dimanche 14 décembre 2014

LA SALLE D'ATTENTE DU MÉDECIN


1 - Ma mère m’emmène en ville. Dans la rue principale, nous entrons dans la pharmacie pour acheter des bonbons paraît-il. À peine dans l’officine, nous bifurquons dans un couloir où une porte s’ouvre. Je suis happée par un adulte et installée dans le fauteuil du dentiste. Je vais tellement hurler qu’on m’entendra de la rue. Pas d’attente, l’accès direct : c’est la mise en confiance pour l’avenir.
2 – Salle d’attente d’un bloc opératoire, les patients sont alignés en attendant leur passage. Je n’ai pas le moral. Le garçon de service le voit et me dit « Il ne faut pas pleurer madame », que répondre ? « Quelle chanson aimez-vous ? » Je m’en fiche d’une chanson mais il insiste, mais celle que j’aime n’est pas très connue : Étranger dans la nuit chanté par Frank Sinatra. Le garçon sort son smartphone, cherche et trouve la chanson. Il glisse son appareil contre mon oreille et retourne à son travail. La porte de la salle d’opération s’ouvre. C’est mon tour, on m’installe en laissant l’appareil à mon oreille et je m’endors doucement accompagnée par la voix de Frank Sinatra.
3 – Le service des urgences d’un hôpital. Une foule disparate se tient là, un peu plombée car nous savons tous que l’attente sera longue.
Une personne, peut-être sdf, arrive et s’installe dans un coin. J’observe qu’elle ne passe pas par l’accueil mais que la personne de service la voit sans s’en inquiéter.
Après un certain temps, quelqu’un du personnel vient lui porter un sachet contenant, je crois, de quoi manger.

Josiane
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Quoi de plus variée que la salle d’attente du médecin, à l’image de la société. Elles sont peut-être le reflet du quartier  et du standing du médecin généraliste ou spécialiste ! Elles sont toutes différentes !

Je me rappelle une fois, avoir pris rendez-vous chez un spécialiste assez âgé qui travaillait à l’ancienne. Je pénètre dans un petit hall carré peu éclairé. Là, sur la gauche, une porte en bois brun. C’est celle de la salle d’attente. Elle est rectangulaire, silencieuse mais minuscule. Une ampoule pend du plafond donnant une lumière blafarde. D’un seul côté du mur, un banc de bois permet de s’asseoir à une ou deux personnes, pas plus. L’espace est si étroit qu’il n’autorise pas d’autres sièges. Si vous allongez un peu les jambes, vous touchez le mur du cabinet. L’angoisse me saisit. J’ai l’impression d’entrer dans un placard. Me suis-je  trompée ? Je me demande si je vais repartir. Mais non, une porte s’ouvre déjà. Heureusement, je n’ai pas eu longtemps à attendre. En outre, le cabinet est très lumineux  et l’accueil du docteur très chaleureux.

Une autre fois, une amie m’a raconté son aventure : « Je ressens des douleurs dans le dos depuis des années. Une collègue de travail me recommande le cabinet privé d’un professeur dans le 16° arrondissement, rue Malesherbes. Après avoir pris rendez-vous, obligatoire, je m’y  rends un peu anxieuse, je ne connais pas ce beau quartier et j’appréhende aussi la consultation. Déjà, j’ai du mal à trouver la porte, et j’angoisse. Je n’avais pas vu la plaque discrète, sur le côté d’un renfoncement. J’appuie sur le bouton, la porte s’ouvre comme par enchantement, sur une petite pièce. Imagine !..., deux parois à mi-hauteur la divisent et sur leur base blanchie à la chaux, se dressent des longues planches de peupliers vernies  reliées entre elles par des cordes. Entre les deux, un petit bureau sur lequel repose un écriteau : « Accueil ». Mais il n’y a personne ! Dois-je pénétrer davantage ? Je m’interroge. Un coup d’œil circulaire et sur le côté droit, je découvre à demi-dissimulés par un panneau de même bois, deux fauteuils de cuir noir et quelques revues déposées sur une petite table en verre. Je m’assois et attends fébrilement. Quelqu’un viendra-t-il à l‘accueil ? Personne,  ou plutôt un homme grand, déambule, le portable à l’oreille sans me voir. Je commence vraiment à être très mal à l’aise. Je me sens si peu à ma place dans ce décor parfait comme un objet insolite posé au mauvais endroit. Avec tous ses gréements autour, j’ai l’impression d’être sur un bateau à voiles !  C’est très beau mais je ne suis pas venue au musée. J’ai vraiment envie de fuir quand une patiente sort du cabinet. Un vrai mannequin, tout droit sorti d’un catalogue de mode : cheveux laqués, rouge aux lèvres et maquillage, vêtements de marque, chaussures à talons et même le parfum reflètent son élégance et sa classe. Elle me toise tout en s’en allant et sa moue pincée en dit long. Tu penses, moi, même sur mon trente et un, je me suis sentie ridicule et j’avais presque honte de m’être fourvoyée dans un tel endroit. J’étais prise comme un rat. De la porte de son cabinet, le praticien, l’air étonné, m’a appelée d’une voix douce. Courtois mais glacial, il m’a fait entrer. J’étais si perturbée que je n’ai rien retenu de ce qu’il m’a dit. Heureusement, il envoie son compte-rendu à mon médecin habituel ! »

Le mien, il y a quelques années, avait son cabinet dans sa jolie maison. Elle  ne donne pas directement sur l’impasse où elle se cache. Il faut d’abord, arriver au petit portail, tirer sur la chaine d’une petite clochette avant de traverser un jardinet et d’atteindre la terrasse couverte d’une abondante vigne vierge. Heureusement, une flèche sur une pancarte indique l’entrée de la salle d’attente. La porte, dans l’angle s’ouvre vers l’extérieur. Carrée, de taille réduite, elle ne peut guère contenir plus de trois ou quatre personnes à la fois. Une banquette basse les attend. Deux murs gris-perle et dans l’angle une lampe ancienne éclaire joliment le tableau accroché au mur, tout en diffusant une apaisante lumière.  Les deux autres murs sont plus clairs. C’est le coin des enfants : jouets éparpillés sur un tapis de sol, table basse entourée de chaises et de fauteuils très bas. L’attente sera plus facile  et les bambins plus sages !  

Maintenant ce cher docteur a pris sa retraite et la salle d’attente du médecin de quartier n’a rien de très poétique. C’est presque un bureau espace-ouvert. De la porte d’entrée, vous vous dirigez tout droit vers le bureau d’accueil. Des deux côtés, un couloir. Deux secrétaires, casque sur la tête pianotent sur leur clavier tout en répondant au téléphone. Entre deux écoutes, l’une d’elles vous demande votre nom et celui du docteur avec lequel vous avez rendez-vous avant de vous enjoindre de vous asseoir derrière la paroi vitrée où attendent les clients. Certains parlent fort, d’autres  montrent des signes d’énervement, se lèvent,  regardent à droite ou à gauche dans le couloir puis se rassoient. D’autres encore, plus patients, se plongent dans la lecture d’un livre ou d’une revue. Ici, ce n’est pas le petit cabinet intime mais un centre médical où officient plusieurs praticiens. Alors, il y a toujours foule et parfois, il n’y a même plus assez de sièges pour les derniers arrivants. Le bruit des voix est incessant et seules les différences de tons en rompent la monotonie. Parfois, des amis ou des voisins se rencontrent et se mettent à discuter ou à raconter leurs misères comme dans un salon sans se soucier des autres. Attendre, il faut attendre et quel soulagement quand c’est enfin mon tour.

Marie-Thérèse
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La salle d’attente médicale de la caserne est en effervescence. Il y règne de forts relents d’alcool rectifié. C’est aujourd’hui que les nouveaux conscrits doivent subir la pluri-vaccination T.A.B.D.T.
Un strict cérémonial se déroule :
A – Une brochette de gars, torse nu, s’assoient sur les bancs, face au mur.
B – Une aiguille leur est plantée entre les omoplates par des infirmiers.
C – Les médecins-majors n’en finissent pas de commenter entre eux le poker de la veille ou de pronostiquer les courses de chevaux du lendemain.
D – La conversation tarie, ils passent dans les rangs et, de leur seringue, envoient une giclée dans chaque aiguille.
E – Les infirmiers retirent les aiguilles des dos.
F – Des brancardiers ramassent ce qui gît et évacuent la salle.

Emmanuel
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Qui n’est jamais entré dans une salle d’attente de médecin ? Aujourd’hui, peu de personnes.
Celle qui jouxte la salle d’examen de mon médecin est des plus modestes. En quarante ans maintenant, je n’y ai as vu de grands changements ; la pièce qu’elle partage avec son confrère n’est pas très grande mais pourvu du nécessaire, mobilier simple et complet, avec beaucoup de chaises toutes semblables, une table basse offrant diverses revues afin de rendre l’attente plus courte et détendue ; aux murs quelques communications et affiches à caractère médical retiennent l’attention des adultes… juste ce qu’il faut. Les patients qui la fréquentent sont à son image, calmes et réservés : ils se « tiennent », car aller en consultation reste un petit événement de la vie familiale. Ils sont en principe du quartier et tous les âges sont représentés, toutefois les visages changent en fonction des heures et des jours de la semaine.
Les deux médecins du cabinet ont dû faire carrière ici, avec toute la discrétion nécessaire. Ils ont suivi des familles entières… Il règne ici une ambiance sereine et familiale, un peu à la manière d’autrefois. Pour les patients handicapés, gravement malades ou très âgés, les médecins se rendent au domicile, souvent proche du cabinet ce qui devient une rareté. Mais quand je les croise dans mon immeuble, je vois qu’ils fatiguent… en vieillissant comme nous.
Ainsi la vie simple du quartier se glisse dans la salle d’attente de mon médecin. Parfois, en attendant mon tour, je me dis qu’on pourrait l’embellir un peu cette salle : un coup de peinture, quelques tableaux montrant de jolis paysages, un fond musical discret pour que chacun puisse profiter de ce répit dans ce havre de paix. C’est que toutes sortes de raisons heureuses ou malheureuses amènent petits et grands à prendre le chemin de la salle d’attente du médecin.

Françoise
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Une salle d'attente, salle de détente ou salle des pas restreints et des sièges non perdus pour tout le monde. Salle où les yeux du praticien dépassent et disparaissent tour à tour derrière le guichet, le blanc de ses yeux absorbés dans son planning ouvert, une main sur son téléphone, l’autre sur ses ordonnances de prescription et le carnet d'adresses de ses clients s’empêtrant pêle-mêle dans un fatras de paperasseries sur un bureau où on dirait qu’un oiseau a fait son nid. Il n'a pas sitôt levé les yeux sur une patiente assise dans un recoin, essayant vainement de se remémorer à quelle heure il a bien pu lui donner son rendez-vous, qu'il est interrompu par un appel. Le temps de répondre, il fonce dans sa salle de soins afin de la ranger suite à la visite de sa dernière cliente. Il a dû y égarer quelques notes, il revient rapidement et s'écrie : "Votre nom ? Vous aviez rendez-vous à 15h30 ! " Effectivement il est 16h15. Et de repartir pour revenir aussi rapidement. La patiente bredouille, s'excuse, puis et il reprend bougon :"Je vais voir ce que je vais faire !" Le manège recommence dans une cacophonie de sonneries diverses entre le portable de la retardataire et le sien. La porte d’entrée grince comme les jointures de ses patientes, il jette un coup d’œil furtif à la nouvelle venue, sans un bonjour de bienvenue, il finit par lancer à celle-ci quelque peu impatiente et sur le qui-vive, ne sachant quelle contenance avoir :"Venez ! Installez-vous !" Le soin s'effectue entre de nombreux appels. On entend des plaintes et des craquements d’os qui me déchirent les entrailles derrière la porte. Soudainement, je commence à angoisser. Mes tympans souffrent aussi. J’ai l’impression d’être la peau d’un tambour sur lequel rebondissent les sons divers. La porte de la salle d'attente s’entrouvre en même temps que celle de la salle de rééducation comme par magie. Pure coordination ! La grande stature du kinésithérapeute s’encastre parfaitement dans l’encadrement du pas-de-porte. Il consulte rapidement son registre. Fait un geste de bienvenue en direction de la jeune femme béquillant pour l’inciter à venir s’asseoir, bousculant au passage, la dame bien en chair occupant presque deux sièges. La dame ronde se raidit promptement en n’essayant même pas de rassembler ses sacs répartis ici et là ! La situation deviendrait vite  burlesque si le praticien peut bavard mais éloquent,  joignant le geste à la parole, s’empare des affaires de la dame pour les glisser sous la chaise ! Pendant ce temps, la jeune femme prend ses aises et étend sa jambe sur la chaise vacante sous le regard courroucé de la matrone qui fait alors un tour rapide de la salle d’attente aux vues de l’exigüité des lieux… Dans un coin une dame entre deux âges, d’un œil amusé essaye vainement de soutenir son regard, puis finit par baisser la tête, pour finir de la tourner résolument vers la porte d’entrée où une cinquième personne s’apprête à entrer. Le praticien comme précédemment surgit de son antre. D’un œil éclairé, il jette un regard sur son petit monde. Demande à la jeune femme de s’installer sur le siège jointant celui de la dame forte, sous le regard courroucé de celle-ci, désamorçant une situation quelque peu conflictuel, d’un sourire de circonstance à la fois paternaliste et professionnel vers cette dernière. Il essaye de canaliser les tensions en rassurant l'une, calmant l'autre. Dans la salle d'attente, un silence gêné s’installe et se transforme en salle des regards perdus. La dame aux sacs jette des regards curieux sur la petite dame voûtée venant de rentrer qui de temps à autre la dévisage de derrière ses lunettes entre deux "Ici et Voilà !" Un homme vient de prendre place. Il affiche une bonne humeur transparaissant dans son sourire charmant. La dame aux sacs est conquise. Finalement La bonne humeur ne tient qu'à une chaise et ce monsieur relativement fin et délié, n’occupe qu’une moitié de siège n’en paraît pas plus troublé pour autant !  

Claudine




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