samedi 7 novembre 2015

UNE BELLE PERSONNE AGEE






La société et la littérature ne sont pas tendres avec les personnes âgées et leur beauté est rarement reconnue, pourtant...
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Dans la société actuelle, les vieilles personnes sont mises de côté, oubliées ou ignorées, à cause de la peur de vieillir et de l’idée de la mort qui fait fuir.
Pourtant, regardez cette vieille dame qui fait son marché. Ses rides au coin des yeux racontent les moments merveilleux qu’elle a vécus, celles au coin des lèvres, les sourires et les rires qui fusaient. Quant aux rides profondes qui barrent son front, ce sont celles des soucis, des malheurs qui ont ponctué sa longue existence. Si vous observez ses mains usées, vous y verrez toute une vie de travail et tant de caresses données. Sa démarche est lente et hésitante. Désormais son corps prend ce temps qu’il n’avait pas avant. Ses cheveux sont devenus blancs et lui font une couronne d’argent. Dans son regard, on aperçoit de l’amour à revendre, de l’expérience et des histoires à transmettre. Sa mémoire devient défaillante, mais elle se souvient parfaitement de l’affection qu’elle a reçue, donnée et transmise. Ne jugez pas une vieille ou un vieux au premier coup d’œil, souvenez-vous que ce corps usé a ri, chanté, aimé, travaillé et qu’un jour… vous aurez peut-être la chance d’être comme eux.

Valérie
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Toujours le mot arrivant juste à propos comme une caresse pour apaiser les tempêtes, à la fois humoristique et tendre, comme une douce brise qui soulage les maux de cœur et met du baume aux âmes tourmentées. Mais elle peut renvoyer des éclairs quand elle aborde l'injustice, la pauvreté et la misère.
Pas si expansive et pourtant si généreuse, elle est souvent silencieuse, mais ce n'est que pour mieux se tourner vers les autres. Elle dispense avec modération à chacun son bonjour et son petit mot du jour, sans pour cela se refréner. Une lumière en ses yeux s'allume quand elle aborde les faits de société. De ceux qui défendent la veuve et l'orphelin, le sans-papier et sans domicile et surtout les élèves qu'elle a pris sous son aile protectrice depuis déjà tant d'années. Ceux qui ont réussi dans la vie à s'en sortir et à crier haut et fort qu'il dispose de ce qu’il y a de plus constructif dans la vie : l'entraide et la solidarité. Ils reviennent vers leur tutrice, leur éducatrice, leur mère Térésa
qui leur a tout donné : attention-patience-logique-concentration-conseils et une bonne ligne de conduite qu'ils observent au doigt et à l’œil vigilant de leur tutrice attentive et affectueuse à la fois. Ainsi fiers de leur réussite, ils font le bonheur de cette petite dame au grand cœur. Et de venir prendre de ses nouvelles illumine ce regard qui ne date pas d'hier mais qui a gardé son âme d'enfant à la fois naïve et authentique, en reflétant une belle intériorité. Depuis quelque temps déjà, elle a des problèmes de santé, mais elle positive bien sûr, cachant ses angoisses sous son dos voûté par les années. Même si la vie la malmène, elle ne se plaint par pour autant en acceptant son fardeau, restant digne et discrète sans vouloir nous importuner. Ce n'est que pour mieux rebondir car sa volonté est sans limite. C'est avec un sourire fin et délicieux qu'elle nous distille sa jolie prose et ses textes poétiques.
Que vous dire de plus à propos de ce petit bout de femme ? Elle m'émeut, me surprend et mérite au combien cet hommage!
Mais je doute qu'elle accepte de bonne grâce  tous ces compliments, tant sa pudeur et sa discrétion l'enveloppent comme une deuxième peau. Vous pourrez dire que je lui taille un costume sur mesure à notre petite "Cri-Cri" - qui pourtant en a mangé de la soupe alors qu'elle n'aimait pas particulièrement cela.

Claudine
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La belle silhouette d’une femme âgée se profile. Des cheveux très blancs, légèrement bombés, autour d’un chignon, entourent un visage aux belles couleurs. Mme Jacquet est une grand-mère active, avenante, vêtue comme les femmes de l’époque, blouse et tablier de couleur foncée.
L’histoire se déroule durant la guerre. Par un bel après-midi d’été, les enfants s’ébattent dans la Seine, où l’on peut se baigner. Soudain, quelqu’un dit ; les Forteresses sont là !Au-dessus de nous, dans le ciel bleu, des points blancs lumineux : une escadrille d’avions américains. La peur s’empare de tous, et comme une envolée d’oiseaux, nous courons aux abris qui ne sont pas très loin. Ce sont des anciennes galeries, creusées dans la falaise, sous la colline. Mme Jacquet est la propriétaire des lieux et la grand-mère de Nelly, la camarade avec qui je joue. Nous voyant ainsi arriver toutes les deux, affolées et mouillées, elle nous enveloppe vite fait dans des lainages et nous envoie dans les caves ; geste chaleureux et protecteur que je n’ai pas oublié.

Une autre fois, à la même époque, je joue avec Nelly, c’est l’heure du goûter. Habitant loin, je ne retournerai pas chez moi pour le quatre-heures. La vieille dame va dans une réserve et écrème le lait d’une grande jatte en grès. Consciencieusement, elle étale la crème sur du pain frais et avec simplicité, donne à chacune une tartine. Ce geste reste gravé dans ma mémoire. Que c’était bon quand dans notre vie « il faisait faim ». Voici donc, dans mon souvenir, une belle et bonne personne âgée.

Josiane
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Bernard et Raymonde sont des Gardois, respectivement âgés de 78 et 75 ans.
À l’occasion d’évènements familiaux, ils rendent visite à leur fille, résidant en région parisienne. C’est là que nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises.
Raymonde me reçoit avec un chaleureux sourire, comme si elle me connaissait depuis toujours. La qualité de son accueil détend le visiteur, elle vous sert une boisson exquise dont elle seule a le secret ; votre venue est une évidence.
Elle est impeccablement coiffée ; ses cheveux blancs sont permanentés ou frisent naturellement, mais là n’est pas l’essentiel.
Elle n’et presque pas ridée,  n’ayant certainement pas forcé sur les rides d’expression de nos trentenaires, qui recourent plus que de raison, pour conforter leurs propos, appuyés, en boucle, de « en fait » pseudo-argumentatifs : ces rides « d’intelligence » sont oedémisées au Botox !
Le regard de Raymonde est paisible, ne juge pas et n’est point indiscret.
Elle doit faire 1,70 mètres, a gardé la ligne, s’occupe silencieusement aux tâches ménagères, évoque discrètement son enfance, reste discrète, par modestie, sur une vie professionnelle bien remplie.
Raymonde recueille les confidences de ses petits-enfants, fait une ravissante layette pour sa future petite-fille, ses doigts ne restent jamais inactifs et son esprit est de vif-argent.
Pourtant, elle a eu son lot de soucis de santé, ses proches n’ont pas été épargnés, elle a traversé les guerres de la vie.
Raymonde est en parfaite harmonie avec son époux, un grand Monsieur de 78 ans qui semblerait effacé s’il n’imposait pas naturellement le respect par sa prestance ; à peine a-t-il quitté la table qu’il va repeindre les persiennes et entretenir la propriété de sa fille : son entourage, à l’unanimité, s’accorde à dire « qu’il donne envie aux paresseux de travailler ».
Il possède une maîtrise extraordinaire : un jour qu’il venait me chercher à la gare, avec son petit-fils déjà adolescent, un véhicule surgit de nulle part l’a accroché ; il a gardé son calme olympien, tandis que le jeune conducteur l’abreuvait d’insultes et menaçait de le frapper.
Raymonde et Bernard, à l’hygiène de vie irréprochable, n’ont jamais touché au tabac ou à l’alcool.
La rencontre de telles personnes rassure. On se ressource à leur contact, tout semble glisser comme le vol de l’oiseau, l’étirement du merveilleux nuage, du lever au coucher du soleil.

Marie-Christine
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Une belle personne âgée ? Cela existe-t-il ?
Mais oui, car elle est belle pour ceux qui l’aiment. En cherchant dans mes souvenirs, je revois ce vieil homme aux cheveux blancs et à la belle moustache, blanche elle aussi. Ses yeux bleus, d’un bleu si pâle, comme délavé par le nombre des années. Cet homme était mon grand-père. Il passait ses journées dans son jardin. Il semait, plantait, ratissait, désherbait, faisait la chasse aux escargots et autres limaces qui venaient dévorer ses plantations. L’hiver, au coin du feu de cheminée, il tressait l’osier pour en faire des paniers. Le feu dans la cheminée lançait des étincelles lorsqu’une bûche à demi consumée tombait dans les braises. Là, il me racontait sa vie, les souvenirs de sa jeunesse. Vie de labeur dans les champs, l’élevage des animaux – chevaux, vaches, cochons – qui leur donnaient beaucoup de travail. La basse-cour aussi, qui était plutôt le domaine des femmes et qui piaillait, picorait, se chamaillait pour un ver de terre. Comme j’aimais entendre ses récits et comme j’aimais aussi ses silences. Cet homme qui, comme des milliers d’autres, avait connu l’arrivée puis l’essor de la voiture, de l’avion, du chemin de fer, de l’électricité, etc., avait gardé la simplicité des hommes vivant du travail de la terre. Il vivait au rythme des saisons, marchant avec ses sabots de bois et n’élevant jamais la voix. Je revois son regard porté sur mes enfants : quatre-vingt ans séparaient leurs années de naissance mais ils étaient soudés par l’amour qu’ils partageaient.
Malgré ses défauts (qui n’en a pas !), j’aimais cet homme et le respectait. Il est parti, à quatre-vingt-six ans. Comme il me manque !

Colette
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Qu'est-ce qu'une « belle » personne âgée ? Pour ma part, je l'imagine sous deux aspects : la beauté physique et  la beauté intérieure.
En ce qui concerne le physique, il est évident qu'en vieillissant personne ne peut conserver intacte la beauté de sa jeunesse, du moins sans artifices. Certes, il n'est pas interdit pour autant de s'entretenir, de mettre de la crème pour hydrater la peau qui devient plus sèche en vieillissant. Certaines dames âgées savent rester très coquettes en mettant un peu de rouge sur leurs  lèvres, un peu de poudre sur leurs joues, en se maquillant légèrement les yeux et même en vernissant leurs ongles. Et pourquoi pas ?  Ceci est une affaire de goût. Mais point de recours à la chirurgie esthétique, ce serait tricher. Il faut savoir assumer son âge et  l'admettre, d'autant plus qu'au final on ne trompera personne.
D'autres savent aussi soigner leur apparence en adoptant des tenues seyantes. Il existe aujourd'hui beaucoup de belles choses et, sans tomber dans le ridicule, on peut ainsi donner aux autres une belle image de soi-même à un âge qu'on dit avancé. Toutes ces choses peuvent peut-être aussi aider ces dames à garder un moral d'acier et qui sait, leur faire parfois oublier un peu leur âge...
Mais les rides sur un visage ne sont pas forcément laides, elles sont le reflet de la vie, certaines personnes en auront ainsi plus que d'autres, c'est la nature qui décide dans sa grande diversité. Certaines personnes portent d'ailleurs très bien ces rides et même, ces rides peuvent parfois apporter de la douceur sur un visage qui a pu sembler sévère dans sa jeunesse.
Les mains vieillissent plus vite, c'est du moins mon ressenti. C'est là qu'on verra en premier lieu la marque laissée par les années qui passent, la peau va devenir plus fanée, moins douce et bien moins tendue. Quand j'étais petit fille, c'est ce qui me frappait quand je comparais ces mains aux miennes encore si jeunes. Et pourtant, ces personnes étaient loin d'être ce qu'il convient d'appeler des femmes âgées. Et ces mains vont changer, les doigts devenir noueux parfois, plus ou moins déformés. C'est que, quand on y songe, ces mains auront tant travaillé au fil des ans... c'est peut-être pour ça qu'elles se remarquent plus.
Pour ce qui est de l'a beauté intérieure, c'est pour moi de loin la plus importante. Une belle personne âgée est pour moi celle qui sait conserver sa joie de vivre, sans devenir aigrie au fil des années qu'on ne peut arrêter. Car avec cet entrain, peut-être du à sa propre expérience de la vie qui ne l'aura sans doute pas épargnée, elle saura rester à l'écoute des autres. Ne pas se concentrer sur soi-même, savoir témoigner de la sympathie, aider, compatir, soutenir dans des moments difficiles ceux qui traversent  son chemin, une telle personne âgée me paraît alors tellement belle !
Bien sûr les années défilent et apportent  leur lot de soucis, principalement ceux se rapportant à la santé qui devient plus fragile. En avançant dans l'âge, les individus marchent plus difficilement, ils  y voient moins bien, entendent aussi moins bien, leur rythme ralentit, parfois ils ont besoin d'être aidés au quotidien, qui n'a pas ses moments de faiblesse dans la vie. Mais à quoi sert de se lamenter à  longueur d'année, sinon à lasser son entourage ? Tous ces problèmes sont pourrait-on dire « normaux », ils viennent avec l'âge et il faut  donc les accepter de la même façon et faire de son  mieux pour vivre avec. Il est évident qu'une personne âgée touchée par ces maux, a droit elle aussi à de la compassion. Mais si elle sait en donner aux autres, nul doute qu'elle en recevra en retour.
Je pense également qu'avoir cette attitude positive en vieillissant peut aussi contribuer à maintenir le physique. Ne dit-on pas que le moral joue pour beaucoup sur la santé physique...
Si une personne âgée rassemble tout cela, un bel aspect physique mais surtout de telles qualités morales, n'a t-on pas envie de la connaître, de s'y attacher ? D'en faire peut-être même une amie ? Et je suis presque certaine qu'en cherchant bien, tout le monde connait certainement de telles personnes dans son entourage proche ou moins proche.
Alors moi, cette personne âgée, je serais sans aucun doute  heureuse de la connaître, ce serait une véritable source de richesse et je la trouverai assurément très belle pour tout ce qu'elle peut m'apporter.
Voilà donc pour moi ce qu'est une « belle » personne âgée.

Paulette
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Sa petite maison construite au bord de la mer, reposait à même le sable. Avec une particulière intensité, la clarté du soir éclairait la plage de ses derniers rayons. Je passai le seuil de la porte et pénétrer dans la pénombre, suivie de mon amie. Je ne la vis pas tout de suite, tant était fort, le contraste de la lumière à la semi-obscurité. Elle était pourtant là, debout, dans le silence, à nous attendre. Des mains à la fois douces et cependant calleuses saisirent les miennes pour me souhaiter la bienvenue. Tout de noir vêtue, menue et petite, ne dépassant guère le mètre cinquante, elle semblait se fondre dans le mur de la pièce. Je la voyais maintenant comme une ombre dans ce sobre décor. La lampe-tempête accrochée au mur, faisait scintiller le gris argent de son abondante chevelure ondulée et jetait sur le bel ovale de son visage allongé, un reflet changeant. Peu à peu, je m’habituais à cette absence de jour et distinguais ses traits. Elle rayonnait de bonheur, tout à la joie de nous recevoir. Ses magnifiques yeux noirs de jais, pétillants comme un jeune enfant à qui on vient de promettre une friandise, nous regardaient avec tendresse. A ce moment-là, son large sourire effaçait les quelques rides de sa figure hâlée par l’air marin. Tout en elle respirait la bonté. Elle nous fit asseoir autour de la table où elle avait dressé d’avance quelques assiettes et couverts. A petits pas rapides, elle s’empressa d’aller chercher sur son réchaud, une casserole d’où s’échappait, sous le couvercle, une légère fumée. Très active, malgré ses quatre-vingt ans passés, elle  nous avait concocté un plat de sa fabrication à base de farine de maïs qu’elle nous servit immédiatement. D’une belle voix chaude, bien timbrée mais qui se voilait par moments, elle nous conta alors comment après avoir patiemment décortiqué les épis et  fait tremper les grains pour les écraser, elle les réduisait en une pâte qu’elle enveloppait dans une feuille de bananier avant de la jeter dans l’eau bouillante. Tout en parlant, ses mains brunies s’agitaient sans cesse imitant les gestes de sa préparation. Elle nous apporta aussi une boisson qu’elle avait élaborée également à base de maïs, de morceaux de pommes et d’ananas et des œufs durs car elle élevait des poules dans son petit enclos.
Je remarquais alors la sévérité de ses vêtements. Une simple robe au col serré et aux manches étroites et longues, à la jupe presque droite couvrait son corps fluet mais pourtant vigoureux. Vivant seule, assez loin du bourg, elle n’éprouvait pas le besoin d’une quelconque coquetterie et peut-être n’en avait-elle pas les moyens. Sans artifice aucun, il se dégageait pourtant de sa personne, une certaine élégance et une beauté particulière due à la vivacité de son regard et à son ton doux et enjoué. Malgré l’extrême simplicité de la demeure et les conditions de vie assez spartiates, elle respirait la sérénité et le bonheur.

Marie-Thérèse 
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Dans les années 1920, le colonel Bramble achève sa carrière au service de sa très gracieuse majesté britannique. C’est alors un fringant militaire du type « Officier de l’armée des Indes », ne quittant guère sa badine ni sa flasque de whisky.
Bien que très âgé, en 1939, il reprend du service et réintègre l’armée à un poste administratif. Il est affecté à la direction d’un vaste camp de prisonniers de guerre italiens, implanté aux environs du Caire, à l’orée du désert.
Il recrute comme sous-directeur un sergent de police militaire surnommé Dandy car toujours tiré à quatre épingles. Polyglotte, il est chargé de la censure du courrier mais aussi d’assurer les fonctions d’écrivain public. Bramble se soucie de ses prisonniers, veille à leur moral, organise sports, distractions, allant jusqu’à accorder des permissions de sortie en ville. Des liens finissent par se tisser entre les prisonniers et leurs geôliers.
À la capitulation de l’Italie, les prisonniers sont libérés et le colonel Bramble démis de ses fonctions. N’entendant pas rester inactif, il parvient à obtenir une haute fonction en Italie au sein de l’autorité d’Occupation, l’AMGOT. Il dispose d’une jeep avec chauffeur et bénéficie de larges facilités aux magasins militaires dont les tenanciers sont à sa botte.
Quand l’occasion se présente, il rend visite à l’un ou l’autre de ses ex-prisonniers, les bras chargés de gâteries d’autant plus appréciées que règne la pénurie. Ce vieil homme fait en quelque sorte la pige au Père Noel.

Emmanuel
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Je me souviens d’une personne âgée dont j’ai apprécié la compagnie. Elle s’appelait Marie. Elle avait plus de quatre-vingt ans. Elle portait toujours un fichu, de couleur bleue, qui recouvrait ses cheveux. Il faisait ressortir ses yeux d’azur qui n’avaient pas perdu leur couleur, illuminant son visage ridé et son regard doux rempli de bienveillance, d’humilité, de compassion pour ses semblables.
Sa voix était douce, ses paroles réconfortantes, jamais de médisances. Elle était résignée  malgré les maladies et les aléas de la vie. Elle marchait lentement, à petits pas. Je la voyais lorsqu’elle rendait visite à une cousine, chez laquelle je venais passer quelques heures en tricotant de temps en temps. Ma Marie était très respectueuse, elle m’appelait Madame Arielle, ce qui m’étonnait car elle aurait pu être ma grand’mère, j’avais une vingtaine d’années à cette époque.
Lorsque ma cousine s’absentait un moment, elle me faisait des confidences. Elle était native de Charente. Elle était venue à Paris à l’âge de quinze ans, placée chez une famille aisée dont elle assurait le service et au fil des ans s’occupant de leurs enfants. Ce n’était pas toujours facile, cette vie sans avenir. Mais lorsqu’elle en parlait, émue, on sentait son attachement pour cette famille, le regret de ce temps perdu de sa jeunesse, de ces enfants qui étaient un peu ceux qu’elle n’avait pas eus. Pourtant ce devait être parfois pesant, de tout donner sans rien dire : sa jeunesse, sa vie pour si peu de reconnaissance, juste le salaire reçu.
Je ne l’ai plus revue. Elle partit à pas feutrés, discrètement, sans se plaindre comme elle était venue. Je n’ai jamais oublié ces moments passés avec l’agréable compagnie de Marie.

Mireille

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