samedi 7 janvier 2012

Autour de Noel

Pour les vacances de fin d'années, c'est quartier libre. Ecrivez, si le coeur vous en dit et partagez avec nous une histoire, une anecdote, un conte...






SOPHIE

C'est l'histoire d'une toute petite bonne femme haute comme trois pommes de reinette.
Cela fait déjà un bout de temps qu'elle a pris le centre-ville de Gentilly comme résidence principale.




Du bout de sa canne, elle martèle dangereusement le bitume du trottoir, en direction des malveillants, ceux-là mêmes, ces petits trognons, pour ne pas dire autre chose.qui se moquent ouvertement d'elle… mais à bonne distance !

Elle plisse les yeux, derrière ses lunettes, mauvais signe. Elle n'a plus vingt ans, cinquante deux ans en juillet.

Ses joues se parcheminent : de multiples ridules cernent sa bouche qui se déforme soudain en laissant éclater son exaspération. Devant la violence des propos, la nuée de galopins prennent leurs jambes à leur cou et, pas besoin de course à l'échalote, la rue retrouve son calme.
Pas pour longtemps…
 
Sophie, c'est son nom, vit dans la rue depuis longtemps. C’est une enfant du cirque. Elle dansait et effectuait des arabesques, des sauts et des cabrioles sur le dos des chevaux dans un grand cirque. Suite à une mésentente familiale, elle a perdu son emploi. En a-t-elle cherché et trouvé un autre ? Je l'ignore.

Sophie aime la musique classique, romantique. Elle aime chanter, mais sa voix quelque peu éraillée n'a plus la belle tonalité de ses jeunes années.
Elle écoute encore de la musique, malheureusement, elle ne peut plus danser : son corps a subi les excès de la vie et du temps qui passe inexorablement.

Sophie, somnolente ou vociférante oublie son passé et son présent dans les vapeurs du blanc de blanc, son fidèle compagnon d'infortune. Il est toujours là pour la réconforter et la réchauffer même les jours de grands froids, quand elle cherche un banc pour s’asseoir dans la laverie... Elle y met le dawa !
Oh ! Sophie, que tu as une belle voix ! Ai-je envie de lui dire.
- Mais pourquoi, cries-tu comme ca ?
Le vingt-cinq décembre, jour de Noel, devant la laverie, elle se trouve là, campée sur sa canne, l'œil venimeux, et le verbe haut.



Elle injure copieusement un monsieur qui fuit sous ses jurons, ses deux baguettes sous le bras.
- Radin !
- Sophie, pourquoi tu l'insultes ?
- Il n'a jamais pensé à me donner un morceau de pain !
- Mais, Sophie, ce n’est pas une raison pour lui parler ainsi. Ce n'est pas beau, des gros mots dans la bouche d'une femme. Si tu as faim, il suffit juste de le dire ! Alors, tiens.
Je sors deux gâteaux de mon sac.
- C'est quoi ? me demande-t-elle.
- Du coco !
- Des gâteaux au coco !!! Mais j'adore ça ! Oh, toi alors !
Et elle me jette un regard rempli de soleil.
-Allez… Viens que je t'embrasse, me dit-t-elle.
Je lui ai mis un des gâteaux en main, l'autre dans sa poche et de sa bouche grimaçante

l'instant d'avant, un sourire merveilleux s'est dessiné sur ses lèvres.

LE NOEL BLEU
 
C'était un Noël où le sapin, vert à l'origine, disparaissait sous les boules, les guirlandes, les falbalas et les fanfreluches diverses.
C'était un sapin habité de multiples petits personnages accrochés sur ses branches : des clowns, des Pinocchio, des elfes, des sirènes, des nymphes, des nains, des lutins, des gnomes, des petits nounours, des oisillons dans leurs nids, des paysannes et leurs paniers d’œufs, des poussins et toute la basse-cour... Ce n'était plus un sapin... c'était l'atelier de jouets du père Noël reproduit en miniature.

Ce sapin était un concentré de tous les contes de fées que j'ai pu lire dans mon enfance. Ce sapin me racontait dix-huit histoires en une nuit. Autant de sapins qui n'ont pas peuplé les Noëls de ma naissance à mon adolescence.

Ce sapin, je l'ai dédié à mes enfants, à mes nièces, à Athéna, ma reine de beauté féline et câline. Pour cette jolie chatte européenne  tigrée au caractère bien trempé, née à Patras, en Grèce, près d’Athènes, le sapin était son terrain de jeu.
Elle y grimpait, faisait ses griffes, jouait avec les boules et accélérait la chute des aiguilles sur la moquette. Elle s’enroulait autour de son tronc comme un serpent autour de sa proie. Elle le humait, s’imprégnait de sa résine, se couchait sur le tapis vert crissant sous les pelotes de ses pattes délicates, puis lassée sans doute elle poursuivait une petite boule bleue à travers la pièce. Espiègle, joueuse, coquine, intrépide petit félin zébré.
Ce sapin, ce ne fut pas le dernier, mais le plus beau, le plus généreux, le plus chargé émotionnellement de mon histoire.
Le pilier bleu reliant tous les noëls entre eux : mes souvenirs de petite fille, puis tous ceux de ma vie de femme et enfin de mère.


Contera-t-il des histoires et comptera-t-il dans la vie de ma descendance ?
Il a imprégné, je le sais, la mémoire de ma jeune belle-sœur qui fait dorénavant le sapin pour ses enfants.


Claudine

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Vous qui, ce soir, chantez
L’enfant de la crèche,
Savez-vous qu’il a le teint basané ?
Savez-vous que c’est un oiseau de passage ?
Qu’il est de la race des immigrés ?
Vous qui ripaillez ce soir à vous en rendre malade
Savez-vous qu’à deux pas se trouve l’immigré,
Loin de sa famille, dans un foyer, comme un oiseau sur la branche ?
Vous qui regardez les lumières du sapin,
Cachant la pile des cadeaux,
La pauvre veuve qui va être expulsée a tout juste du pain d’épices
A donner à ses enfants, qui, pourtant, n’ont pas des appétits de moineaux.
Vous qui vous enivrez de vin, vous qui cherchez le bonheur en vain,
Eh bien, ce petit couché dans une mangeoire se sent pousser des ailes
Pour voler au secours de tous les canards boiteux de la terre
Vous qui vous entassez ce soir dans vos belles églises
Pour regarder l’enfant de l’immigré, bercé par le chant de l’amour,
Innocent, telle une blanche colombe,
Vous qui chantez de beaux cantiques avec des voix de rossignol
Ou roucoulez comme des tourterelles…
Vous n’avez rien compris !
Heureux ceux qui ont faim et soif de justice,
Ceux qui seront toujours les dindons de la farce !
Heureux le pauvre qui sait partager, sourire malgré sa pauvreté,
Et, qui, faute de grives mange des merles !
L’enfant de la crèche s’est fait l’un d’eux !
Ses parents ressemblaient à deux pauvres coucous, si las, si poussiéreux,
Qu’on ne voulut point d’eux à l’hôtellerie…
Alors une étable leur servit de nid pour y déposer
L’Enfant Dieu.


Christiane

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