vendredi 1 février 2019

UN PORTAIT EN FORME D'HOMMAGE

Elle  était bonne et patiente, elle a toujours su faire preuve de courage pour mener sa vie et a su se montrer généreuse, elle aurait sans doute mérité beaucoup mieux en retour.
A l'âge de l'adolescence, on lui a demandé de me prendre en charge et quand j'ai fait mes premiers pas à l'école, c'est elle qui m'y conduisait, elle qui était déjà une «grande» dans cette même école. C'est aussi elle qui était chargée de veiller à l'accomplissement de mes devoirs du soir, en m'expliquant quand je ne comprenais pas. La pauvre ! A son âge, j'imagine elle avait pas mal à faire pour elle-même, à l'époque le travail à faire chez soi était copieux, on ne s'interrogeait pas sur le bien-être des enfants. Cela explique sans doute le souvenir que j'ai gardé d'une gifle qu'elle m'a un jour donnée, la seule. Je n'avais pas compris ses explications pour un devoir d'arithmétique sur lequel je buttais ; et quand elle m'avait demandé ensuite si j'avais compris, j'avais donc répondu par la négative. Alors la claque était partie et elle m'avait alors demandé «et maintenant, tu as compris ?». Et bien évidemment, je n'avais pas compris d'avantage. Mais avec le recul je la comprends, je ne lui en ai d'ailleurs jamais voulu, c'est le genre de souvenir qui bien plus tard nous fait sourire. Je me demande  d'ailleurs si elle ne devait pas aussi s'occuper un peu des deux autres, et ces deux-là ce n'était pas un cadeau, ça ne devait pas être facile d'être l'aînée.
Elle obtenait de bons résultats scolaires mais elle travaillait dur pour ça. Toutes les deux nous aimions les études mais j'avais peut-être un peu plus de facilité, c'est en tout cas ce que la directrice disait à ma mère en nous comparant. Mais elle n'a pas pu continuer pour aller vers  l'enseignement, on ne lui a pas laissé le choix «car il y en avait encore trois derrière elle». Mais alors, que dire pour moi qui étais la dernière et qui ai plus ou moins subi le même sort. Qu'importe, elle n'a pas à rougir de sa vie, elle a su ensuite se consacrer à sa fille, puis à ses petits-enfants qui eux ont suivi leur voie.
C'était aussi devenu ma mémoire depuis que nous n'avions plus nos parents,  je me tournais tout naturellement vers elle en sa qualité d'aînée. Ai-je déjà eu la varicelle lui avais-je un jour demandé alors que ma propre fille l'avait ? Et la rougeole ? Car pas de carnet de santé à l'époque, du moins je n'en avais pas. Il fallait alors qu'elle se remémore tous les bobos de chacun et nous étions quatre enfants à la maison.
Plus j'ai vieilli, plus je me suis sentie proche d'elle, ce n'était pas ma mère mais pour moi elle l'était quand même un peu. Elle-même l'a dit un jour à sa fille, elle avait parfois joué le rôle de mère auprès de moi, cela nous a sans doute rapprochées. Dès que je me posais une question sur le passé de notre famille, ou sur de vieilles photos, je me tournais vers elle. Et  j'en aurais encore beaucoup à lui poser aujourd'hui. Il n'y a pas si longtemps, je me revois l'interroger au sujet d'un texte que j'avais à faire qui portait sur le thème du goûter, ou encore sur Noël. Je n'avais rien à raconter et je me demandais si je n'avais pas tout oublié car ça me semblait anormal alors qu'autour de moi chacun avait des souvenirs à raconter. Mais non, elle me confirmait, chez nous le goûter n'existait pas. Si nous avions faim m'avait-elle dit, on ouvrait le placard dans la cuisine, on y trouvait quelque chose à manger. Je ne me souviens aussi que d'un seul sapin de Noël à la maison, il avait été donné à mon père ; et là encore elle confirmait, pas de Noël non plus chez nous. Elle m'a dit être pourtant  intervenue pour moi auprès de nos parents, alors que je n'étais encore qu'une enfant. Je me souviens aussi d'un landau qui avait fait mon bonheur, j'y promenais une poupée dans la salle à manger car je n'avais pas le droit de le sortir, pour aller où d'ailleurs. Et ce n'est que tout récemment que j'ai appris que c'était  elle qui me l'avait offert, je l'ai toujours ignoré, quelle surprise ça a été pour moi
C'était ma sœur, celle à laquelle j'étais le plus attachée, elle vient de me quitter.

Paulette
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Je voudrais vous parler de Simone Veil, c’est une femme pour qui j’ai une grande admiration. Bien que ne partageant pas toutes ses positions politiques, j’ai pour elle un profond respect. La première fois que je me suis intéressée à elle c’est au cours de mes études de sage-femme, j’étais fascinée par sa volonté de respecter le droit des femmes dans sa lutte pour la légalisation de l’IVG. J’ai suivi son parcours politique et découvrais une femme dont la jeunesse a été meurtrie par la Shoah jusque dans sa chair. Elle défendait les hommes comme les femmes en posant ses arguments avec force et douceur mélangées, j’ai toujours admiré la grande dignité dont elle a fait preuve. Sa grande détermination à défendre l’Europe avec beaucoup de calme m’a épatée. Je trouve, encore  aujourd’hui, que c’est une très belle femme, passionnée par la vie. L’admiration que je lui porte est sincère, je l’aurai bien vue présidente de la République car elle incarne pour moi des valeurs de compassion. Je trouve qu’elle portait dans ses traits et dans son regard tout l’amour qu’elle avait pour l’être humain et la vie.
Dans un tout autre domaine c’est d’un acteur dont je souhaite maintenant vous parler. Il s’agit de Lambert Wilson. Il incarne tout à fait le modèle d’homme que j’apprécie. Je n’ai pas vu beaucoup de films dans lesquels il a joué, mon admiration n’a donc vraiment rien à voir avec ses talents d’acteur, je pense même qu’il a tourné dans quelques nanars. Je le trouve très beau physiquement et j’adore sa voix. Il paraît qu’il n’est pas vraiment attiré par les femmes, je m’en fous car j’ai toujours su que je ne le connaîtrais jamais. Je trouve qu’il est très séduisant et qu’il a un charme fou. Pratiquement du même âge que moi, je lui toujours trouvé beaucoup de prestance. Il ne le saura jamais ! C’est tout à fait mon type d’homme et je trouve qu’il a un très léger accent british qui ne gâte rien.

Fabienne
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Il était une fois un grand-père maternel, né dans les années 1890, disparu à quatre-vingt six ans, après avoir traversé, tête haute, une existence chaotique.
Il était assez grand, décharné, aux joues creuses ; son regard était vif et pénétrant.
Vêtu vêtu d'un bleu de travail, coiffé d'un béret basque, travailleur infatigable, il vivait de ses cultures, de sa basse-cour, se chauffait avec le bois qu'il débitait.
Cet ancien déporté, suite à la dénonciation calomnieuse de son épouse, a retrouvé son foyer vidé à son retour ; sans gémir sur son sort, il a soigné sa mère et pris soin de sa fille, alors adolescente. Serviable, souvent exploité, il a reconstruit une existence digne : quel courage !
Quand sa petite fille allait à l'école dans son hameau, il fut un temps où elle déjeunait chez lui, épargnant ainsi à l'enfant de six ans de parcourir seule huit kilomètres par jour. De plus, il lui fabriquait des sabots en bois, lui achetait des bottes en caoutchouc, prenait du temps pour l'écouter, passait sous silence les mauvais moments de son existence. Il était discret, efficace, généreux, dans la mesure de ses fort modestes moyens.
Il est parti comme il a vécu, discrètement.

Marie-Christine
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Avec le temps, le souvenir de son nom s’est effacé mais je garde encore bien précis dans ma mémoire, le portrait de cette femme élégante, à la quarantaine, assez grande, au teint clair, légèrement maquillée, toujours avec discrétion. Je revois son visage plutôt ovale qu’encadrait une belle chevelure blonde légèrement bouclée que son petit tailleur rouge mettait si bien en valeur, lui donnant un certain charme. Toujours tirée à quatre épingles, elle portait en elle une distinction particulière qui la faisait remarquer parmi tous les professeurs. J’imagine  qu’il en était de même dans la rue. Lors des réunions de parents d’élèves, après les éventuelles informations collectives, chaque enseignant se retirait dans une classe pour les recevoir individuellement.  Souvent ils attendaient dans le couloir, mêlés sans ordre et parlant plus ou moins bruyamment. Dès l’ouverture de la porte, certains se  bousculaient pour entrer, pressés d’en finir. Il n’en était pas de même devant la sienne. Sans même qu’elle ne donnât d’indication, les parents s’alignaient, faisant tranquillement la queue en silence, attendant leur tour, dociles  comme ses élèves d’ailleurs. Elle en imposait.
Tout au long de sa carrière, elle n’a jamais été chahutée. Elle ne l’aurait pas toléré. Dès que sa silhouette se profilait sur la porte vitrée et sans qu’elle n’eût rien à dire, tous les élèves se levaient et se taisaient immédiatement, ce qui n’était pas le cas pour les autres professeurs. A son : « bonjour mesdemoiselles», toutes répondaient et se rasseyaient sans faire le moindre bruit. Elle n’élevait jamais la voix et son ton relativement bas nous obligeait à  nous concentrer. Son regard noir pouvait paraitre sévère au premier abord mais il était extrêmement vivant. Perçant, quand il scrutait la classe vérifiant que toutes étaient attentives, dur, si le comportement ne correspondait pas à ce qu’elle attendait,  il pouvait devenir très doux quand l’une de nous était en réelle difficulté. Stricte, elle n’acceptait pas la paresse qu’elle fustigeait et punissait avec sévérité mais elle admettait que quelque notion ne soit pas comprise. Elle pouvait alors prendre du temps pour réexpliquer pour peu que l’on y mette de la bonne volonté car elle refusait l’échec et tenait à ce que toutes puissent la suivre. Elle nous encourageait fréquemment car elle voulait nous voir progresser. Elle était exigeante et bien que ce ne soit pas sa matière, elle ne manquait pas de nous faire rectifier les fautes d’orthographe ou de grammaire comme celles de calcul, et au besoin, de  donner l’explication. Les devoirs sur feuille devaient être impeccables. Pas de coins, de traits mal tirés, de taches d’encre ou de rature. Elle était sans pitié. Il fallait alors le  recopier en entier car, disait-elle, un devoir mal présenté est un manque de respect. Tout en nous enseignant les sciences naturelles, elle nous faisait réfléchir sur les qualités nécessaires à la vie en société, prenant comme exemple celle des insectes que nous étudions. A l’extérieur, certains la trouvaient froide, distante et parfois cassante mais en classe, bien que toujours droite, elle se révélait enthousiaste et passionnée par son métier et par cette  matière qu’elle n’avait de cesse de nous  faire aimer. Elle avait une vraie vocation de pédagogue sachant à qui poser les questions pour que nulle ne se sente humiliée, et lors des travaux pratiques, elle composait les  groupes de telle sorte qu’aucune ne soit  laissée pour compte. Je croyais que j’admirais son élégance mais en fait, c’était beaucoup plus que cela. Je ne l’ai eue qu’une seule année et si tout au long de ma vie, j’ai aimé et admiré  bien d’autres personnes, cette enseignante m’a marquée à tout jamais.  

Marie-Thérèse

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