lundi 20 février 2012

LE DEMENAGEMENT

La joie du départ, l'angoisse des cartons, une vie qui prend fin, une autre qui commence, les souvenirs qui reviennent, un appartement étranger... Le déménagement est toujours un moment important, heureux ou douloureux.

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Tout de suite après mon mariage, j’ai quitté l’appartement de mes parents. J’ai regretté ce quartier de la rue de la Roquette, près de la place Voltaire, où il y avait de belles maisons mais aussi des petites rues populaires et des commerces. Tout cela, à proximité du père Lachaise où je me promenais souvent.
Je suis donc allée habiter dans le XXe arrondissement une petite rue dans un lieu peu connu encore la Campagne à Paris, près du boulevard Davout… C’était rare d’être locataire à cet endroit. Je vivais au premier étage d’un petit pavillon dont le rez-de-chaussée était habité ar le propriétaire. Il régnait dans ce lieu une hiérarchie désagréable : en tant que locataire, on était méprisé par des voisins qui ne manquaient pas d’afficher leur charité chrétienne en allant à la messe le dimanche.
J’emménageais donc dans cet appartement avec mon mari. Le jour où il avait quitté son petit studio j’étais allée l’aider avec des amis à lui. Célibataire, il m’avait dit vivre seul. Avec la naïveté de mes vingt ans, j’ai été choqué dans ce studio de voir aux murs, dans des cadres, plusieurs photos de femmes. Je me disais : il ne va quand même pas les emporter, il aurait déjà dû s’en débarrasser. Je n’aurais même pas dû les voir et subitement, je me suis sentie triste.


Il a dit à l’un de ses copains : range ça dans ce carton, une ficelle autour. Que pensait-il faire de ce carton ? Mais je n’osais rien dire, rien faire. A quelques jours de mon mariage, il m’imposait sa volonté, ses règles, il serait « le maître ». J’étais là, perdue, avec ma timidité, ma jeunesse, retenue à la maison par des parents très sévères. Le déménagement pour moi ce n’était que peu de choses. Je n’avais pas de meubles, juste quelques cartons de vêtements, mes outils pour travailler : un mannequin, des moules en bois pour faire mes chapeaux… pas même une lettre secrète d’amoureux dans une belle enveloppe. Rien. Tout était clair.
J’étais plongée dans ces pensées quand je l’ai entendu dire discrètement à l’un de ses copains : fais bien attention à cette valise… Elle n’a pas à savoir tout ça. Quoi !? A présent, il me cachait quelque chose. Mais c’était ma naïveté qu’il épousait !
Le déménagement terminé et les copains partis, je me suis tout de même hasardée à poser des questions et lui annonçait les larmes aux yeux que si j’avais su tout ça, je ne l’aurais pas épousée, que j’avais des craintes pour l’avenir, que sans doute il serait un mari volage. Bref, j’en faisais tout un drame et me calmais difficilement. Il me répondit que je devais me rendre compte qu’un homme de vingt-huit ans avait forcément un passé.
J’eus beaucoup de mal à oublier ce jour de déménagement et nous n’en avons plus jamais reparlé.
Des années plus tard, après le décès de mon mari, j’ai retrouvé et ouvert la petite valise. Il y avait à l’intérieur divers objets et souvenirs et la lettre d’une femme qui avait été précieusement conservée. Elle s’excusait auprès de mon mari d’avoir dû partir précipitamment sans même lui dire adieu et lui expliquer quoi que ce soit. Elle avait quitté Paris avec son mari et ses enfants pour se rendre en zone libre. C’était peu de temps avant que le hasard ne nous fasse nous rencontrer avec mon mari. Je me suis beaucoup interrogée sur cette femme, cet amour clandestin, et me suis demandée ce qu’elle était devenue après toutes ces années. Je repensais au déménagement, à mon intuition et à mon émotion d’alors. Mais j’ai replié la lettre et l’ai remise à sa place comme un secret bien gardé. Il n’aurait servi à rien d’essayer de revenir sur le passé.
Rose
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Le grand camion vert vient bouleverser son univers. L’univers de sa jeunesse, trente années, trente hivers, trente printemps remplis de joies et d’espoirs. Elle est arrivée avec son bébé dans les bras, les autres enfants suivant en gambadant, pressés de découvrir leur nouveau logis dans un quartier différent. Que de fatigue ce déménagement !  Il faut changer ses habitudes sans rechigner, s’organiser en plus des tâches quotidiennes qu’il faut assumer en essayant de bien doser afin d’éviter la pagaille entre les cartons. Il manque toujours quelque chose qu’il faut aller acheter. Les marques enfin trouvées, la famille reprend ses habitudes. Le temps passe avec ses joies, ses peines qui laissent des souvenirs que l’on regarde sur des photos jaunies.
Trente années se sont écoulées, les oisillons se sont envolés pour aller construire leur nid ailleurs. Le grand camion couleur d’espoir est là. Elle déménage seule pour un petit logement en solitaire, sans joie, sans avenir. Elle attendra les jours où les oiseaux viendront suivis de leurs oisillons transportant dans leurs becs des brins de laine couleur d’arc-en-ciel qui vont lui réchauffer le cœur. Les rires fusent de nouveau comme au temps des jours heureux. C’est la joie retrouvée pour quelques heures, quelques jours, qui lui donneront la force de vivre pour les prochaines fois.

Mireille
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Il n’est que huit heures, il fait à peine jour en ce samedi de février que déjà un remue-ménage bruyant anime l’escalier de mon immeuble.
Une camionnette commence à faire des va-et-vient sous ma fenêtre. Des meubles qui cognent les murs, des portes qui claquent, des appels, ça remue sans arrêt du troisième étage à la cave.
Sous ma fenêtre, passent des placards, des chaises, des cartons, des coussins et même une batterie de cuisine.
Un petit moment de calme, on sonne à ma porte. C’est Mathieu et Carine qui viennent me dire au-revoir. C’est donc eux qui déménagent. Je vais les regretter, ils étaient gentils, serviables, toujours souriants, avec un mot aimable à la moindre occasion.
Travail oblige, ils doivent partir en province. Quelques mots autour d’une tasse de café, des banalités, alors qu’il y aurait tant à dire, et l’on manque de temps, les déménageurs sont pressés. Pour la circonstance, on s’embrasse, un peu tristement, convaincu qu’on ne se reverra plus.
Ca y est, ils sont partis. Qui seront les nouveaux locataires ?
Monique

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Partir, déménager, quitter, s'en aller...
C'est une histoire de tempérament, de conception, de mental.
Pour la personne sans-abri,
Le problème est de trouver un lit !
Trouver une chambre d'hôtel en gite, de logis en refuge, il faut garder le moral.
Partir sans se retourner, sans remords, sans un serrement de cœur.
Certains, déménagent comme ils changeraient de chemise...
D'autres, se sauvent à la cloche de bois !
D'autres enfin s'incrustent dans un habitat
Qui ne leur appartient pas
Comme des punaises dans les matelas !
Les plus équilibrés, ceux qui considèrent que la maison
Est le lieu sacré, le lieu rassembleur, le cœur de la maisonnée
Se font un petit cocon rassurant, un petit nid coquet et douillet.
D'autres n'arrivent pas à trouver en eux la paix
Pour reconstruire et se projeter vers un havre de renouveau
Vers l'équilibre et le bonheur, la concrétisation du "home, sweet home"
Vers la cicatrisation de l'âme et la recherche d’un baume.

Claudine

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Où est notre demeure ?
Ici… Là-bas ?
Là-bas… Ici ?
Quelle balance !
Ici… et là-bas.
Ici, là-bas…
Là-bas, ici…
N’importe où. Toujours le même béton, les mêmes briques, les mêmes escaliers, les mêmes fenêtres.
Bleues, roses ou mauves. Quel marchandage !
Ici, là-bas… Là-bas, ici…
Partout où il y a un mètre carré à construire, on construit et on entasse les gens.
Ici ? Là-bas ? Là-bas et ici…
Ras-le-bol. Il y a encore des mal-logés et des sans logis.
Pourquoi ? Le coût des loyers, pardi !
Alors, fini ce ballet. Faisons la danse comme des gens bien installés.
Là-bas et ici… Ici et là-bas…
Proclamons la fête, d’être un peuple de voisins.
Là-bas ! Ici ! Là-bas, ici…
Découvrons des visages partout
Ici… Là-bas ! Là-bas… Ici !
Crions le même sang qui partout coule en tous et qui partout nous anime de sa même couleur pourpre. Ici et là-bas.

Christiane

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Ça y est, le grand jour est arrivé, c’est aujourd’hui que nous déménageons. Nous quittons ce petit appartement que j’ai toujours habité pour une maison en proche banlieue. Le bonheur !
Depuis quinze jours que nous avons commencé à emballer livres, vêtements, batterie de cuisine, il était temps, car on ne pouvait plus toucher à rien, et tout manquait au quotidien.
Papa a loué pour la journée une camionnette, et embauché son frère, son meilleur ami, la sœur de maman, et moi, deux copines. Ce ne sera pas de trop ! Il a fait ses plans, et c’est lui le chef des opérations.
D’abord, dit-il, l’électroménager. Deux personnes sont nécessaires pour la cuisinière, le lave-linge, le lave-vaisselle. Les meubles, eux, ont été démontés et c’est un incessant va-et-vient de pièces détachées entre l’appartement et le camion. Papa les entasse soigneusement, et pour caler le tout et ne pas perdre le moindre centimètre carré, nous demande de lui apporter des sacs de vêtements qui vont remplir les vides.
Voilà déjà la camionnette pratiquement pleine, et il y a encore beaucoup de cartons qui restent. On fait une pause. Maman, soucieuse du bien-être de tous, a préparé un casse-croûte et des thermos de café. On examine la situation, que faut-il privilégier pour le peu de place encore disponible dans la camionnette : les lampadaires qui sont fragiles ? La télé emmaillotée dans du plastique à bulles ou quelques cartons de livres ? Papa a bien sûr le dernier mot et opte pour les livres.
En route pour la première tournée. Nous suivons en voiture car une fois sur place, il faut vider le camion pour revenir chercher le reste.
Mes copines et moi, on s’amuse bien, même si cela exaspère mon père qui prend son rôle très au sérieux. C’est plutôt rigolo toute cette agitation, et les blagues qui fusent chaque fois que l’on se croise et se heurte souvent.
A midi, saucissonnade arrosée mais pas trop et pizza livrée chaude, puis café, et c’est reparti.
Une fois vérifié que rien n’a été oublié, l’appartement vide rend un son étrange et nos paroles sont renvoyées en écho. Il ne reste plus qu’à faire un brin de ménage. C’est étonnant comme une maison si bien entretenue par la fée du logis qu’est ma mère découvre autant de poussière et de salissures, une fois les meubles partis.
Fatigués, heureux que la journée s’achève mais conscients du travail qui nous attend pour la nouvelle installation, c’est avec un grand merci aux amis pour leur aide et un pincement au cœur que nous nous séparons. Je ne verrai plus mes copines aussi souvent, mais heureusement, il y a les sms, et mes parents me l’ont promis, elles pourront venir et même coucher le week-end, puisque maintenant nous avons de la place.

Colette

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