dimanche 3 mars 2019

JE SUIS UN OBJET

Objets doués de parole. Ecrire sur un ou des objets, en employant le première personne du singulier
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Si je voulais raconter l'histoire de mon existence, il faudrait remonter à la nuit des temps pratiquement. Pourquoi et comment ai-je été créé, et si différent d'un endroit à un autre sur le globe. 
Je peux être de milles matières différentes, avoir des formes et tailles à nulle autre pareil. Plus ou moins travaillé et fignolé, je peux être unique, mais aussi produit à grande échelle. Mais pour celui qui me possède, c'est toujours un lien unique qui nous unit. 
Choisi avec soin ou transmis en héritage, les émotions m'accompagnent toujours. L'histoire s'écrit et peut se transmettre à travers moi, une histoire familiale mais également l'histoire avec un grand H. Tout dépend à qui j'ai appartenu ou appartient.
Mais lorsque l'on m'offre, la plupart du temps une larme se dessine. 
La main est mon écrin, le doigt est mon ami pour la bague ou l'anneau que je suis. 

Valérie
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Je suis un petit objet en bois, peint en bleu, longiligne, enserrant dans ma gangue une longue mine grise de graphite. J'ai été offert à ma propriétaire pour son entrée en CP, par un voisin.
Elle me serre dans sa main, de peur de me perdre, elle est très fière de moi ; elle ne se lasse pas de s'extasier de mes prouesses, de mes lignes droites, de mes arabesques, boucles et jambages.
J'obéis au doigt et à l'œil, serviteur silencieux, je rétrécis au fil des jours, taillé avec un canif, mon corps s'amenuise, mes copeaux partent à regret à la corbeille et finiront dans le poêle ; je souffre en silence. En attendant, je poursuis mon périple sur les pages blanches ou quadrillées : mes frises et dessins font la fierté de ma maîtresse.
Je suis le crayon bleu à la mine grise.

Marie-Christine
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Une chose est sûre : j'aime la couleur. La vie est triste sans technicolor. Je peux me décliner dans toutes les couleurs franches, en pastels, tons acidulés, toniques et flashs. Mon corps fuselé et aérodynamique se glisse dans des tenues diverses et panachées, ainsi que dans les interstices capables de m'accueillir. J'illumine les esprits, j'aime honorer l'essence même de mon héritage pluriculturel français. Et dans le respect de son intégrité, de ses différences et de son évolution au fil des siècles : j'applique avec sollicitude et bienveillance l'ordonnance bien ordonnée en chapelets de bons mots portant l'empreinte des civilisations.
Mes rêves, mes espoirs peuvent s'offrir ou s'assombrir en un seul trait. Je m'en veux si j'en souille les caractères et que j'entache la mémoire de mes ancêtres normands, celtes, francs, goths, sarrasins, anglo-saxons en agrémentant l'orthographe de tant de termes aux racines venues de mondes lointains.
Multiples connaissances qui se lovent, jouent, jouxtent entre elles entre les pages de dictionnaires et d'encyclopédies rédigés par des hommes érudits qui utilisaient à l'origine le bâtonnet, la plume, le stylo à plume et autres machines  transcriptrices tentant de remplacer les transcriptions écrites à la main. 
Je bénis ces hommes de science qui nourrissent et rédigent des lexiques et des parutions visitées et revisitées aux espaces, mots et expressions bien répertoriées aux ramifications compatibles et connectables au web. Oui à l'informatique qui tente de devenir transparent et net aux transcriptions maintenant vérifiées aux cotés de Wikipédia ou de wiki-media: avec des ramifications compatibles entre des milliards d'internautes sur internet.
Grâce à tous ces procédés complémentaires: Je clame mon bonheur et mon réconfort si je progresse en soignant lentement mais sûrement ma signature, ma touche personnelle : mon impact avec ou sans encouragement de ma maîtresse. L'important étant de croire en moi. Et de m'aimer étant ô combien récurrent et devenant résurgent.
Je me fais docile. Je plie sous le joug. Je me familiarise. Je m'identifie. Je me fais osmose et mimétisme. Je deviens lettré et je travaille le culte du savoir.
Et puis je m'échappe soudainement. Je m'éclipse. Je me fais désirer. Je teste la patience et l'addiction de ma propriétaire. Je me sauve et me cache sous un tabouret, une table ou un fauteuil. J'attends qu'elle me cherche, qu'elle me désire, qu'elle m'injurie en me traitant de tous les noms d'oiseaux. J'entends créer le manque. Et j'éprouve une joie intense quand elle fait travailler ses cellules grises pour me retrouver.
Je réalise alors que j'existe vraiment et que je suis d'une grande utilité. Quant à dire que je suis affectivement indispensable? Je pourrais éventuellement parler d'attachement....Je rends des services éminents. Corvéable à merci...Toujours est-il que le fait de tester les ressources et la réactivité de celle qui m'utilise me permet de renverser la situation et de m'imaginer un instant que c'est elle qui serait mon esclave, ma scribe, ma servante : oui droguée, dopée à l'encre de la vie, de la survie, de la transmission, de la présence indispensable et de l'absence insupportable.
Vous avez trouvé ?
J'aime quand elle se prosterne à la pointe de mon capuchon quand une fois elle le trouve bien caché : entre temps...je suis presque à l'agonie! Elle me dirait presque merci.
Je trace sans relâche des pleins, des déliés, des reliefs et je fais aussi des pâtés, mais je ne suis pas une tâche pour autant. Je suis le roi des stylos à billes, à encre, à mines moyennes et fines. Je suis malléable et je joue dans la cour des grands en toute impunité. Je tiens bien en main. Je ne fuis pas en principe quelles que soient les circonstances si mes jointures sont imperméables. Mon écriture file est fluide et régulière. Je bénéficie d'une réputation et d'une notoriété indiscutées.
Quand on me jette, on me remplace certes mais on peut me pleurer... Bientôt : nombre d'écoliers, de collégiens, d'étudiants, d'enseignants, de petits et hauts fonctionnaires, utilisateurs indépendants allant du personnel soignant aux employés administratifs et aux ouvriers allez me regretter car ma maison mère a déménagé hors du territoire français. Au bleu et au rouge se mêlera le blanc du drapeau tricolore expatrié!
Heureusement ma maîtresse a fait des frais et m'a trouvé de la compagnie colorée. Je ne souffre plus de solitude et je demeure discret en toute sérénité loin des yeux envieux, des emprunts, des doigts agiles, des quenottes prêtes à me ronger.
Et je m'essaie en groupuscule à faire travailler les petites cellules nerveuses de ma bienfaitrice en regroupant ses idées égarées derrière ses lunettes noires en un lointain rappel de Nana Mouskouri sérieuse, concentrée. Tout chuchotement, bavardage, ouverture de porte à la volée, troublerait le calme des rencontres à l'atelier d'écriture de Laurence.
Et en des jeux spécifiques qui deviennent des devoirs pour certaines. Les logorallyes, mots mêlés, petits bacs (baccalauréats), définitions à l'envers et imaginaires, quizz, charades et devinettes s'enchainent, s'emmêlent et se déchainent au rythme et au fil des séances. Ils enchantent les neurones avertis d'autres participantes qui en arrivent à  se reprocher leur manque de réactivité ou de productivité et se félicitent quand elles ont tout réussi en redemandent encore et encore des loggorallyes.
Alors Bac ou pas, je suis le stylo Bic qui fait face aux difficultés et apprend à vivre en société. 

Claudine 
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J'aime caresser sa peau quand j'entre en contact avec elle, alors je l'enveloppe autant que je le peux. Je la sens revivre sous mon poids, elle se sent aussi à l'aise que dans un cocon. Elle aussi aime me sentir tout contre elle, à ce moment-là elle retrouve confiance, elle est certaine qu'ensemble la journée ne pourra qu'être agréable, où qu’elle soit, elle n'a plus rien à craindre.
Mais elle n'est pas fidèle et le soir elle me délaisse pour un autre. C'est alors à mon tour d'être mal à l'aise, je suis abandonné, elle me quitte sans ménagement et part sans un seul regard vers moi.
La nuit me semblera longue mais peut-être que demain je serai autorisé à caresser de nouveau sa peau, cette pensée me permet de tenir bon, pauvre pull en alpaga que je suis.

Paulette
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J’aime danser le long des murs et aussi près des meubles que je caresse avec douceur. J’ai toujours un ou plusieurs grains attachés à ma robe et je dois me secouer pour m’en débarrasser. Dans le logis, je suis le compagnon fidèle de la fée mais je n’ai pas pour autant de pouvoirs magiques. Souvent mis au placard, la ménagère sait m’apprécier quand vient l’heure matinale. Ma belle robe de plumes colorées se met alors à virevolter même dans les
moindres recoins. Dans certains pays, mes plumes sont remplacées par des longues bandes de tissus de feutrine ou égayés de carreaux, de points ou bien d’étoiles. J’étais très utile autrefois mais, de plus en plus, je suis remplacé par un gros bouledogue qui vrombit. Ce mastodonte se traine par terre et n’a guère ma légèreté. Aussi au fil du temps a-t-il tenté de perdre du poids et de me remiser, moi, tout au fond du placard. Certains m’utilisent encore comme accessoire de ménage et d’autres plus du tout. Je pense que vous m’avez reconnu. Je suis le plumeau à poussières.

Marie-Thérèse
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Je suis celui sur lequel certaines d’entre vous tapent quotidiennement sans m’infliger de souffrances. Au début avec délicatesse et lenteur puis, en prenant de l’aisance, avec de plus en plus de célérité. On se sert de moi pour adresser des nouvelles ou des travaux à effectuer. Je me présente de la même façon depuis de nombreuses années pourtant certains ignorent encore toutes mes possibilités. Sans aucune discrimination, je suis noir ou bien gris sans être ivre. Je suis le clavier de l’ordinateur.
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Nous existons depuis plus d’un siècle et nombre d’entre vous nous recherchent au point de nous classer dans des volumes. Plus nous sommes vieux et avons conservé nos dents, plus vous nous appréciez. La façon dont on nous installait sur notre support initial prenait alors un sens particulier, la tête en bas par exemple. Au début on nous léchait le dos après nous avoir détachés, maintenant une simple pression suffit à nous faire tenir.
Nous sommes les timbres poste.
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Je glisse avec plus ou moins de bonheur sur une surface pas toujours très plane. Autrefois mécanique et composé d’un seul élément, je peux être  maintenant être électrique et composé de plusieurs éléments. Autrefois essentiellement utilisé par la gente masculine je suis maintenant unisexe sans forcément comprendre pourquoi, de même autrefois manipulé par le seul chirurgien je le suis maintenant par mon ou ma propriétaire. De toute façon on finit par me plonger la tête dans l’eau ou me souffler dessus. Je suis le rasoir.
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Je suis blanc et rose et placé aussi bien en haut qu’en bas. Je dors la nuit dans de l’eau, je suis censé être frotté quotidiennement….. J’épouse la forme de mon support et suis très utile à mon propriétaire. Nous sommes nombreux et comme les flocons de neige, tous différents. Notre création a bouleversé la vie de notre propriétaire. Parfois il est nécessaire de me réajuster pour ne pas blesser la partie qui m’accueille. Je suis le dentier.
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Nous bougons  tout le temps et ne restons  jamais en place tout en repassant toujours par les mêmes endroits. On nous lit souvent subrepticement et l’une d’entre nous fixant un point précis se signalera par un bruit particulier. Une autre de nous cavale tout le temps sur le même circuit que ses consœurs. La nuit nous sommes faites pour briller. Nous sommes les aiguilles d’un réveil. 

Fabienne
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Depuis longtemps les hommes, et les femmes également, m'utilisent. Enfin, si je puis dire, je suis devenue…indispensable. 
Non, non, je n'ai pas la grosse tête. Sans moi, je ne sais pas ce que serait leur vie ! Tantôt grise, tantôt plutôt gaie et colorée, je joue quelquefois à cache-cache avec les hommes. On m'aime indéfiniment, même s’il m'arrive de parfumer autour de moi ou que l'on me retrouve dans des endroits improbables. Bon… C'est vrai que dans des pays on ne me trouve pas ; là-bas je n'ai pas d'existence pour les plus démunis.
Dans la famille où j'habite, j'ai un endroit douillet bien à moi pour être facilement trouvée le matin alors que les brumes du sommeil sont encore dans les yeux. Alors, cela m'arrive de faire des blagues et mon propriétaire se retrouve un peu désemparé et confus lorsque d'autres lui font une remarque sur moi. Enfin, nous ! Car il nous arrive régulièrement d'être orphelines; une de nous happée, avalée, volatilisée dans la machine à laver… Nous les chaussettes !

Valérie 
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Je somnole depuis pas mal de temps mais soudain je sens sa main qui s'accroche à moi. C'est normal, on est dimanche et c'est donc jour de sortie, il me faut en profiter.
Fini de s'étioler sans bouger dans mon coin, je vais pouvoir circuler partout, fureter dans tous les coins et recoins, la maison sera toute à moi. Je vais pouvoir me dépenser sans compter, avancer plus ou moins vite, reculer et même faire demi-tour, rien que d'y penser, je m'agite déjà, je m’impatiente.
Mais comme on le dit, les bonnes choses ne durent qu'un temps, mon plaisir prend vite fin et me voilà de nouveau isolé, caché. Mais qu’importe, je m'en suis donné à cœur joie aujourd'hui, il me semble bien qu'elle aussi était satisfaite, tout le monde est donc content, pas facile d'être un aspirateur.

Paulette
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D’abord fait d’une matière noble produite par des insectes que vous admirez mais que vous redoutez aussi, je suis née dans un moule. Au départ, bien droite et de couleur blanche, j’avais un rôle protecteur. Je représentais celui qui me posait et j’étais le signe de sa demande ou de son remerciement. Par la suite, j’ai grandi, grossi m’encastrant dans des supports de céramique ou d’argent pour décorer par exemple la cheminée d’un salon bourgeois. Plus tard, j’ai perdu en taille mais j’ai pris des couleurs et même des petites décorations. Je me déguise en personnage, m’affublant d’un numéro, je suis la joie des enfants mais aussi des grands quand arrive l’heure de m’utiliser dans  les moments festifs. Perchée sur un sommet ou piquée sur une couche parfois glacée, je suis souvent accompagnée de mes semblables. C’est alors que je brille de mille feux et ma lumière se reflète dans les yeux rieurs de celui ou de ceux pour lesquels je suis allumée. Vous savez qui je suis : la bougie.

Marie-Thérèse

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