dimanche 25 mars 2012

LES CAUSEUSES


Les Causeuses, Camille Claudel, bronze, 1895

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Mais que se disent-elles ?
Et blablabla... Comme la plupart des femmes entre elles !
- Et vous ne savez pas, Monsieur Rodin ne s'intéresse plus à Melle Camille, annonce bouche grande ouverte la première. Et toutes les commères autour d'elle de se regrouper.
- Oh, mais, d'où savez-vous cela ? Ils s'écrivent encore, j'ai aperçu une jolie enveloppe portant la fine écriture de Melle dans son carton à dessin.
- Sottise que cela ! répond une autre, Melle ne supporte pas la rupture et elle a trop de fierté pour le reconnaître !
- Allons, allons, une telle passion, ne s'oublie pas instantanément !
- Mais est-ce que vous pensez à l'épouse de Monsieur Rodin ? reprend quelque peu exaspérée l’une de ces gentes dames.
- Parce que vous pensez que Monsieur Rodin s'inquiète pour sa réputation ? La pauvre porte des cornes depuis si longtemps qu'elle n'arrive plus à franchir la porte de l'atelier ! rajoute une autre qui paraît très au courant.
- Oh, vous vous rendez compte de ce que vous dites ? tente une dernière pour défendre la réputation de "son maître-sculpteur".
- Mais, ma pauvre, rajoute la plus renseignée de toutes, ne faites pas votre sainte-nitouche, vous savez très bien comment les hommes se comportent si vos charmes les intéressent !
- Mais avec Melle Camille, c'était plus que cela ! s'empresse de rajouter la sainte-nitouche en question.
- Allez, mesdemoiselles, les sentiments généreux… Avez-vous au moins autant de talent que Melle pour ne serait-ce qu'imaginer que Monsieur Rodin pourrait avoir des sentiments un jour pour l'une d'entre nous !
- Mais Monsieur Rodin est marié ! Il se doit de le rester pour soigner sa bonne réputation ! Cessons de raconter toutes ces fadaises à son encontre, mesdames. Allons, Allons, je vous en prie, cela me ferait grand plaisir !
- Soit, mademoiselle « l'ange-gardien », je me replie sous vos ailes. Mais avez-vous pensez à demander l'avis à du fameux « penseur » à propos de la vie amoureuse de son maître ? J'imagine qu'il aurait beaucoup de détails croustillants à nous raconter, rajoute une dernière, d'un ton coquin.
Claudine
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Elles sont là, trois amies, à l’écoute de cette autre adossée à ce marbre, assises simplement sur un banc. Elles se penchent. Tout est confidences discrètes. Elles causent. Sans même voir leur visage, dans leur attitude se lit l’intérêt de la discussion. Elles parlent de lui. Rodin.
Est-il admiratif de ce que fait Camille Claudel ? Peut-être lui donne-t-il beaucoup de sa force pour qu’elle devienne un grand sculpteur, le marbre aussi a besoin de sa force.
Trois femmes dont le corps se marquent d’ombres claires. Leur tête se touchent, on ne voit pas leurs yeux. Mais l’entretien a grande importance.
Il a deviné qu’elle deviendra une « grande ». Et finalement cela lui fait peur, il ne veut pas, il fera en sorte de la détruire, jusqu’à l’abandonner trente ans, enfermée comme ayant perdu la raison. Ainsi se terminera la vie de Camille Claudel. Lui, restera le grand Rodin. Dans son marbre éternel, au fond du jardin, le Penseur, pense-t-il parfois à elle ?
Rose
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Les quatre femmes tapies dans un coin écoutent l’une d’elles qui semble parler tout bas. Ce qu’elle dit doit être important, les trois autres  sont comme suspendues à ses lèvres. Que peut-elle leur dire ? Est-ce un secret ? Est-ce un complot qu’elles sont en train de tramer ?
Causeuses sculptées dans le bronze par Camille Claudel, vous êtes peut-être de celles qui sans le savoir avez fait avancer la condition féminine ?
Plus je regarde ce bronze, plus je pense aux femmes de chez Le Jabby qui, comme Camille Claudel femme libre et esprit exigent de son temps, se sont mises en bagarre pour que leur usine redémarre, qui l’ont occupée jour et nuit pour garder intact leur outil de travail. Ouvrières dont les petites mains qualifiées ont jusqu’alors fait la renommée. Femmes qui, de démarches en démarches, en appellent inlassablement, parfois  jusqu’à l’épuisement, au soutien de leur lutte. Les femmes de chez Le Jabby, on dit que vous êtes de faibles femmes. Faibles femmes ? Vous les femmes de chez Le Jabby vous êtes de fortes femmes.
Causeuses de Camille Claudel, vous me faites penser également à ces quelques femmes d’un vieux quartier de Paris, émigrées pour la plupart, qui dans les domaines de la santé, de l’éducation, du logement et de la consommation, ont formé avec des personnes compétentes d’une association d’usagers pour prendre en main leur quotidien, celui d’aujourd’hui, mais aussi celui de demain. Elles se sont regroupées pour demander une déviation du trafic, un grillage, un passage protégé et même une classe de plus pour la rentrée… et plus de blattes dans les HLM. Elles se démènent pour obtenir satisfaction, même si parfois il n’y a pas grand monde pour les soutenir dans leur action. Mais elles tiennent bon et elles y croient, les femmes de ce quartier pourri. On dit de vous que vous êtes de faibles femmes. Faibles femmes ? Non, vous êtes de fortes femmes.

Christiane

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Rosa, Camille, Sophie, Madeleine. Après s’être baignées dans la rivière, se mettent à papoter et gaiement se sèchent.
Camille leur confie :
-          Mes chères amies, nous nous connaissons depuis toujours, aussi je vais immortaliser cet instant et notre amitié, en effectuant une sculpture, de marbre ou de bronze, à notre effigie.
-          Magnifique idée Camille. Toi le génie de la peinture et de la sculpture, mets-toi vite au travail. Il nous tarde d’admirer ton œuvre.
Et Camille réalise ce projet qui comble ses amies au-delà de leurs espérances et rappelle leurs moments d’insouciante, de douce complicité.
Avec « Les causeuses », elles traverseront les siècles à venir. L’usure du temps n’apposera pas sa marque sur ces tendres frimousses qui ne vieilliront jamais.
Merci à Camille Claudel pour l’ensemble de ses œuvres qui sont un plaisir pour les yeux.
Mireille

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