mardi 25 novembre 2014

JOUETS DE NOTRE ENFANCE

Ouvrez la petite porte de la mémoire et évoquez un jouet de votre enfance.
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Aujourd’hui, il pleut ! Et ce sont les vacances. Nous voilà cantonnés dans la petite salle à manger de l’appartement que nos parents ont loué. Allons-nous nous ennuyés ou faire des bêtises ? Non, maman a le remède pour ce jour morose. Elle sort de son armoire et avec quel respect, une jolie boîte  rectangulaire en bois aux couleurs chaudes, peut-être du tilleul, du peuplier ou du palissandre, je ne sais. Légèrement plus grande qu’une feuille A4, mais c’est comme un véritable trésor que maman dépose avec beaucoup de précautions au milieu de la table. Ce n’est pas une de ces boites modernes en carton et aux couleurs voyantes. Non, sa particularité : avoir ses bords légèrement renflés en arrondi ce qui permet au couvercle non pas de s’enfoncer par-dessus mais au contraire de s’insérer délicatement entre les rainures prévues à cet effet.  Fermée, la boite présente donc un fond plat à rebord et le bois est ainsi protégé. Nous sommes ravis. C’est le jeu de « nain jaune », jeu qu’elle tient de sa propre mère et qu’elle a conservé avec tant d’amour  et qui nous promet tant de plaisirs partagés!
Nous sommes là attentifs car c’est maman qui va l’ouvrir. Avec soin, elle tire lentement le couvercle. Il ne faut pas le brusquer ni le forcer car il pourrait rester bloqué voire, plus grave, se détériorer. Les jetons de toutes les couleurs apparaissent : des jaunes, des verts, des rouges, des bleus, des ronds, des carrés et des rectangles sur lesquels sont inscrits « La Cressonnée », « PERNOD FILS » ou « COINTREAU Liqueur », avec au dos leur écusson. Sont-ils d’époque ou plus récents ? En tout cas, ils n’étaient pas neufs dans les années 50 mais en excellent état.
Le coffret est ouvert. Au dos du couvercle enlevé, soigneusement collée sur le bois, une feuille de papier imprimée  donne la règle. Elle ne risque pas de s’envoler ou de se perdre et, à tout moment, peut être consultée. Maman le range précieusement sur l’étagère où il attendra la fin de la partie.   Elle saisit, au centre, le jeu de 52 cartes qu’elle pose immédiatement sur le côté.  Puis elle retourne la boite. Les jetons s’éparpillent sur la table et nous nous faisons une joie de les séparer par catégorie avant de se servir car ils représentent notre petit trésor de départ. Les ronds valent 1, les carrés 5 et les rectangles 10, quelque soit la couleur. Dans le grand coffret, se trouvent cinq  petites cases amovibles dans lesquelles vont miser les joueurs. Celle du centre, carrée mais posée comme un losange, porte en son fond l’image d’un nain. Vêtu d’un habit jaune et coiffé d’un  chapeau d’arlequin multicolore, il semble agiter ses grelots tout en brandissant  la carte du 7 de carreau : celle qui rapporte davantage car chaque joueur y mise 5. Sur les autres cases rectangulaires mais avec un côté coupé en oblique pour s’encastrer avec celle du centre, sont peints successivement, le dix de carreau, le valet de trèfle,  la dame de pique  et le roi de cœur.  Que d’émotions je ressens en revoyant ces petits personnages au fond de leur case et dont la couleur a  à peine pâli !
Je me rappelle maman prenant les belles cartes glacées qui glissaient si bien dans ses mains et qui paraissaient toujours aussi neuves comme sorties de leur étui pour la première fois. Elle les battait, une fois, deux fois, trois fois, et après les avoir fait couper, elle les distribuait en prenant bien soin de laisser un talon. Chacun alors, du plus petit au plus grand s’empressait de les ranger dans l’ordre : As, roi, dame, valet, dix,  neuf etc… Il n’était pas besoin de savoir lire pour déjà s’enthousiasmer et avoir envie de gagner ! Et nous pouvions alors jouer pendant deux heures au moins. Le temps passait bien vite ! La partie terminée, avec autant de soin, maman rangeait à nouveau le jeu dans son armoire comme un bien très précieux.
Plus tard, quand nous venions en vacances, maman sortait à nouveau sa boite et jouait avec ses petits-enfants.  C’est ainsi que devenue maman, j’ai joué, avec quelle émotion,  avec mes enfants petits ! Puis un beau jour, nous avons eu la boîte en cadeau et l’avons emportée avec joie, à la maison. Que de bons moments avons-nous passé ensemble !  Les enfants grandissant, le jeu n’a pas été oublié mais soigneusement rangé pour, de nouveau, réapparaitre avec mes petits-enfants. A leur tour, ils ont apprécié « le nain jaune » et ne manquaient pas de le réclamer lors de leurs séjours,. Ils prenaient vraiment beaucoup de plaisir pour ce jeu facile et attrayant. Pour moi, c’était un moment à la fois très agréable et très émouvant, fait du souvenir de mon enfance et du plaisir partagé.
Maintenant, le coffret dort sagement dans l’armoire en attendant peut-être qu’il serve à son tour pour mes arrière-petits-enfants. Qui sait ?

Marie-Thérèse
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Je me souviens d’un petit cheval en carton, des dominances vertes de sa robe, sa crinière en fourrure, la selle marron, les rênes, ses grands yeux semblables à ceux des chevaux de bois des manèges. Ses pattes étaient solidement fixées sur une planchette marron à roulettes. Il était fait pour supporter un enfant de 2 à 4 ans. J’ai pu le chevaucher un an de plus. Je passais des heures  dessus, le poussant avec mes pieds et mes petits pistolets à amorces. Je sauvais le monde en faisant fuir les bandits. Je ramenais la paix dans les villages, fière de mon étoile en carton dorée. Je chantais les chansons d’Yves Montand en agitant la corde à sauter qui me servait de lasso. Il chantait ‘Chikita’. C’est le nom que je donnais au cheval. C’était mon ami et mon frère car celui-ci l’avait reçu pour son dernier Noël ; c’était ses deux ans. Dans le mois, il disparut. Il aurait bien joué avec ce cheval comme moi quatre ans après. J’en parlais souvent à mon compagnon de jeux. J’aurais tant aimé qu’il revive. Où est mon petit cheval de carton ? Il a dû faire le bonheur d’un autre bambin. J’avais fait mon entrée à l’école primaire où j’apprenais à m’instruire ce qui m’était agréable. Adieu peluches et cheval de carton ! 1949 est là. Un autre monde se construit !

Mireille 
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Bernard était un poupon en celluloïd de la taille d’un nouveau-né.
Je suis devenue sa petite maman vers 1945. Étant une petite fille craintive et anxieuse, quand je l’avais dans les bras, je faisais corps avec lui et devenais plus forte car je devais protéger mon bébé symbolique. C’est comme cela que je l’ai emmené en classe en fin d’année scolaire, invincible avec lui car j’en étais responsable.
Je pense que l’instinct maternel habitait déjà la petite fille. Je n’ai pas oublié la petite barbotteuse tricotée en laine bleue avec laquelle je l’habillais. De peur qu’il n’ait froid, je l’enveloppais dans un grand burnous blanc. Un petit drap, une petite couverture et en route dans sa petite poussette pour l’emmener avec moi.
Bernard, mon baigneur, a fait partie de ma vie de petite fille. Il a été vacciné : trois petits trous dans son bras en celluloïd. Avec le temps, le visage avait pâli à cause des toilettes à l’eau et au savon. Ayant subi quelques maltraitances involontaires, ses jambes étaient réparées avec du sparadrap.
Lorsque je suis devenue adulte, mariée et mère, mon poupon a été remisé au grenier, à Gentilly. Un peu d’intérêt pour lui m’a fait le rechercher et ne le trouvant pas, je m’enquiers de son sort auprès de mon mari qui me répond : « Ah, j’ai jeté ce vieux machin décoloré et couturé de sparadrap ! »

Josiane

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Si vous saviez comme vous avez compté poupées mannequin. Vous n’étiez pas que des pantins désarticulés  entre mes mains mais des petites fées. Vous vous demandiez peut-être ce qui m'attirait le plus chez vous ? S’agissait-il de vos cheveux rétractiles grâce au bouton dans votre dos que je coiffais avec langueur et volupté comme les miens avec une brosse minuscule ? Ou était-ce vos tenues indispensables pour sortir par grand vent avec votre manteau CHANEL ROSE COMME IL SE DOIT POUR UNE FILLE et votre sac à main Dior évidement ? Ou encore la tenue de cocktail et la petite coupe de champagne ? Et quand viennent les grands soirs ou soirées mondaines qui riment avec lamé doré et décolleté plongeant, strass et colliers de perles  aussi luisantes et nacrées que vos dents ? Je vous aimais mes poupées. Vous étiez mes bébés. Je vous aimais quand de vos grands yeux à la Betty Bopp vous me regardiez sage comme des images, attendant que je souligne d'un trait de crayon vos paupières de biches, ou que je rehausse votre tenue d'apparat d'un boléro de dentelle pour vous rendre au Balajo ou à la Scala. Que de rêves, de pulsions, de tendresse et de passion n'avez-vous pas éveillés et électrisés en moi. Je vous parle ainsi de cette lumière qui incite toute petite fille à se prendre pour un mannequin de Vogue ou d’Elle, les grands magazines de mode féminine qui ont perduré depuis.  Petites poupées aux jambes immenses d'un galbe parfait à qui je prêtais aisément le rôle de Gisèle ou de Copélia  dans un ballet de Tchaïkovski. Charmantes petites nymphes qui articuliez vos bras dans un arrondi gracieux et gracile et dans des arabesques et ronds de jambe que personne n'auraient imaginé avant. Vous m'accompagniez avec vos mouvements. Je me confondais en vous en figure de mode du moment harmonieuse, esthétique et artiste à la fois. Je vous dessinais et en vos yeux immenses je plaçais cette flamme de la passion. Que la culture et l'éducation vous seyaient à merveille ! Vous étiez mes élèves. J'étais donc votre professeur. Vous étiez mes modèles, j'étais votre maîtresse. Je vous croquais des yeux. Vous me regardiez placidement. Petits pantins en qui je mettais ma confiance. Où vous trouvez-vous ? Jetées à la poubelle par une main indifférente, importunée par votre présence, ignorante de notre passé ? Où êtes-vous, vous qui avez tant compté  pour moi ? Celles à qui je parlais et à qui je confiais mes secrets par l'intermédiaire de l'écriture, du dessin et de la lecture. Vous m'avez transportée dans un autre monde celui enchanté des filles et du monde féminin. Vous m’avez permis de mieux comprendre celui de ma grand-mère qui petite main au service de son cher mari tailleur de métier s’habillait de la tête au pied en petit costume rose et escarpins assortis. Vous m’avez permis d’apprécier  les différents  tissus que je tenais entre mes mains, cette étoffe de soie qui glissait entre mes doigts et les siens m'ont ouverts un univers incroyable de sensations, de visions  d'odeurs et de chaleur. Nous passions du temps à confectionner des tenues d’or ou d’argent, de mousseline ou de taffetas pour mes nymphettes d'un soir. Merci Mamie de m'avoir appris à coudre à cette occasion. Toi seule possédais la patience et la  passion pour m'expliquer sans t'énerver les petits points et les surjets, les finissions et les ourlets. Merci ma Mamie tu résideras à jamais au fond de mon cœur. Nous avons su recréer toutes les deux un monde de rêve meilleur et de bonheur.

Claudine
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Je me souviens d’un singe en peluche rousse avec une longue queue, un peu dégarni, des mains trouées, des yeux noirs brillants collés sur du carton qui ne l’avantageaient pas. Il me faisait peur. Je ne voulais pas le voir. Il appartenait à ma sœur qui l’avait reçu en cadeau dans sa petite enfance.
Dans mes premières années, je voulus bien l’incorporer dans mes jeux. Il s’appelait Dudule.
Je lui fis tenir le rôle du père qui me forçait à manger ma soupe. Je m’installais sous la table ronde recouverte d’un grand tapis de table conçu point par point en tapisserie. C’était un chef d’œuvre qui descendait jusqu’à terre. Bien protégée, j’y installais ma maison pour jouer à la dînette avec mes poupées. Ma maman me donnait un peu d’eau et de café pour verser dans les assiettes. C’était amer mais je jouais la scène. Je devais boire les soupes. Les autres  avaient des compliments et moi je tenais tête à Dudule, ce père improvisé. Je me retrouvais dehors (hors de la table) jusqu’à ce que je finisse cette soupe amère qui me donnait envie de vomir.
Deuxième tableau : Je préparais mes noces avec Dudule. C’était beaucoup de préparations, des rideaux faisaient office de toilettes. Je disais «oui» au maire. Evidemment, je jouais tous les rôles. Le repas de noces était selon le moment : des mûres, du sucre, pas grand-chose mais c’était loin des histoires avec mon Prince Charmant rencontré par hasard dans des circonstances imprévues et qui se terminaient bien.
Le troisième scénario : J’étais chef indien avec mon arc à flèches et mon couteau en carton. Dudule assis sur son trône avec des présents, était le Grand Manitou. Je dansais, je chantais pour faire venir le soleil, la pluie, la gloire.
Ces trois histoires que je vivais régulièrement dans les années 40, se sont arrêtées avec mon entrée au C.P. J’ai réalisé que Dudule n’était pas là pour me faire peur. Je le mis donc de côté.
Je n’avais pas de peluche à moi à câliner. Je ne sais pas ce que Dudule est devenu. Mais il a tenu une place dans ma petite enfance. Il m’a servi à exprimer mes manques et à prendre confiance en moi.
Depuis, j’ai reçu des peluches en cadeau, des délicieux Kiki dont il ne me reste qu’un exemplaire, depuis plus de trente ans, avec son petit biberon. Ses doigts sont un peu rongés mais qu’importe ; je le garde quand même.

Mireille


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