vendredi 20 juin 2014

PRENDRE SA RETRAITE



Prendre sa retraite, quelle affaire ! Réflexion, expérience personnelle, histoire vécue par vous ou un proche, fiction autour du départ à la retraite.

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Depuis deux ou trois ans déjà, Alice aurait pu prendre sa retraite mais son goût du travail, son besoin d’échanges avec le public, la peur de la solitude l’en a dissuadée. Chaque jour, elle recule davantage mais la direction décide d’une réduction de personnel. Alors elle n’a plus le choix. Elle est gentiment, très gentiment poussée vers l’extérieur. Elle est remerciée chaleureusement pour ses bons et loyaux services durant plus de quarante ans. Comme tous les retraités qui, de bon gré ou contre mauvaise fortune, quittent l’entreprise, elle est conviée au grand «pot» d’adieu.  Elle est là, la larme à l’œil,  tout à côté du directeur souriant qui discourt sur les difficultés du moment et sur la chance qu’ils ont, de partir dans de si bonnes conditions, de prendre leur retraite, qu’il leur souhaite longue et bonne.
Elle est là, en face de la table du buffet, elle qui d’habitude, se trouve derrière, prête à servir les boissons ou à présenter les mini-toasts et les petits-fours. Elle est là, mise à l’honneur car c’est la plus ancienne de l’Etablissement.  Quarante-six ans déjà que, chaque matin, elle répond aux appels et dispatche les communications. Elle en a vu des évolutions, des améliorations  disait-on! Des changements de locaux, chaque fois un peu plus spacieux, un peu plus impersonnels, plus modernes, plus sophistiqués, avec davantage de matériel : standard, photocopieuse, fax,  machine à timbrer,  etc… où chaque fois, il faut s’adapter et aller plus vite, en faire plus…
Elle en a vu passer des chefs, des employés, des ouvriers ! En ce moment, elle regarde les présents, un à un,  Elle les connait tous : leur fonction, leur caractère, leurs humeurs et leurs amours. Leurs paroles défilent dans sa  tête : « Alice, Maurice va m’appeler, je suis à l’atelier 6, » -«  Alice, ma belle, j’ai une nouvelle conquête, je suis au 2° étage », « Alice, ma mère est malade, n’oublie pas ! Passe- la moi au garage !» Alice a l’oreille fine, elle reconnait chaque voix, jamais elle ne se trompe entre l’épouse et l’amie de passage.
Elle est serviable et toujours de bonne humeur dans ce monde d’hommes qu’elle a intégré à seize ans. Elle reconnait les parents, les enfants, les amis, les clients, les administrations, les chefs, les contremaîtres...  L’usine, c’est sa vie. La retraite, mais elle ne la demande pas !  Que va-t-elle en faire ? C’est d’ailleurs la question que lui pose le directeur en lui remettant une médaille-souvenir et un cadeau de l’ensemble du personnel. Alice est émue. Elle bredouille : «Merci, merci à tous. Je ne sais pas, peut-être aller à la campagne, faire un potager. » Tous lui sourient et l’applaudissent. Maintenant c’est le tour de Pierre, puis de Marcel, de Raymond et des bienheureux retraités.  Chacun reçoit un petit souvenir.  Buffet, brouhaha des conversations, la cérémonie se termine. La salle se vide lentement. Peu à peu, elle les voit disparaître  les uns après les autres.  Demain, elle ne les reverra plus et elle reste là, debout, les bras chargés, perdue dans ses pensées. Déjà deux femmes de ménage en extra, s’activent mais elle ne se décide pas à bouger. « Il faut partir, madame » lui dit l’une d’entre elles. « Madame ! C’est elle, madame ! Mais elle est Alice ! » Non, ce soir, Alice n’est plus ! Maintenant, elle est madame. Celle que personne ne connait. Demain, elle partira à la campagne se reposer, faire connaissance avec son autre moi-même. La page est tournée ! Demain, elle naîtra à une vie nouvelle !

Marie-Thérèse
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Pour mener une retraite heureuse et fructueuse, une seule solution : une vie sans contrefaçons.
Des salariés ou des patrons se sont battus becs et ongles pour mettre de côté argent liquide et provisions : économies d'une vie en compte épargne retraite ou en actions !...
Beaucoup possédaient de bonnes situations et menaient un train de vie honorable. Tout en faisant attention, ils avaient une  vie décente, sans trop de privations. Belle concrétisation ! Mais cela c’était avant les fameuses lois sur l’imposition. La chasse aux niches fiscales en Suisse où à Monaco.
Certains concrétisent actuellement leur rêve en s'offrant un repos bien mérité dans leur maison de campagne, en France sur la côte d'Azur où il fait toujours beau. D’autres choisissent de partir au Maghreb, là où la vie n’est pas chère. D’autres dans une île de rêve à Mururoa, à Tahiti ou aux Marquises….Dans ces contrées la vie est exquise. Certains s’en lassent et s’y ennuient. D’autres profitent tous les jours du soleil et des coraux, de la piscine et de la thalasso. Entre les plages de sable fin et les palmiers, ces plaisanciers passent leurs temps à se dorer la peau.  Antoine le chanteur aux cheveux longs en fait partie. Il fait des croisières à longueur d’année dans son grand rafiot. Iles de villégiature, dans un décor idyllique, ce sont des retraités heureux qui exhibent sans complexe un bronzage permanent qui met en évidence un dentier éclatant ! En famille, entre eux, avec ou sans le chien, c’est farniente à longueur d’année. La retraite, une autre façon de vivre, d’en profiter et de savoir prendre son temps.
Mais il existe des retraités d’une autre espèce aux États-Unis qui ne supportent ni la violence, ni le bruit. Ils vivent dans des résidences qui leur sont strictement réservées, protégées par des hauts murs et des tours de guet ! Des vigiles en assurent la sécurité et il faut montrer patte blanche à l’entrée. Le règlement pousse le vice à n’autoriser aucune présence d’enfant ni de chien dans le périmètre. Donnent-ils la permission aux mouches de voler et aux tondeuses de ronronner ? Les autochtones se sont fait une carapace de verre et de pierre protégeant leurs vieux os et leurs membres noueux. Place aux terrains de sport et aux activités physiques et culturelles. Enfin je l’espère en autarcie, s’il-vous-plait ! Leur cœur  bat encore comme ceux des athlètes, mais uniquement pour eux ! Au fond de leur chaumière, tout brille sauf la lumière du cœur et des yeux !
Mais pour tous ceux qui vivent au soleil, combien sont dans la misère financière, affective et socioculturelle. Combien ne peuvent même pas accéder aux soins, n’arrivent plus à payer leur loyer et côtoient l’exclusion et l’expulsion.  Alors arrive la solitude, l’isolement, le désœuvrement et la mise à l’écart de la société. Et la solidarité ? Un mot qui est souvent prononcé !
Que fait-on de tous ces oubliés de la grande machine à broyer ? Sont-ils recueillis dans des foyers ?
Beaucoup d’esseulés sont en dépression et sont écœurés de ne pouvoir  mettre assez d’argent pour y arriver et faire face aux coups de grisous et aux gros frais. Mais il existe des méthodes prophylactiques pour lutter contre la solitude, l’ennui et l’enfermement. La recette du bonheur et de la parfaite retraite sur laquelle reposent la quiétude et l’équilibre serait de  rester groupé, se rendre au karaoké et chanter. Mais il en existe d’autres. Le fait de travailler et entretenir sa mémoire : écrire, lire, s’amuser, jouer aux cartes et faire des sorties ludiques, sportives et culturelles en collectivité et à faible participation! Avoir une hygiène de vie correcte et pouvoir s’alimenter en conséquence avec des aliments variés en quantité modérée. Être bien dans son corps et dans ses baskets est important, qu'importe le niveau d'instruction. Il faut priorisé l’éducation, le bien-vivre ensemble, la communication de vive voix en toute sincérité.

Claudine
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Cela s’est fait tellement en douceur que je m’en suis à peine aperçue. En effet, l’inspecteur primaire chargé de l’école libre voisine du collège voulait tenter une expérience : « Créer une classe d’adaptation ouverte » pour les élèves du CP au CM2 ayant quelques difficultés. Il ne pouvait le faire dans le public, faute de crédits peut-être. C’est alors qu’il proposa à la directrice de l’école primaire de faire appel à de jeunes retraités pour se lancer bénévolement dans l’expérience et servir de cobaye pour créer ce poste. Les rapports étant cordiaux entre le collège et l’école, on me proposa un mi-temps non rémunéré à l’école primaire voisine.
À la rentrée suivante, j’y faisais donc mes premières armes. Je passais tantôt une heure, tantôt deux avec quatre ou cinq élèves n’ayant pas compris telle ou telle notion signalée par l’instituteur. C’était très nouveau pour moi de passer de la lecture semi-globale et gestuée… à la soustraction avec retenue ! mais les rapports étaient chaleureux avec les élèves car s’ils venaient au « coup de pouce », ils savaient qu’ils en tireraient profit. En revanche, que d’heures passées avec les instituteurs pour établir des fiches détaillées sur les progrès de chaque élève.
L’inspecteur avait dit « Au bout d’un an le poste sera créé », c’était sans compter avec les lourdeurs de l’Administration. Cela dura cinq ans avant qu’une institutrice munie du CAEI soit nommée pour enseigner dans cette classe. Le poste était enfin créé.
C’est alors que je me suis tournée vers une association de mon quartier « maison de quartier et centre social ». Chaque soir, de 16 h 30 à 18 h, j’y faisais du soutien scolaire individuel.  C’était vraiment intéressant quand l’enfant voulait vraiment progresser. Par exemple, j’ai aidé Cylia, jeune algérienne, du CE2 à la 3ème, et elle est aujourd’hui en faculté de Droit.
Ce centre social assurait aussi l’alphabétisation pour des femmes étrangères, trois matinées par semaine. C’était super ! Ces adultes voulaient tellement maîtriser la langue. Certaines se décourageaient parfois et abandonnaient mais celles qui restaient… c’était un régal tant elles s’acharnaient.
En dehors des heures d’alpha et de soutien scolaire, j’avais du temps libre pour lire, suivre des conférences, visiter des musées… J’étais comblée !
Petit à petit, à cause du poids des ans, j’ai dû abandonner l’alphabétisation mais j’ai conservé le soutien scolaire jusqu’à mon entrée à la maison de retraite du Sacré-Cœur à Gentilly. Là, avec l’autorisation de la directrice, j’ai pris en charge une jeune Béninoise qui ne savait pas lire. Sur son heure de pause, elle venait et vient encore s’exercer à lire, parler, écrire un peu. Cette année une nouvelle directrice à qui s’exposais le problème de S.  m’a dit « Elle ne doit pas être la seule dans ce cas ». Depuis quelques mois, dans le cadre de la formation continue, une personne vient caque lundi donner des cours de français à ceux qui le désirent. Elles sont trois maintenant à profiter de cette opportunité. Là encore, quelle transformation chez S. Elle s’épanouit de plus en plus, elle n’est plus la « serpillère » mais une femme dont le besoin réel a été pris en compte. Une résidente me disait en parlant de S. : « Quel changement chez cette jeune femme ! Elle est souriante, aimable, sait dire bonjour, merci, comment allez-vous ? »
Pour moi, voir des gens heureux est la plus belle des récompenses et je dis Vive la retraite qui m’a permis de semer un peu de bonheur autour de moi !

Christiane
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Pour une retraite heureuse

J’ai adoré ma vie active, tant familiale que professionnelle et sociale. Les années passant, et longtemps avant, on y pense, on l’imagine cette retraite, on en rêve et parfois même on s’y prépare en bâtissant des projets…
Mais quand elle est là, après les remerciements d’usage pour bons et loyaux services et lorsque sont retombés les flonflons des adieux, une sorte de blues peut s’installer : 40 ans ! C’est un gros morceau de notre vie qui vient de se terminer et il va falloir inventer du neuf… avec du moins neuf ! Dès demain matin. J’ai commencé tambour battant car certaines urgences devaient être réglées. Il y eut aussi des essais divers dans tous les sens, des lectures qui auraient dû m’aider et m’inspirer… Une sorte de fringale de vie  nouvelle s’était emparé de moi : je voulais faire tout ce que je n’avais jamais eu le temps de faire auparavant.
Peu à peu, le calme me revint, grâce aux aléas de la vie qui elle, bien heureusement, continuait. Car la retraite reste un moment précieux, après toutes ces années d’activité intense. Si on a la chance d’avoir la santé, d’être entouré, de pouvoir disposer d’une pension honnête, on peut utiliser tout son temps libre pour mieux vivre. Se reposer si la fatigue se fait sentir, choisir des activités plaisantes et enrichissantes, consacrer du temps aux autres, aux siens, jeunes et moins jeunes, de rester ouverts à tous ceux qui sont créatifs et de boire la vie jusqu’au bout…
Avec la retraite, on a aussi des privilèges : on est plus contemplatif, on fait de la philosophie sans le savoir, en regardant la génération des jeunes et celle des actifs se débattre dans ce monde fébrile, moins tendre pour son prochain que le nôtre, celui des « trente glorieuses » qui suivirent la reconstruction. Autre privilège : de plus en plus souvent des « jeunes » me proposent leur place dans les transports… bon ou mauvais signe ? J’opte pour la première hypothèse et m’exécute avec plaisir. Ce repos bienvenu me permet d’offrir, un peu plus tard, une place à cette future maman qui n’en peut plus après une journée de travail.
Pour tous ces bons côtés, la retraite a ses défenseurs comme en témoigne leur colère dès qu’ils la sentent menacée. Ce qui n’empêche pas les retraités d’envier un peu ceux qui sont au cœur de la vie d’aujourd’hui… À chacun son temps et son tour.

Françoise
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De longue date fut esquissé mon passe-temps à ma prise de retraite : la meubler d’études supérieures dispensées au Quartier Latin en diverses disciplines.
D’emblée je m’attribue à cet égard une « première » dans ma vie, voire un record : la brièveté du transport domicile/travail entre Gentilly et la station Luxembourg qui dessert le Quartier Latin, permettant un éventuel aller-retour à la mi-journée afin de déjeuner à la maison.
S’offrira à moi une autre « première » bien savoureuse : en tant qu’auditeur libre, je n’affronterai nulle épreuve ou autre contrainte sanctionnant des études. Mieux encore, picorant dans le vaste menu qi s’offre à moi, je peux faire la fine bouche : assister ou pas tel jour à tel cour ou pas, passer d’un établissement, par exemple la Sorbonne ou le Collège de France, à un autre, la Faculté de Droit ou l’institut océanographique.
À la Sorbonne, mon assiduité vise les cours d’histoire médiévale du professeur jacques Heers. J’y apprends celle des républiques maritimes de Venise et de gênes qui ont vu naître respectivement Marco Polo et Christophe Colomb. Elles ont accumulé de colossales richesses lors des croisades et aussi par le commerce avec les caravaniers arabes des routes de la soie, de l’encens, etc…
Au Collège de France, j’apprends la théorie baptisée east side story sur la naissance de l’espèce Homo descendant des grands quadrupèdes arboricoles peuplant les forêts tropicales qui traversent l’Afrique. Suite à des érections géologiques en Afrique orientale formant écran où viennent buter les nuages chargés d’eau en provenance de l’ouest, la forêt s’étendant à l’est se transforme en savane. La quête de nourriture transforme certains quadrupèdes en bipèdes ce qui leur permet de voir plus loin prédateurs et proies, accroissant de ce fait l’espérance de vie et la reproduction.
À la Faculté de Droit, j’opte pour le droit international maritime et apprends qu’à l’insistance de la Russie tsariste, l’exclusivité des eaux territoriales ne s’appliquent pas aux détroits desservant d’autres pays, par exemple, les débouchés de la mer Noire et de la mer Baltique.
À l’institut océanographique, je ne suis pas un nouveau venu. Dans les années 60, j’y ai eu des contacts visant une invention que je venais de breveter et qui avait pour objet un réflecteur-radar de grande efficacité mais de simple conception et de moindre coût.
Pour en venir à mon assiduité de fraîche date, je m’intéresse aux recherches abyssales. J’apprends qu’a été découverte une stupéfiante forme de vie fondamentalement différente de la nôtre, mais néanmoins abondante et diversifiée. En effet, le rayonnement solaire y est radicalement absent et l’énergie vitale est de nature volcanique, en provenance du noyau terrestre. Au surplus, la vie n’y est pas basée sur la chimie du carbone mais sur celle du soufre.
Cette découverte aura nécessairement des répercussions cosmologiques dans la recherche d’une vie ailleurs que sur notre planète.

Emmanuel



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