rapport à cette époque-là, montrent que l’église était un lieu de vie et de mort, que les événements y étaient tristes et joyeux, parfois émaillés d’épisodes aussi drôles qu’inattendus.

Marie-Christine
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J’ai beaucoup aimé  visiter Guérande avec mon fils et ma belle-fille. Cette magnifique cité médiévale est assez proche de Nantes aussi c’est après une heure de route que nous l’aperçûmes. La ville étant piétonnière nous nous sommes garés aux pieds des remparts. Nous sommes entrés par une petite porte en bois, flanquée de deux grandes tours, au dessus de laquelle on peut surement encore admirer le blason de la ville de Guérande ; deux lions rampants casqués encadrant l’écusson tapissé d’hermines blanches de Bretagne et un troisième lion, plus petit, installé au dessus de l’écusson. Les maisons sont contigües les unes aux autres de chaque côté des rues ou autour des places pavées. Les boutiques sont petites et originales, certaines avec des enseignes en fer forgé. Je me rappelle d’une biscuiterie maison dont je ne me souviens plus du nom qui fabriquait du véritable Kouign Aman, c'est un gâteau on ne peut pas faire plus chargé en beurre et en sucre qui tiède est exquis mais très néfaste pour les dents et les hanches. Une autre boutique faisait du sel des marais de Guérande, gros sel, sel fin, fleur de sel et sels aromatisés dont un sel au basilic que j’ai acheté pour le court bouillon. Evidemment l’endroit est très touristique mais cependant très pittoresque. Ensuite nous avons vu devant la collégiale de Guérande plusieurs petites statues en fonte représentants des métiers régionaux, le pêcheur, le poissonnier, le paludier et aussi un joueur d’accordéon et  un personnage tenant une sorte de fourche. Ensuite nous sommes entrés dans la collégiale Saint-Aubin de Guérande qui est, dès l’extérieur, du plus pur style renaissance, elle possède un superbe vitrail qui, quand les rayons du soleil le traversent, inonde la nef de lumières chatoyantes. Les tuyaux des orgues beaucoup plus récents s’intègrent cependant très bien dans la collégiale et participent aussi à la mettre en valeur. Je me rappelle avoir vu que l’on pouvait en été assister à des concerts dans l’église. Pour terminer la visite nous avons fait le tour de la ville sur les remparts, très joli parcours mais il fallait porter son regard au loin car en bas les véhicules en stationnement endommagent le point de vue. Je pense que la visite de Guérande est plus agréable au printemps ou en automne car il y a surement moins de monde. En repartant nous avons fait un tour dans les marais salants qui constituaient une belle mosaïque de couleurs qui contrastaient très bien avec le bleu intense du ciel d’été. Certains carreaux de cette mosaïque miroitaient de reflets iridescents et quelques échassiers blancs avaient l’air de s’y trouver à l’aise, probablement des hérons ou des aigrettes je n’ai pas bien pu distinguer. Je sais qu’à proximité il y a aussi le parc régional des marais de Brière qui est à visiter sur des barques à fond plat mais l’après-midi était trop avancé. Quand je me relis j’ai l’impression de faire du battage publicitaire pour l’office de tourisme de Guérande qui n’en a surement pas besoin. J’aurais voulu plus insister sur le côté surprenant  comme l’impression de se retrouver à une autre époque à Guérande et sans que cela fasse décors de cinéma mais au contraire quelque chose de très réel et de magique !

Fabienne

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